Avenir intact en Chine et en Inde
PREVISIONS. Le potentiel des deux pays semble inépuisable, même si leurs gouvernements tiennent la bride courte sur le plan légal et paraissent se méfier des investisseurs.
Herbert M. Stich, Managing Director de Franklin Templeton, Zurich
Lundi 29 janvier 2007
La progression des pays émergents, Chine et Inde en tête, n'est pas près de se terminer. Entre 2004 et 2025, la Chine devrait connaître une croissance économique de 344%, l'Inde de 222%, selon une étude de l'US Census Bureau. Le Brésil et la Russie suivent à bonne distance avec 78%, respectivement 98%, mais devancent toujours les USA (77%) et la Suisse, avec 31%.
Ce n'est qu'à la mort de Mao, en 1976, qu'est née la possibilité d'entreprendre des réformes en Chine: deux ans plus tard, la libéralisation de l'économie était en marche. Depuis lors, l'Empire du Milieu est en mutation constante.
Depuis près de 30 ans, les lois du marché gagnent chaque jour du terrain. Le contrôle des prix a été aboli, la fondation d'entreprises privées autorisée, et les entreprises étatiques sont soumises à la concurrence. En outre, le monopole d'Etat pour les exportations a été levé, et les droits de douane allégés. La Chine est en passe de devenir une puissance industrielle, tandis que la libéralisation soutenue attire de plus en plus d'investisseurs directs étrangers. Malgré tous ces progrès, il reste encore à réduire les inefficacités existantes. La politique de la «porte ouverte» a mis fin à 30 ans d'un isolement dont les failles sont toujours perceptibles.
Durant plus de 40 ans, l'Inde a vécu sous le régime d'une économie planifiée. Depuis 1990 néanmoins, la situation évolue de manière drastique. Des entreprises d'un nouveau genre dominent désormais: compétitives à l'échelle mondiale, elles s'affranchissent progressivement du cadre réglementaire de l'Etat.
Toutefois, le processus de mutation d'une économie planifiée et protégée vers une économie de marché dynamique n'est pas terminé. De nombreux obstacles et règlements bloquent encore l'afflux de capitaux supplémentaires. Tout comme en Chine, les traces du passé sont encore visibles. Néanmoins, les mailles du filet réglementaire se desserrent petit à petit, et les réformes sont résolument encouragées à tous les niveaux politiques.
La Chine et l'Inde font partie des pays émergents les plus peuplés et les plus riches en ressources. Ne serait-ce que leur taille leur octroie déjà de bonnes chances d'acquérir une importance économique considérable. Leur potentiel de croissance est énorme, et les taux annuels, avec environ 7%, respectivement 8%, sont presque égaux.
La dynamique économique de ces deux pays repose sur des fondements plus larges, donc plus stables, que ceux d'autres pays émergents. La Chine et l'Inde ont des structures, des industries et des facteurs de croissance différents. Même si les deux économies se ressemblent en certains points, elles évoluent de manière largement indépendante sur les plans économique et politique. Malgré leurs similitudes, la Chine et l'Inde se complètent ainsi comme deux pièces d'un puzzle. L'intérêt pour l'investisseur n'en est que plus fort, puisqu'à la promesse d'une croissance élevée s'ajoute le maintien d'une diversification certaine.
Sur le plan des coutumes commerciales et culturelles, les différences entre pays émergents et industrialisés sont néanmoins nombreuses et variées. Un comportement en usage sur un continent peut provoquer une réaction de désapprobation sur un autre. Des modes de pensée si différents constituent un facteur de risque non négligeable, susceptible d'exercer une influence négative sur une transaction, voire même conduire à de mauvaises décisions d'investissement. «En Chine, les affaires se déroulent autrement que dans le reste du monde», déclare par exemple Murray Simpson, Executive Vice President de Franklin Resources, qui est sur place. «Le cadre réglementaire est complexe, et le gouvernement reste sur ses gardes à l'égard des entreprises étrangères. Construire un réseau de relations basé sur la confiance exige beaucoup de temps.»
Ne serait-ce que pour toutes ces raisons, il est extrêmement important de tenir compte des risques: néanmoins, vouloir les réduire sérieusement est une entreprise coûteuse et complexe qui requiert un savoir-faire spécifique. La Chine et l'Inde sont justement sujets à des changements radicaux qu'il est quasiment impossible de percevoir à temps, qui plus est à partir d'un autre continent. Dans la recherche des meilleures entreprises ou des investissements les plus prometteurs, mieux vaut disposer de spécialistes de la région concernée et de gérants munis de connaissances spécifiques.
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