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Sujet: Chemins de fer 23/4/2017, 17:36
Sujets Chemins de fer
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Dernière édition par ZEN le 26/4/2017, 16:14, édité 1 fois
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Sujet: L'histoire des montres de chemins de fers 23/4/2017, 18:57
Parmi les facteurs qui ont joué à travers le temps pour une conquète toujours plus précise et toujours plus large de l'heure, on trouve d'abord la navigation et le calcul des longitudes, les guerres et le besoins de développer des stratégies "heurées" et coordonnées, les transports collectifs comme le train, l'aviation et la voiture.
Tous ces domaines de prédilection de la recherche du temps exact trouvent à la fin du 19ème et au début du 20ème siècle des développements nouveaux. Ce sont les heures de gloire des montres de poche qui passent du cylindre à l'ancre, de la mesure ordinaire du temps à la précision et de la précision à la chronométrie.
Les chronomètres de marine deviennent des pièces de très haute précision qui ne pourront jamais être produits en grandes séries même si d'une marque à l'autre, il s'en fait de plus ou moins grands nombres. Ulysse Nardin sera en Suisse le fabricant dominant de des chronomètres. Aux USA, toutes les grandes marques se livrent à ces fabrications de prestige.
Les guerres, celle de 1870 bien sûr mais surtout la première guerre mondiale font passer les montres de la poche au poignet et monter l'heure à bord des avions. Les montres de bord font leur apparition.
Les premières voitures sont très vite équipées de montres de bord qu'on attache au tableau de bord et qui ressemblent furieusement à des montres de poche posées à l'envers.
Les chemins de fers sont évidemment un facteur de développement particulièrement privilégié par les marques qui tenteront de décrocher le maximum de marchés tant la notoriété qu'elles en tireront aura des conséquences sur les ventes des montres distribuées dans les circuits commerciaux. Le marché du rail américain s'est intéressé aux montres de précision à l'issue d'un accident survenu le 19 avril 1891 près de Cleveland dans l'Ohio. Ce jour là, deux trains de voyageurs se télescopent sur une voie unique tuant 9 d'entre eux. L'enquête engagée aussitôt démontre que le mécanicien de l'une des machines s'est engagé trop vite à cause de sa montre qui avançait de 5 minutes. Les compagnies de chemins de fers américaines en tirent immédiatement la conclusion qui leur faut équiper le personnel de montres précises et sollicitent après un accord commun un horloger de Cleveland, Webb C.Ball pour qu'il rédige un cahier des charges avec des normes très strictes en matière de montres de service.
Dès lors les montres des chemins de fers vont être encadrées par un règlement draconien qui impose des calibres de 19 ou 20 lignes à échappement à ancre, à simple plateau comptant au moins 17 rubis et ayant au moins une précision de 30 secondes par semaine ce qui correspond à une précision de chronomètre. Ces montres seront baptisées "Railroad watch" qui les distingue des "Train watch" qui ne sont que des montres fantaisie dont le fond ou le cadran est orné d'une locomotive.
Il sera ensuite décidé de créer une montre de chemins de fers standard dite "Official RR Standard Watch" (RR pour Rail Road) répondant aux critères visé plus haut auxquels Webb C.Ball ajoute "Réglage aux 5 positions et aux températures de 30 à 95 ° farenheit ( soit -1 à +35°), raquette de réglage fin, double plateau, cadran bien lisible avec heures arabes et fortes aiguilles, remontoir au pendant à 12 heures et donc calibre Lépine, un nombre de 3 chiffres correspondant au grade gravé sur le mouvement (exemple 992). Obligation est faite aux cheminots de faire contrôler leurs montres tous les 6 mois.
Dès ce règlement adopté, 37 firmes américaines sont agréées pour pour fabriquer ces montres standard dont Hamilton qui lance la Hamilton Railways Special. Vers 1915, le nombre de fabricants agréés est réduit à 8 dont Elgin, Hamilton, Hampden, Haward, Illinois, Rockford, South Bend et Waltham.
Vers 1920, les calibres 20 lignes sont délaissés par les compagnies de chemins de fers qui se tournent vers les mouvements des manufactures suisses.
Beaucoup se sont intéressées à ce marché des montres de chemins de fers dès le début du siècle.
Publicité Vacheron et Constantin 1908
L'ensemble des pays adoptent des règlements souvent assez proches des règlements américains et sur le territoire nord américain, nombre de Railroads sont équipées par Omega, ZENITH et Longines. Omega propose souvent dans ces catégories de montes des calibres cccr tandis que ZENITH fera des séries spéciales de calibres sur ses modèles existants en particulier pour les chemins de fers canadiens.
Calibre OMEGA CCCR
Calibre RR56 de ZENITH pour les Canadian Railways
Montres Omega et ZENITH destinées aux Chemins de fers de Serbie (années 30)
Gil Baillod dans un article écrit sur montres passions développe avec brio le thème des montres de chemins de fers. En voici un extrait...
"Vu l’immensité du pays et le rapide développement des chemins de fer, les Américains instituent en 1883 le système de l’heure universelle. La terre est divisée en 24 fuseaux horaires égaux limités par deux méridiens et, en 1884, Greenwich est adopté comme méridien d’origine. Afin de limiter les accidents sur les voies uniques et de tenir un horaire précis, les employés sont équipés d’une montre fournie dès sa création en 1892 par la Hamilton Railway Special. Un modèle de poche Lépine, calibre 19 lignes, ajusté aux températures dans cinq positions, régulateur à vis micromécanique, balancier Breguet, etc. L’origine de la précision de ces montres tient dans le rigoureux service après-vente géré par les chemins de fer et qui va profiter à l’amélioration du calibre. Un service à nul autre pareil dans le monde. Dans toutes les gares terminus se trouve un inspecteur des montres auquel les employés doivent se présenter une fois par semaine avec une carte de comparaison. La montre est confrontée à un chronomètre type de marine de fabrication anglaise, lui-même réglé une fois par jour par T.S.F depuis l’Observatoire de Washington, via la radio de Boston. (En Suisse, les premiers signaux horaires sont transmis par Radio Berne en 1926, d’après l’Observatoire de Neuchâtel.) La tolérance est serrée: toute variation de 3 secondes des garde-temps est corrigée. Lorsque la marche hebdomadaire dépasse 30 secondes, la montre est remplacée pour être réglée. Une révision générale de celle-ci intervient tous les trois mois et un rhabillage obligatoire tous les dix-huit mois. Les montres sont examinées par un horloger des chemins de fer et leur réparation éventuelle confiée à un rhabilleur officiel agréé par Hamilton. Le rapport d’inspection s’établit en double, une copie va au directeur général des transports et l’autre à l’inspecteur en chef de l’heure, chargé de surveiller plusieurs réseaux. Hamilton Watch est informée de la teneur des rapports, ce qui lui permet d’intervenir au niveau de sa production.
En Amérique, le rail était le symbole de la ponctualité érigée en valeur suprême. C’est donc très naturellement que la firme Hamilton va largement utiliser sa qualité de fournisseur des chemins de fer ainsi qu’en témoigne l’annonce publicitaire parue dans le magazine Collier’s en 1912: «The fastest trains in America run on Hamilton Watch Time» (les trains les plus rapides d’Amérique roulent à l’heure des montres Hamilton), photos de puissants trains à l’appui et 22 portraits en médaillon, non de stars, à la mode d’aujourd’hui, mais de chauffeurs de locomotives et d’employés des trains!"
Crédit images http://elginwatches.org - Collection personnelle - Sources : Gil Baillod pour Montres passion , Voyage à travers le temps de Marco Richon/Omega, ZENITH, Archives privées.
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Sujet: La fabuleuse épopée des montres de chemin de fer 23/4/2017, 19:04
La fabuleuse épopée des montres de chemin de fer
L’histoire des montres de chemins de fer commence aux Etats-Unis le 19 avril 1891. Ce jour-là, à Kipton, près de Cleveland dans l’Ohio, deux trains de voyageurs se télescopent sur une voie unique tuant neuf d'entre eux. L'enquête engagée immédiatement démontre que le mécanicien de l'une des machines s'est engagé trop vite sur la voie unique, provoquant ainsi le télescopage avec un train arrivant en sens inverse à cause de sa montre qui avançait de 5 minutes.
Les compagnies de chemins de fers américaines en tirent immédiatement la conclusion non pas qu’il faut doubler les lignes, ce qui eut été d’un coût exorbitant, mais qu’il leur faut équiper le personnel de montres précises. Elles sollicitent, après un accord commun, un horloger de Cleveland, Webb C.Ball pour qu'il rédige un cahier des charges avec des normes très strictes en matière de montres de service.
Les montres des chemins de fers d’Amérique du Nord vont alors être encadrées par un règlement draconien qui impose des calibres de 19 ou 20 lignes à échappement à ancre, à simple plateau comptant au moins 17 rubis et ayant au moins une précision de 30 secondes par semaine ce qui correspond à une précision de chronomètre. Ces montres seront baptisées "Railroad watch".
Il sera ensuite décidé de créer une montre de chemins de fers standard dite "Official RR Standard Watch" (RR pour Rail Road) répondant aux critères visés plus haut auxquels Webb C.Ball ajoute "Réglage aux 5 positions et aux températures de 30 à 95 ° Fahrenheit" (soit -1 à +35°), raquette de réglage fin, double plateau, cadran bien lisible avec heures arabes et fortes aiguilles, remontoir au pendant à 12 heures et donc calibre Lépine, un nombre de 3 chiffres correspondant au grade gravé sur le mouvement (exemple le calibre 992 conçu par Hamilton). En outre, il est fait obligation aux cheminots de faire contrôler leurs montres tous les 6 mois. Une fois ce règlement adopté, trente-sept firmes américaines sont agréées pour fabriquer ces montres standard dont la firme Hamilton qui lance la "Hamilton Railways Special".
Sous la pression des syndicats américains, seules, pratiquement, des marques américaines sont admises. Il n’est pas question en effet d’admettre que des montres « officielles » puissent ne pas être fabriquées par des ouvriers syndiqués. Les marques suisses sont donc quasiment absentes du champ des fournisseurs potentiels des compagnies américaines.
Le modèle Hamilton est une montre de poche Lépine, calibre 19 lignes, ajusté aux températures dans cinq positions, disposant d’un régulateur à vis micromécanique et d’un balancier Breguet. La précision extrême de ces montres tient dans le service après-vente drastique géré par les chemins de fer. Le service assuré sur les instruments est exceptionnel. Chaque gare terminus dispose d’un inspecteur des montres auquel les employés doivent se présenter une fois par semaine avec une carte de comparaison. La montre est alors comparée à un chronomètre type de marine anglais qui est lui-même réglé une fois par jour via un signal porté par la T.S.F depuis l’Observatoire de Washington et diffusé sur la radio de Boston (en Suisse, les premiers signaux horaires sont transmis par Radio Berne en 1926, d’après l’Observatoire de Neuchâtel). La tolérance est particulièrement réduite et toute variation de chaque garde-temps supérieure à 3 secondes est corrigée. Si la marche hebdomadaire dépasse 30 secondes, alors la montre est remplacée pour être réglée et faire l’objet d’un service complet. En dehors de cette hypothèse, une révision générale de chaque garde-temps intervient tous les trois mois et un rhabillage obligatoire tous les dix-huit mois. Le service est assuré par un horloger des chemins de fer et s’il y a lieu l’éventuelle réparation est confiée à un rhabilleur officiel agréé par Hamilton.
La plupart des pays vont adopter des montres de services fiables et précises, parfois avec des critères moins pointus au plan technique dès lors que même avec simplement 15 rubis, une montre peut être un redoutable chronomètre. Bien au-delà de l'accident de l'Ohio, les accidents ferroviaires vont en effet se multiplier à la fin du 19ème siècle et au début du siècle suivant. Plus spectaculaires les uns que les autres et souvent meurtriers, ces accidents qui font la une de la presse affolent les populations souvent méfiantes à l'égard des transports ferroviaires. La vitesse est encore perçue dans les premières années du 20ème siècle comme un phénomène défiant les éléments naturels.
La France sera le théâtre de l'un des accidents les plus symboliques de l'histoire quand le 22 octobre 1895, Guillaume Marie Pellerin qui travaille depuis près de 20 ans pour les chemins de fer fait démarrer son convoi ferroviaire avec 10 minutes de retard, peut-être neuf minutes. Pour rattraper son retard, il pousse sa machine au-delà de la vitesse habituelle et lors de l'entrée en gare de Montparnasse (à l’époque gare de l’Ouest), freine trop tard. La locomotive percute les heurtoirs, traverse la gare en ne faisant que des blessés légers et tombe de 10 mètres par l'une des fenêtres de la gare, directement sur le trottoir ! Les gravas du mur défoncé tuent la femme du gérant du kiosque à journaux qui n'a pas le temps de s'écarter.
L'accident est l'un des plus célèbres au monde avec celui qui s'est produit le 19 avril 1891 près de Cleveland dans l'Ohio.
Vers 1915, le nombre de fabricants agréés par les compagnies américaines est réduit à huit dont Elgin, Hamilton, Hampden, Haward, Illinois, Rockford, South Bend et Waltham. Vers 1920, les calibres 20 lignes trop lourds des manufactures américaines sont délaissés par les compagnies de chemins de fers qui se tournent vers les mouvements des manufactures suisses.
Montres Omega et ZENITH destinées aux Chemins de fers de Serbie (années 30)
L'ensemble des pays adoptèrent des règlements souvent assez proches des règlements américains. Petit à petit sur le territoire nord-américain et en particulier au Canada, nombre de Railroads sont manufacturées par Omega, Zenith et Longines. Vacheron Constantin souvent avec des emboitages américains pour répondre aux lois et règlements protectionnistes américains.
Omega propose ainsi des calibres de haute qualité davantage empierrés que les modèles courants afin de réduire les risques d’usure. Les autres manufactures n’hésitent pas à développer des mouvements spécifiques ou tout au moins à élaborer des variantes spéciales de leurs calibres. Longines développe ses fameux mouvements Express Leader et Express Monarch, véritable instruments de haute précision.
Chaque pays va s'équiper de montres de chemins de fers et ceci jusque dans les années 1960. Quels que soient les pays concernés et que les compagnies soient nationales, publiques ou privées, les montres sont toujours bâties sur la base d'un cahier des charges précis. Les Européens moins exigeants que les Nord-Américains quant à l'empierrement sont en revanche plus généreux sur les boîtiers qui sont parfois en argent et soigneusement gravés au nom de la compagnie concernée.
En France, avant 1937, les compagnies de chemins de fer ne sont pas encore nationalisées et ce sont donc des compagnies privées régionales qui exploitent des lignes réparties sur le territoire national. L'entreprise familiale L. Erbeau et Compagnie, 100 boulevard Sébastopol à Paris, sera jusqu'aux années 30 l'un des fournisseurs des compagnies françaises.
Les montres sont alors réservées au personnel d'exploitation qui les règle lui-même sur le régulateur de la gare (les premiers électriques). L'ajustage de l'heure avait lieu réglementairement au moins une fois par jour par son utilisateur et les contrôles réguliers de la bonne marche de la montre par comparaison au régulateur devaient être répétés dans la journée. L’image du chef de gare avec l’œil en permanence sur sa montre et la pendule vient de cette contrainte.
A l'opposé des Américains qui faisaient réviser les montres de manière très régulière et ne laissaient aux agents que le soin de signaler tout écart excessif, le système français responsabilise l’utilisateur.
On connaît après 1937 des montres SNCF fabriquées par LIP et Zenith. Il est plus que probable que l'installation d'atelier Zenith à Besançon ait favorisé cette commande de la compagnie ferroviaire française. En effet, la tendance de la SNCF était de faire travailler des fournisseurs nationaux avant de faire appel à des sous-traitants étrangers
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Les chemins de fer turcs, serbes, yougoslaves ou russes seront aussi de gros clients des manufactures suisses. Les pays d’Europe et d’Amérique du sud font plus facilement appels aux firmes suisses qu’aux manufactures américaines très peu présentes dans la fourniture de montres aux compagnies européennes et sud-américaines.
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Sujet: La montre dont on cacha qu’elle était suisse, la Trainmens special 23/4/2017, 19:05
La montre dont on cacha qu’elle était suisse
L'histoire de la « Trainmens special », la plus suisse des montres américaines
Aux alentours de 1910, la concurrence entre les manufactures américaines et suisses est à son paroxisme. Lors de l'exposition universelle de Philadelphie de 1876, Waltham Watch C° a fait une extraordinaire démonstration de force quant à sa capacité industrielle à produire de grands volumes de montres en appliquant des principes d'interchangeabilité des pièces et de rentabilité, très en avance sur l'industrie suisse. La manufacture américaine a en effet déplacé une chaine de fabrication complète sur l’exposition et a ainsi démontré une avance technologique inégalée. Près de trente années plus tard, l’image de l’horlogerie américaine reste dans le monde celle d’une industrie de pointe capable de maîtriser la production de grands volumes de produits qualitativement excellents. L’industrie horlogère suisse est davantage perçue comme une industrie reposant sur le recours à beaucoup de main d’œuvre mais apportant une fiabilité dans la précision de ses mouvements qui en fait une référence mondiale. C’est donc sur le terrain commercial que la bataille est la plus âpre.
Les Suisses en 1910 ont considérablement fait progresser leur industrie horlogère tant au plan technique que de l’organisation. L’horlogerie suisse reste plus chère que l’horlogerie américaine et le concept de manufacture doit encore évoluer pour égaler les Américains sur le registre de la rentabilité et du rendement. Si l'horlogerie suisse est qualitativement admise comme supérieure à sa concurrente américaine, cette dernière plus "tape à l'œil" séduit le public par l'esthétique des mouvements très décorés et par une diversité d'offres à des prix que les Suisses peinent à concurrencer.
Une concurrence forcenée
Depuis la dernière décennie du 19ème siècle, la concurrence est encore plus difficile car les Américains cherchent à venir concurrencer les Suisses sur le terrain des marchés européens et d'Amérique du sud. Les Suisses voudraient pouvoir se déployer sur le marché nord-américain mais celui-ci leur est fermé par des mesures protectionnistes liées notamment aux syndicats d'ouvriers de l'horlogerie qui ne veulent pas voir une concurrence faite de produits manufacturés par des ouvriers non syndiqués. Les ouvriers suisses ne sont en effet pas regroupés sur les sites de production comme c’est le cas aux Etats-Unis et le statut d’ouvrier à domicile fréquent chez les Suisses n’ouvre guère de perspective à l’émergence de puissants syndicats.
Bloqués sur le marché américain, contingentés et obligés de recourir à des emboîteurs américains, les Suisses vont tenter en vain de déverser des quantités importantes de mouvements aussi bien décorés que les mouvements américains. Les Suisses font valoir la précision supérieure de leurs montres garantie par les observatoires. Les manufactures d'Outre Atlantique ne se démontent pas et créent leurs propres observatoires. Elles démontrent facilement que leurs montres sont aussi précises que les modèles suisses et le début du siècle est l’occasion de venir concurrencer les Suisses sur leurs propres marchés.
L'arrivée de montres américaines sur le marché suisse après 1904/1905 agace les Suisses qui vont rechercher des parades en produisant des mouvements à l'américaine. Ils créent des marques (Burlington par exemple) et avec une décoration à l'américaine vont faire emboîter sur place leurs modèles. Les calibres sont produits à prix réduits avec des anglages approximatifs qui supposent une main d'œuvre limitée.
La montre Americano-Helvète
Le succès commercial est encourageant mais insuffisant, il faut aller vers des produits qui sont davantage encore formatés aux exigences de la clientèle américaine. C'est alors qu'un fabricant suisse décide de produire la plus américaine des montres suisses. Il va s'intéresser à ce que les Américains apprécient le plus et ce sur quoi les manufactures américaines fondent l’essentiel de leur communication, à savoir les montres de chemins de fers. Les compagnies ferroviaires américaines se sont quasi totalement fermées aux modèles suisses à de rares exceptions près et la pièce qui va être produite doit absolument ressembler aux montres de chemins de fers, c'est à dire comporter une grosse boite avec un mouvement de grande taille (20 lignes) et un cadran à chiffres romains avec un chemin de fer pour les minutes (dessin en forme de rail dont chaque traverse serait l’indication d’une minute). Si les Américains ne comprennent pas l'appel du pied réalisé avec ce produit, une locomotive est dessinée sur le cadran pour signifier la spécificité de la montre. L'emboitage sera américain et le mouvement sans référence à la Suisse, sera un 23 rubis avec une architecture très spéciale. Les meilleurs montres américaines en effet, sont assemblées avec 23 rubis davantage pour des raisons esthétiques que fonctionnelles.
Le calibre comporte la mention "Trainmens Special Chicago USA" et une gravure de locomotive, on peut difficilement faire plus américain. A Chicago personne ne connait cette compagnie et les Suisses injectent sur le marché américain plusieurs dizaines de milliers de pièces sans que l’on sache vraiment comment elles passent les contrôles douaniers. On parle de 100 000 montres ainsi diffusées ! Pour faire sérieux, chaque mouvement comporte un numéro de série, une décoration gravée à l'américaine et la marque déjà mentionnée sur le cadran "Trainmens Special". Les Américains étonnés par l'orthographe du cadran et le mot "Trainmens" vont vite découvrir l'origine de la pièce qui est faite sans anglages du mouvement et avec une architecture qui limite le nombre de roues du train de rouages. Facile à assembler, plus facile en tous les cas qu'une montre classique, la pièce est précise et munie d'un col de cygne qui la fait ressembler à une véritable railroad.
La montre fantaisie n'est évidemment pas une véritable Railroad (montre officielle des chemins de fer) mais une simple « Train watch » qui remporte malgré tout un certain succès car d'un prix très abordable, pour une qualité mécanique très respectable. Rien ne laisse supposer de ses origines suisses et sa boite américaine faite aux Etats-Unis, lui donne toutes les conditions pour être facilement distribuée. Les Américains apprécieront peu cette « attaque » en règle sur leur propres marchés mais ils ont déjà de leur côté fait circuler en Europe des montres faisant référence à des contrôles suisses et qui n’en avaient pourtant subi aucun. C’est le cas de « Chronomètres » sans certificat ou bulletin de marche qui ont passablement mis les Suisses en colère.
Cette montre "Trainmens Special Chicago USA" faussement américaine est-elle ou non une supercherie? Certes non, juste une concurrence sur le fil qui fera rire les Suisses, contents d'avoir des montres des Alpages qui se répandent dans les Rocheuses.
Droits Réservés - Forumamontres . 2015
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Sujet: Futés les Suisses ... L'histoire de la plus américaine des montres suisses 23/4/2017, 19:13
L'histoire de la Trainmens special, la plus suisse des montres américaines
Aux alentours de 1910, la concurrence entre les manufactures américaines et suisses est à son paroxisme. Lors de l'exposition universelle de Philadelphie de 1876, Américan Waltham Watch C° a fait une extraordinaire démonstration de force de sa capacité industrielle à produire de grands volumes de montres en appliquant des principes d'interchangeabilité des pièces et de rentabilité, très en avance sur l'industrie suisse.
Les Suisses de leur côté ont considérablement avancé dans la mise en place de manufactures mais peinent à éqaler les Américains sur le registre de la rentabilité et du rendement. Si l'horlogerie suisse est qualitativement supérieure à sa concurrente américaine, cette dernière plus "tape à l'oeil" séduit le public par l'esthétique des mouvements très décorés et par une diversité d'offres à des prix que les Suisses peinent à concurrencer.
Depuis la dernière décennie du 19ème siècle, la concurrence est encore plus âpre quand les Américains cherchent à venir concurrencer les Suisses sur le terrain des marchés européens et d'Amérique du sud. Les Suisses voudraient pouvoir se déployer sur le marché Nord-Américain mais celui-ci leur est fermé par des mesures protectionnistes liées notamment aux syndicats d'ouvriers de l'horlogerie qui ne veulent pas voir une concurrence faite de produits manufacturés par des ouvriers non syndiqués.
Bloqués, contingentés et obligés de recourir à des emboÏteurs américains, les Suisses vont tenter en vain de déverser des quantités importantes de mouvements aussi bien décorés que les mouvements américains. Les manufactures d'Outre Atlantique ne se démontent pas et créent leurs observatoires. Ils démontrent facilement que leurs montres sont aussi précises que les modèles suisses.
L'arrivée de montres américaines sur le marché suisse après 1904/1905 agace les Suisses qui vont rechercher des parades en produisant des mouvements à l'américaine. Il créent des marques (Burlington par exemple) et avec une décoration à l'américaine vont faire emboiter sur place leurs modèles. Les calibres sont produits à prix réduits avec des anglages approximatifs qui supposent une main d'oeuvre limitée.
La démarche est encourageante mais insuffisante. C'est alors qu'un fabricant suisse décide de produire la plus américaine des montres suisses. Il va s'intéresser à ce que les Américains aiment le plus, à savoir les montres de chemins de fers. Les compagnies ferroviaires américaines se sont quasi totalement fermées aux modèles suisses et la pièce qui va être produite doit absolument ressembler aux montres de chemins de fers, c'est à dire comporter une grosse boite avec un mouvement de grande taille (20 lignes) et un cadran à chifffes romains avec un chemin de fer pour les minutes et, si les Américains ne comprennent pas l'appel du pied, une locomotive dessinée sur le cadran. L'emboitage sera américain et le mouvement sans référence à la Suisse, sera un 23 rubis avec une architecture très spéciale.
Le calibre comporte la mention "Trainmens Special Chicago USA" et une gravure de locomotive. A Chicago personne ne connait cette compagnie et les Suisses injectent ainsi plusieurs dizaines de milliers de pièces. On parle de 100 000 montres ! Pour faire sérieux, la montre comporte un numéro de série, une décoration gravée à l'américaine et la marque déjà mentionnée sur le cadran "Trainmens Special". Les Américains étonnés par l'orthographe du cadran et le mot "Trainmens" vont vite découvrir l'origine de la pièce qui est faite sans anglages du mouvement et avec une architecture qui limite le nombre de roues du train de rouages. Facile à assembler, plus facile en tous les cas qu'une montre classique, la pièce est précise et munie d'un col de Cygne qui la fait ressembler à une véritable railroad.
La montre fantaisie n'est évidemment pas une Railroad (montre officielle des chemins de fer) mais une simple Train watch qui remporte malgré tout un certain succès car d'un prix très abordable, pour une qualité mécanique très respectable. Rien ne laisse supposer de ses origines suisses et sa boite américaine faite aux Etats-Unis, lui donne toutes les conditions pour être facilement distribuée.
Supercherie ? Certes non, juste une concurrence sur le fil qui fera rire les suisses, content d'avoir des montres des Alpages qui se répandent dans les Rocheuses.
Droits réservés - Joël Jidet - Mai 2013
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Sujet: Les accidents ferroviaires et l'horlogerie 24/4/2017, 10:14
Le 22 octobre 1895, Guillaume Marie Pellerin qui travaille depuis près de 20 ans pour les chemins de fer fait démarrer son convoi ferroviare avec 10 minutes de retard, peut-être neuf minutes. Pour rattraper son retard, il poussa sa machine au delà de la vitesse habituelle et lors de l'entrée en gare de Montparnasse freine trop tard. La locomotive percute les heurtoirs, traverse la gare en ne faisant que des blessés légers et tombe de 10 mètres par l'une des fenêtres de la gare directement sur le trottoir. Les gravas du mur défoncé tuent la femme du gérant du kiosque à journaux qui n'a pas le temps de s'écarter.
L'accident est l'un des plus célèbres au monde avec celui qui s'est produit le 19 avril 1891 près de Cleveland dans l'Ohio et qui a conduit à créer une norme nouvelle pour les montres livrées aux compagnies américaines de chemins de fer.