Une fin de siècle en forme de charnière dans l'histoire de la manufacture En cette année 1896, la manufacture soigne son image et les débouchés semblent excellents. Les premières médailles d’or récompensant la précision de ses instruments seront remportées par Georges Favre Jacot cette même année à l’occasion de l’exposition Nationale Suisse.
Cette époque ne sera que le début d’une longue période de succès puisque la marque remportera notamment le « Grand prix de Paris en 1900 » lors de l’exposition universelle et le premier prix du concours de chronomètres de l’observatoire de Neuchâtel en 1903. Les marques se battent sur le terrain de la précision ultime. Les concours sont l’occasion de démontrer son savoir faire et le métier de régleur de précision est certainement l’un de ceux qui en demande le plus. Georges Favre Jacot n’hésitera pas à rechercher les meilleurs d’entre eux.
D’abord signées Billodes, les montres de Georges Favre Jacot prendront le nom de la société qui les assemble puis celui du créateur de l’entreprise. Il ne faut nullement déduire des recherches de rationalisation des tâches qu’impulse le fondateur de la manufacture que les pièces à complications étaient absentes de la production. On connaît ainsi des modèles à répétions des minutes qui furent vendus sous la marque Billodes.
Le marché Russe en 1896 donne des ailes à la production et pour ne pas restreindre les autres marchés en plein développement, il faut embaucher et élargir le parc de machines. Il est en effet impensable de livrer sur ces marchés exigeants, les modèles de montres plus anciennes en surstock qui inquiètent le conseil de surveillance de l'entreprise et poussent celui-ci à souhaiter après une dépréciation de 15%, leur écoulement sur le marché local. L’argent frais des actionnaires va faciliter cette vision expansionniste et comme les affaires vont bon train, la relation de Georges Favre Jacot avec ceux-ci se passe dans de bonnes conditions. C’est encore cette année que voit le jour, le projet d’électrification de l’usine qui aboutira l’année suivante et distribuera force motrice et éclairage dans tous les bâtiments « offrant des possibilités de travail comme en plein jour même à la nuit tombée ». Le patron de la manufacture vise surtout avec cette production autonome, une indépendance énergétique à l’égard des réseaux publics qui tardent à se développer dans cette zone de la Suisse et dont les tarifs sont très incertains. La production de montres de la manufacture repose essentiellement sur les calibres appelés Diogène, Terminus .
La concurrence est de plus en plus performante en particulier avec Louis Brandt qui a créé en 1894 son calibre 19 lignes « Omega », mais ZENITH n’a pas encore trouvé son calibre mythique et reste dans une production qui n’atteint pas le niveau du dernier mouvement de Louis Brandt.
Le conseil de surveillance n’entend pas les avertissements de son gérant/actionnaire chargé de gérer toute la production et refuse toute politique d’investissement, restant insensible aux propositions de réorientation de la production qui lui sont faites. En revanche, les actionnaires attendent que ce dernier élargisse les marchés déjà conquis et en ouvre de nouveaux ce qui s’avère rapidement être la quadrature du cercle dès lors que la production n’est pas dotée des moyens de s’adapter. « Si Georges Favre-Jacot veut investir, il n’a qu’à écouler les stocks ». A ses projets d’agrandissement, il lui est répondu qu’il doit augmenter la production avec les moyens disponibles mais la tâche est quasiment impossible à moyens constants. Hélas, Georges Favre-Jacot n’a pas comme interlocuteur des horlogers ni même des gens qui connaissent ce métier mais des financiers peu conscient des moyens à développer pour donner à ce secteur les moyens de son expansion. Sans doute les stocks des calibres déjà dépassés sont-ils alors trop importants et faut-il s’en débarrasser mais l’essentiel n’est pas là et l’urgence est dictée par la concurrence qui par ses produits innovants et performants conquière de nouveaux marchés.
Le jeune entrepreneur fougueux est devenu un homme d’affaires au caractère trempé qui défie les normes de la gestion appréhendées par les banques qui vont le découvrir tel qu’il est c'est-à-dire plus trempé encore qu’elles ne l’avaient probablement imaginé.
1898 Naissance du calibre Zenith La ma anufacture de Georges Favre Jacot présente enfin en 1898 un nouveau calibre qui va pouvoir rivaliser avec les produits phare de la concurrence. Ce dernier de conception plus moderne s’avère être d’un meilleur rapport car sa fabrication plus économique n’a pas nuit à sa fiabilité loin s’en faut et sa conception moderne le rend très compétitif. Il supplante dès les deux dernières années du siècle ses deux rivaux et frères. La production du mouvement est très vite insuffisante pour faire face à la demande du marché.
Georges Favre Jacot veut privilégier la livraison de ce mouvement qui n’est produit qu’à un volume de 8 à 10 cartons par jour (un carton comprend six montres) quand il en faudrait au moins 24 cartons soit un peu moins de 150 montres. La manufacture produit à cette époque toutes pièces confondues près de 800 unités quotidiennes. Le mouvement dans le droit fil des noms de baptême superlatifs Diogène et Terminus reçoit le nom de ZENITH. La légende voudra que ce soit en regardant les constellations d’étoile, un soir que Georges Favre Jacot ait eu cette idée. On retiendra que toutes les marques ou presque donnent à l’époque un nom à leurs mouvements et que la surenchère emporte les imaginations. Le calibre Zenith sera décisif dans l'avenir de la manufacture comme le El Primero 75 ans plus tard... L'histoire est un éternel retour dans le temps.
En 1898, c’est d’abord vers le marché de la France et de ses colonies ainsi que vers la Belgique que l’attention se porte grâce à un représentant qui devra y garantir le développement des ventes. La France avec ses colonies représente un marché à fort potentiel. Georges Favre Jacot nomme un représentant à Paris. Il est chargé des ventes pour la France, la Belgique, l’Algérie et toutes les exportations partant de France à destination de l’Outre-mer. La désignation de ce représentant est complétée en 1899 par l’ouverture d’une agence dont la mission est d’élargir la vente des produits aux horlogers français qui seront systématiquement démarchés sans que d’ailleurs on se soucie de savoir s’il faut implanter un ou plusieurs détaillants de la marque dans une même ville de province. L’agence Parisienne a pour mission d’être l’interlocuteur des détaillants et de faciliter les transactions.
L’exposition Universelle de 1900 sera l’évènement populaire et retentissant au plan mondial qui marquera l’entrée dans le siècle et bien évidemment, cette perspective n’est pas indifférente à la décision prise de fixer à Paris une implantation stratégique. La ville sera en effet pendant le temps de cette exposition la ville phare vers laquelle les regards du monde entier se tourneront. Cette exposition marquera un nouveau tournant dan sl'histoire de la manufacture qui y remportera un grand prix dont lma trace sera inscrite dans toutes les montres de poche jusqu'aux années 70...
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