"Oui mais ça intéresse les autres marchés ..." Billet

Combien de fois entendons-nous tout au long de l'année, sur des montres qui ne créent pas l'enthousiasme, ce fameux "Ce n'est pas pour le marché français" ou "Vous n'êtes pas la cible". Pudiquement, et pour ne pas avoir l'air d'être ignorant, on repart et on regarde autre chose mais s'il vient l'intention de gratter un peu alors là, les choses deviennent intéressantes car on découvre que le modèle ne séduit pas plus ailleurs qu'ici et que le goût français ou européen n'est pas si différent de celui des autres marchés. Les flops sont des flops et les montres ratées, sont des montres ratées…  

Les patrons de marques et responsables marketing disent parfois en privé, hors micro, ce qui est impossible à annoncer publiquement. J'entends encore parfois cette langue de bois qui voudrait qu'une innovation technologique fut un succès quand son taux de retours au SAV dans les 6 mois suivant la vente dépasse les 35 à 40% et/ou quand un modèle annoncé comme un futur best-seller reste sur les bras des détaillants qui demandent à se les faire échanger …

Quelques maisons ont dû il y a quelques mois reprendre leur marchandise plutôt que la voir bradée ce qui aurait cassé durablement l'image des produits. D'autres reconnaissent plus difficilement l'échec d'une montre connectée pourtant lancée à grands frais ou d'une complication qui a semé l'indifférence. Mais pour mieux comprendre, il faut se pencher sur les attentes de communication des marchés. C'est que si on sait vendre un produit cosmétique à peu près de la même façon partout, il en va différemment quand le produit dépasse le seuil des 5000 euros.

Quand le jeune Chinois veut de l'original qui balaie la génération d'avant, le jeune Américain veut du destructuré, du rap et du street art alors que le jeune Russe veut du pas cher et du consommable. Le jeune Russe qui va chercher un produit cher cherchera un produit revendable avec une histoire, une référence "patrimoniale" qui le rassurera. Le Japonais lui aime la référence à son histoire. Si on change de génération alors, chaque pays cherche du pérenne, du durable, une montre qui renvoie à la tradition et ressemble à une montre "conservatrice" des traditions horlogères. Une fantaisie sur une couleur d'aiguille passe encore mais un cadran squelette avec un bracelet aux couleurs criardes ne plaira qu'aux plus de 40 ans américains et nulle part ailleurs à cette génération.

Les plus de 40 ans ont tendance à être un peu papi et mamie en matière d'audace sur des produits qu'ils paient au prix fort. Il n'est pas étonnant que Rolex ou Vacheron & Constantin ou Patek Philippe plaisent à cette génération car ces marques cultivent le conservatisme. JLC qui a voulu sortir de l'ordinaire s'est fait dégager du champ du possible et la marque paie ses tentatives de fantaisie. Il faut dire qu'elle a tellement fait preuve de peu d'audace qu'elle a fini à appartenir au passé .

Les marques ne peuvent plus communiquer de la même manière partout sauf à ne mettre en avant qu'un produit "technique" type plongeuse qui fait une relative unanimité intergénérationnelle. Cela donne ces campagnes confondantes d'inintérêt et sans originalité.  Il y a aussi la possibilité de développer un produit "Héritage" reproduction d'une montre qui fait partie de l'histoire de la marque. Longines, Omega et quelques "nouvelles" marques ont bien saisi cette opportunité et s'en tirent plutôt bien. Ensuite, il reste les ambassadeurs autochtones . Zenith, Omega, Longines et quelques autres mettent en avant des Chinois qui nous sont inconnus et ne deviendront jamais des stars en France même si Tik Tok les portent à l'international du ridicule.

La communication va devoir redevenir locale, ce qui plait ici ne plait plus là et la standardisation des modes de ventes peine à se mondialiser. A Paris, les boutiques ont importé des vendeurs et vendeuses chinoises qui vivent dans des HLM de banlieue et finissent par trouver une âme sœur occidentale qui les ramène au cœur de Paris mais la plupart vivent en France dans une demie misère et un isolement familial que tout le monde ignore ou feint de ne pas voir. C'est un autre scandale de ces prochaines années … Ces vendeurs importés sont là pour la clientèle touristique chinoise et payés au smic, ils peinent à boucler les fins de mois. Ils mangent plus facilement un sandwich dans un fond de boutique qu'au restaurant du coin bien trop cher pour eux et elles.

Alors non, les montres ratées le sont souvent partout et aucun marché ne les libérera des stocks. Ce n'est pas la peine de se mentir, il n'y pas grand chose qui se vende en ce moment à part ce qui est traditionnel.