ZEN Rang: Administrateur
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| Sujet: Naples et ses deux banlieues en crise Jeu 26 Oct - 20:12 | |
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- Naples et ses deux banlieues en crise : le centre-ville et la périphérie
LE MONDE 25.10.06
Les venelles qui descendent de la station de métro Montesanto vers Via Toledo, la principale artère commerçante du centre de Naples, grouillent d'une activité pas forcément catholique. C'est probablement par ici qu'ont transité la plupart des 50 000 montres Rolex dérobées ces dernières années aux clients des hôtels de luxe sur le front de mer.
Ces quartiers espagnols font partie, comme le Rione Sanita ou les alentours de la gare centrale, d'une étrange géographie urbaine que décrit Gabriella Cundari, adjointe à la gestion du territoire de la région Campanie. "Nous avons de nombreuses banlieues qui sont (...) sources de violences", a-t-elle expliqué en préambule d'un colloque franco-italien sur "les périphéries d'Europe, entre violences et projets", organisé lundi 23 et mardi 24 octobre au Centre culturel français de Naples.
Bien que situées en centre-ville, ces zones présentent tous les symptômes de la banlieue : population défavorisée, chômage des jeunes, fort taux d'immigrés, délinquance diffuse. A Naples, une famille sur quatre vit sous le seuil de pauvreté, essentiellement dans ces quartiers à l'habitat dégradé, où l'économie souterraine compense des aides sociales inexistantes.
"Les conditions d'exclusion dans les quartiers difficiles des villes du Mezzogiorno sont peut-être plus graves que celles que subissent les habitants des banlieues parisiennes", confie Giovanni Laino, professeur de politiques urbaines à l'université de Naples-Frédéric II. Il observe, depuis sa faculté située en plein quartiers espagnols, une réalité sans comparaison avec celle des banlieues françaises. "La population la plus défavorisée se sent abandonnée, mais elle ne ressent pas l'Etat comme un ennemi, dit-il. En fait, elle n'en attend rien et ne le rencontre qu'à travers le système judiciaire."
GUERRE DES CLANS
Face à une nouvelle flambée de violences, le ministère italien de l'intérieur a décidé, à la mi-septembre, un énième plan "pour faire de Naples un laboratoire national pour la sécurité". Il ne faut pas s'attendre à des confrontations avec la police. "De nombreux comportements illégaux sont tolérés par les responsables de l'ordre dans ces quartiers populaires qui deviennent des zones off-limits", explique l'universitaire.
La malavita joue un rôle d'amortisseur social, en permettant à des milliers de familles napolitaines de survivre. "Si, d'un coup de baguette magique, on supprimait la Camorra ("mafia" napolitaine) et la moitié de l'économie grise, des centaines de milliers de personnes se retrouveraient sans rien", affirme Giovanni Laino.
Mais Naples a aussi ses quartiers périphériques à problèmes, où l'emprise mafieuse est souvent sans contrepoids. Scampia, 70 000 habitants, érigée au début des années 1970 sur des terrains vagues, est l'une des banlieues les plus connues : urbanisme bâclé, services publics absents, réputation de zone de non-droit. Trois de ses sept "Vele" - barres d'immeubles en forme de voile de bateau - ont été détruites.
Mais celles qui restent, transformées en supermarchés de la drogue par la pègre locale, participent à la stigmatisation du quartier. Une guerre des clans, qui a fait plus 80 morts en 2004, n'a pas arrangé son image.
"De tels quartiers souffrent d'un manque de réseaux sociaux, ce qui réduit les possibilités de sortir de la pauvreté", estime la sociologue Enrica Amaturo. Pour Isaia Sales, conseiller économique du président de la région et spécialiste de la Camorra, la crise des banlieues est née avec le déclin des clans mafieux du centre-ville, et la décentralisation de la criminalité organisée. Selon lui, le centre de Naples, avant de perdre 160 000 habitants et pas mal de substance économique, avait au moins "l'avantage de la mixité sociale".
Les jeunes de la rue, rappelle-t-il, avaient une alternative : un métier ou la délinquance. A Scampia aujourd'hui, et dans de nombreuses communes de la mégapole, le clan est un débouché quasi unique. "La coupure entre le milieu du travail et le "milieu" tout court est la ruine de Naples, affirme M. Sales. Nous n'avons pas d'autre choix que de travailler sur l'intégration, en englobant les banlieues dans un seul grand projet urbain." http://www.lemonde.fr/web/article/0,1-0@2-3214,36-827361@51-827462,0.html _________________ Contraria contrariis curantur. (Les contraires se guérissent par les contraires).
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