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Sujet: Longines Dim 23 Avr 2017 - 18:42
Sujets Longines
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Sujet: Un chronomètre réglementaire de Longines Dim 23 Avr 2017 - 18:42
Les montres régementaires militaires sont une source intarissable de découvertes horlogères de grande qualité. Longines par exemple livra cette montre dans les années 30 et 40. Une vraie perle avec un système de raquette sophistiqué que la manufacture réservait à ses chronomètres... Le calibre est un 19 lignes de type 19-71 N . Ces livraisons de Longines étaient en concurrence frontale avec des montres livrées par Zenith, Omega et IWC qui proposaient également des chronomètres pour les armées.
Ce qui est fascinant est que ces pièces étaient livrées en série et que les anglages étaient parfaits, y compris les rentrants et que le polissage des axes et l'olivage des pierres ne comportait aucun défaut. La précision après 70 ans est de l'ordre de 3 secondes par jour.
Il est à noter que la boite est équipée d'un joint, chose assez rare dans les montres de poche de cette époque.
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Sujet: Une pépite pour les amoureux d'horlogerie : Le Leader Express Longines Dim 23 Avr 2017 - 19:18
Les calibres Railways de Longines
Longines exporta ses produits vers l'Amérique du Nord très tôt, probablement vers 1880. On retrouve des archives qui fixent à 1884 la diffusion commerciale de calibres Agassiz et Longines emboités localement dans des boîtes américaines et importées par J. Eugène Robert & Co., 30 Maiden Lane à New York qui fut l'un des pionniers de la diffusion de montres suisses sur le territoire nord américain. A partir de 1895, c'est Wittnauer, 19 Maiden Lane, qui deviendra l'importateur officiel et signera chaque platine sous le cadran de son nom, voire fera juxtaposer son nom avec celui de Longines.
Longines est donc très en avance dans la conquête du marché américain et il n'est pas étonnant que la manufacture de Saint Imier développe des mouvements pour les montres de chemins de fers qui portent littéralement le marché horloger américain après 1891. C'est davantage à la fin de cette décennie que Longines va s'installer dans le domaine des Railroads avec à partir de ses numéros de série marqués 900 000, deux mouvements chronomètres de très haute qualité. Ces calibres baptisés Express Monarch et Leader Express furent commercialisés sous un nombre impressionnant de label "Privés" avec ou sans mention de Longines. Si le Monarch Express se rencontre fréquemment sans aucune signature apparente, le Leader Express en revanche est soit signé Longines, soit doublement signé du label du distributeur et de celui de Longines en tant que fabricant. Il apparait que Longines a tenté d'exploiter le terme de Railway à côté de ses noms de mouvements mais a dû y renoncer en raison de la protection de ce terme déposée par Dueber Hampden.
Le mouvement Express Monarch sera décliné de 17 à 23 rubis dans des mouvement de 18 à 19 lignes, les plus grands de 1893 à 1908 et les plus petits de 1902 à 1928 tandis que le Leader Express sera proposé en 17 et 19 rubis, réglage 5 positions et en 18 et 19 lignes.
Ces deux mouvements ont été fabriqués par Longines pour concurrencer les montres américaines sur le marché nord-américain. D'architectures très différentes, ces deux calibres sont d'une exceptionnelle qualité de finition et de précision. Nous avions déjà présenté le Monarch
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Sujet: Découverte : Le calibre Express Monarch de Longines Dim 23 Avr 2017 - 19:20
Le calibre Express Monarch de Longines
Dès la fin du 19ème siècle, Longines, créé à Saint-Imier en 1832 par Ernest Francillon, s'invite sur le marché nord-américain en y exportant ses montres. Les premières exportations vers les Etats-Unis et le Canada ont lieu aux alentours de 1884. Lois protectionnistes obligent, Longines comme ses concurrents, doit faire finaliser la montre sur le territoire américain. Les premiers mouvements sont livrés à "Fit Standard American-Sized Cases". Jusqu'en 1890, J. Eugène Robert & Co., 30 Maiden Lane, New York, NY sera l'importateur officiel des montres Longines entre autres.
C'est A. Wittnauer Co qui traite les importations jusqu'en 1895. Son nom apparaît sur de nombreuses pièces de l'époque.
La qualité des montres Longines, par leur finition, leur empierrement, leur précision et qualités les fait déclarer "bonnes pour les services ferroviaires". La manufacture Longines va donc très vite être appelée à fournir des mouvements pour la production des très fameuses railroads américaines. Ce sera le cas jusqu'en 1890. La manufacture va aller jusqu'à désigner une catégorie de ses mouvements spécifiquement pour ce type de pièces. Ce sont les Monarch Express qui vont séduire les marchés. Les noms de Railway Leader et de Railway Monarch sont marqués sur certains calibres, pas tous car Longines livre des calibres non marqués et des mouvement avec des marques privées qui sont celles des distributeurs.
A la fin des années 1890, les numéros de série en sont encore à 900 000. Le nom Railway disparaît ensuite car Dueber-Hampden le dépose et en devient seul exploitant. Longines va donc opter pour un autre nom qui sera Express Monarch et Express Leader grade. Dès lors ce nom va être largement utilisé pour désigner des calibres parmi les plus beaux de Longines. Réalisés en 19 et 20,5 lignes, les mouvements Express Monarch étaient diffusés en 21 et 23 rubis et constituent des pièces de très grande qualité qui rivalisaient avec les calibres américains les plus réputés et notamment ceux de Hampden et ceux de Howard ou Elgin. Par contre les calibres Express Leader étaient livrés en 17 et 19 rubis. Les calibres de 20,5 lignes sont plus anciens a priori, ils furent fabriqués de 1893 à 1908 alors que les 19 lignes furent diffusés entre 1902 et 1928. La destination première de ces mouvements étaient évidemment d'équiper les Railroad watch. Après 1920, la manufacture Longines exploita d'autres mouvements à destination des pièces de chemins de fer.
Sans nécessairement le dire, nombre de compagnies de chemins de fer ont utilisé des mouvements suisses dans leur montres, qu'il s'agisse d'Omega, Longines ou Zenith essentiellement.
Voici donc un exemplaire de montre anonyme faite par Longines avec son calibre Express Monarch ici en version 21 rubis pour 20,5 lignes en savonnette 3 ans avant l'accident de l'Ohio qui va déboucher sur un cahier des charges drastique en matière de montres de chemins de fer. La raquette caractéristique à vis excentrique permet un réglage fin qui assure à la montre, dès 1892, une qualité dans les normes de chronomètre d'aujourd'hui. La présentation du calibre en 3/4 pleine platine n'est pas la présentation la plus courante pour des pièces suisses. Longines avait cette aptitude rare à multiplier les mouvements en les rendant très différents dans leurs architectures. La manufacture de Saint Imier reste l'une des plus inventives en la matière. Il reste impressionnant 120 ans après la fabrication de ce mouvement de constater qu'il dévie de moins de trois secondes par jour.
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Sujet: Longines ... Le 17.79 chronomètre dans une version à cadran rare... Lun 24 Avr 2017 - 8:57
Le calibre 17-79 Longines est ici ajusté en 5 positions. C'est un chronomètre de fort belle qualité. La précision de la montre conforte cette opinion. Ce qui je l'avoue m'a attiré dans cette montre est son cadran d'une finition jamais vue avant sur une montre suisse. L'effet est réussi et mériterait d'être creusé dans des pièces contemporaines.
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Sujet: Histoire du calibre L990 de Longines calibre automatique le plus plat du monde Lun 24 Avr 2017 - 10:06
Le calibre L990 de Longines, calibre automatique le plus plat du monde en 1977.
Le calibre L990 de Longines est né en 1975 et fut présenté en 1977 par Auréle Maire, Directeur Technique de Longines. Dans sa version première appelée 890 il est un peu plus épais que la version 990 mais possède déjà les caractéristiques de puissance qui en favorisent l'isochronisme. Inventé au plus mauvais moment de l'histoire horlogère pour rester dans les mains de LONGINES, il fut cédé à Lémania qui après quelques modifications le baptisa "Lemania 8810". Calibre automatique doté de 25 rubis, tournant à 28 800 alternances par heure, il dispose d'une réserve de marche de 42 heures. Son diamètre n'est que de 26mm pour une épaisseur de 2.95mm.
Ce calibre fut conçu avec un double barillet qui donne force et régularité à la marche en assurant une fiabilité exceptionnelle.
La marque Longines présenta en février 2001 une série limité de 990 exemplaires de montres dotées de ce mouvement pour célébrer les 30 millions de montres vendues par la marque depuis sa naissance. Le calibre L990 connait plusieurs variantes : 992 (sans date), 993 (sans date ni secondes) et 994 (avec date et sans secondes) chacun avec 17 ou 25 rubis. Ce calibre est le dernier mouvement entièrement manufacturé par Longines .
Sa reprise par Lémania date de 1991 sous la référence 8815. Lémania le déclina en version squelette (8881), un calendrier perpétuel (8840) une version à répétition des quarts (8860), heure sautante (8831), puis une version multizones. Bien entendu, le Lémania comme sa version originelle existe avec ou sans date et secondes.
Le calibre Lémania a équipé les montres Ebel 060, Girard Perregaux, Ulysse Nardin (UN 32) , Bréguet (calibre 591) et RGM watch C°. Considéré comme l'un des tout meilleurs calibres à remontage automatique, il continue donc sa carrière mal entamée à cause du quartz qui déferla dans les années 70 et contribua à décimer l'horlogerie traditionnelle.
Pourtant Aurèle Maire, concepteur du calibre, voulait bel et bien défier le quartz avec ce mouvement extra-plat non soumis à l'usure des piles. Pour y parvenir, il fallait un calibre extrêmement précis. Pour gagner la fiabilité attendue, Longines choisit de sélectionner pour ce mouvement les meilleurs composants et d'opter pour les solutions techniques les plus robustes et évidentes. Avec en tête les calibre Lecoultre baptisé 2120 chez Audemars Piguet et 1120 chez Vacheron Constantin, il rechercha la plus petite hauteur. La montre ne peut varier de par sa conception de plus de 2 minutes par mois. Mouvement le plus plat au monde à sa sortie, le L990 fut salué pour la qualité de ses élément réglants et son double barillet disposés l'un derrière l'autre (Xaipe dirait à la queue Leleu ), dispositif antérieurement adopté pour le calibre L890 présenté en 1975.
Beaucoup plus plat que le L890, le L990 est doté de deux barillets à rotation rapide dont il résulte des couples plus faibles que ceux des calibres à barillet conventionnel. La conception entraine une réduction de la force exercée sur les rouages et augmente la facilité de remontage. Longines a pu abaisser le rapport de transmission dans le rouage entre le rotor et les deux barillets. Dans une construction classique ce rapport est de 150 contre un tiers seulement avec le calibre L990. Longines a ainsi pu supprimer une roue et réaliser une masse oscillante plus légère et plate en métal Fritté à la densité plus élevée.
Le stockage d'énergie moins demandeur de force a permis d'opter pour un remontage unidirectionnel sans inverseur, inséré comme partie intégrante du mouvement sous le pont de barillet.
Pour assurer le maintien des oscillations du balancier, une quantité d'énergie deux fois moindre est suffisante par rapport aux calibres conventionnels.
Ce calibre est donc bel et bien un exploit technique orchestré pour Longines par Auréle Maire qui créa un mouvement innovant qui de manière extraordinaire achèvera la carrière de Longines "manufacture" avec une pièce exceptionnelle.
La montre permettra de produire des modèles d'allure raffinée...
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Dernière édition par ZEN le Lun 14 Aoû 2017 - 21:39, édité 2 fois
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-Dans la famille des montres ultra-précises, je voudrais une ... Longines. Un calibre de 19 lignes et une version 17 rubis. Je la voudrais chronomètre avec une raquette ultra précise... Je veux une montre à la seconde, un calibre 19-71 N ...C'est possible ?
-Pioche !
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Sujet: Longines a ouvert un nouveau musée à Saint Imier et une pièce qui n'y est pas... Lun 24 Avr 2017 - 13:58
Dans la discrétion absolue et sans communiqué de presse, Longines a ouvert la semaine passée un nouveau musée à Saint Imier. La manufacture est riche de nombreuses pièces jalousement conservées par les différents propriétaires de la marque.
Celle-ci aurait pu appartenir à ce musée mais non, c'est moi qui en ai fait l'acquisition la semaine dernière ... Un très beau calibre 19-71 l'anime et la pièce est en argent. C'est une montre de Tir assez rare du concours fédéral de 1934. Trouvée avec son écrin d'origine !
Le thème est un grand classique suisse historique puisque c'est Guillaume Tell ...
La manufacture Longines en 1934 exposait 10 de ses médailles : 5 en or et autant en argent .
Le mouvement profite d'une finition soignée. Doté de 17 rubis et de côtes de Genève, il bénéficie d'une qualité des anglages que l'on retrouve rarement aujourd'hui.
La raquette est très ingénieuse et finalement proche de celle des Omega qualité D et Aegler (Patek Philippe) .
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Sujet: 1912 Longines devient fournisseur pour les chemins de fer italiens Lun 24 Avr 2017 - 14:00
Les Américains, en équipant à la fin des années 1890 leurs compagnies de chemins de fer de montres précises répondant à un cahier des charges très strict, ont ouvert aux marques américaines un fabuleux marché constitué non seulement des compagnies ferroviaires mais aussi de la clientèle grand public qui s'est mise à considérer comme une référence indiscutable le fait d'être fournisseur officiel des compagnies de chemins de fer. L'horlogerie américaine du début du 20ème siècle va prospérer sur ce créneau jusqu'à ce que les guerres ouvrent les marchés militaires et créent sur ce thème un quasi monopole.
En Europe, les manufactures suisses auxquelles les Américains font toutes les difficultés pour leur rendre inaccessibles les marchés des firmes américaines, la tendance est à la sécurisation des horaires et donc à la fourniture en masse aux personnels navigants et aux chefs de gares de montres fiables et précises. Les cahiers des charges sont moins exigeants sur l'empierrement des pièces que les cahiers des charges américains et des montres de 15 voire de 7 rubis sont parfois achetées par les compagnies de chemins de fer.
Omega, Zenith, Longines deviennent ainsi fournisseurs des chemins de fer turcs, yougoslaves, roumains, russes, français, serbes, etc.
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Sujet: L'Ultrachron de Longines. 36 000 alternances en 1967 Lun 24 Avr 2017 - 14:01
Au milieu des années 60, l'ancêtre d'ETA propose l'échappement suisse à ancre "Clinergic-21" ainsi nommé à cause de ses 21 dents de la roue d'échappement en acier. Celui-ci crée un séisme dans l'horlogerie. Cet échappement permet au mouvement d'évoluer à la fréquence de 36 000 alternances. Longines, Movado, Zenith l'adoptent et d'autres le testent. Tout le monde n'y voit pas intérêt d'autant que le quartz se profile à l'horizon. Movado et Longines l'exploitent tout de suite. Zenith perfectionne l'idée et sortira l'El Primero.
Chez Longines naît ainsi l'Ultrachron ...
Longines présente son Ultrachron en 1967, calibre réalisé en interne, pour célébrer ses 100 ans. Il sera fabriqué jusqu'en 1975. Le modèle interpelle la concurrence même si Girard Perregaux a présenté sa propre version de calibre à 36 000 alternances par heure en 1965. Longines sort plusieurs variantes de son calibre avec ou sans date et avec ou sans trotteuse à entrainement indirect.
Plus tard, la marque, tout en conservant le nom d'Ultrachron, revient avec les calibres 6651 et 6652 à 28 000 alternances. Elle rencontre en effet des difficultés de SAV non pas internes mais auprès des horlogers détaillants qui en utilisant des huiles non appropriées éclaboussent le spiral et le balancier et dérèglent les montres. Longines en constatant que les premières montres révisées logiquement 5 à 7 ans après la vente posent de telles difficultés modifie son calibre et renonce à la haute fréquence. L'échappement haute fréquence requiert en effet, une lubrification à sec à base de bisulfure de molybdène (comme l'El Primero).
Le calibre correctement entretenu est très performant et est annoncé par Longines avec une variation inférieure à une minute par mois, soit 2 secondes par jour. Les mouvements sont certifiés chronomètres. Pour améliorer le remontage de son calibre, Longines ajoute du carbure de tungstène sur le rotor afin de l'alourdir. Le mouvement remonte dans les deux sens (comme le El Primero) mais nécessite un bon poids pour charger le ressort de barillet.
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Sujet: Longines Monarch Express, la montre de Joseph Elzéar Bernier Lun 24 Avr 2017 - 14:02
La montre de Joseph Elzéar Bernier, explorateur du pôle Nord
Le capitaine Joseph Elzéar Bernier est né au Québec le 1er janvier 1852. A la fois marin et explorateur de l'Arctique, il prépare son périple vers le pôle nord. Capitaine de la marine britannique dès l'âge de 17 ans, ce marin d'exception aura, dans sa vie, parcouru les mers du globe pendant plus de 60 ans. On comptabilise plus de 267 traversées de l’océan Atlantique dans sa carrière de marin où il a commandé plus de 150 navires. Il aura réalisé en outre, 11 expéditions dans l’Arctique canadien. Il mourut en 1934 à l'âge de 82 ans.
Joseph Elzéar Bernier 1852-1934
Pendant de nombreuses années, il tente sans succès de persuader le gouvernement canadien hostile à tout soutien d'une quelconque expédition visant à assurer la souveraineté du Canada dans l'Arctique. La chance de Bernier tourne en 1903, quand un litige survient portant sur la limite territoriale entre l'Alaska et la Colombie-Britannique. Une bande de terre rattachée naturellement à la côte de la Colombie-Britannique est accordée aux États-Unis. Cela déplait aux autorités canadiennes et le premier ministre Wilfrid Laurier accepte ainsi de financer une expédition au pôle Nord. Bernier achète alors un bateau allemand, le rebaptise Arctic .
L'Arctic de Bernier
Malgré une préparation très poussée, au dernier moment, l'expédition est corrigée en une expédition de second ordre de surveillance de la baie d'Hudson. Il en faut beaucoup plus pour décourager Bernier qui part le 28 juillet 1908 du port de Québec pour ce voyage qui va marquer l'histoire. Il prendra le 1er juillet 1909, possession au nom du Canada du Grand Nord, de l'archipel Arctique canadien jusqu'au pôle Nord. Cela représente plus d'un cinquième des territoires arctiques. Les manufactures horlogères sont à l'affut de ces expéditions qui leur donnent une notoriété inespérée sur tout le territoire nord américain et bien au delà, dans les pays du monde entier qui relaient les aventures des explorateurs en ménageant un suspens digne des plus grands feuilletons
Bernier est un personnage impressionnant, trempé, au caractère rugueux mais c'est aussi un fin négociateur qui va au bout de ses idées. Courtisé par les firmes horlogères américaines, Bernier est francophone. Les manufactures suisses accèdent à lui d'autant plus facilement que la langue française les rapproche. Les manufactures qui équiperont les explorateurs des régions arctiques seront souvent suisses. Ulysse Nardin pour Scott, Zenith pour Amundsen, Longines pour plusieurs de ces explorateurs et d'autres ... Bernier est donc contacté début 1904 par Longines. La manufacture est présente sur le marché Nord-américain depuis déjà plus de 15 ans et elle a conquis les chemins de fers canadiens ainsi que sans aucun doute au moins deux compagnies de chemins de fers américaines, à savoir la Delaware & Hudson Railroad et la compagnie New-York Central & Hudson River Railroad. Il est alors très rare que des compagnies horlogères suisses réussissent à placer des montres auprès des compagnies de chemins de fer américaines qui donnent une priorité aux firmes américaines.
Publicité Longines 1885
Longines a pourtant réussi ce défi en produisant spécifiquement pour le marché américain des montres baptisées Express Leader et Express Monarch, noms déposés par A Wittnauer à New-York qui était l'agent Longines pour l'Amérique du Nord (USA et Canada). Ces calibres très empierrés, tous chronomètres de 17 à 23 rubis se verront débaptisés dans les années 30 sur requête de Dueber Hamden qui refusait qu'une autre marque puisse utiliser un nom réservé aux chemins de fers américains et avait donc protégé les noms de marques utilisées par Longines.
Fort de cette distribution de montres spéciales auprès des chemins de fers américains et canadiens et grâce à une activité commerciale soutenue sur ces territoires, Longines entre en contact avec Bernier et lui propose sa montre Monarch Express pour partir à la conquête du pôle Nord. Bernier s'avouera bluffé par la précision de son chronomètre Longines et en félicitera la manufacture.
Bernier est aujourd'hui un peu oublié sans doute parce que d'autres explorateurs ont su rendre leurs exploits plus médiatiques mais il eut une importance immense dans l'implantation canadienne dans l'Arctique. Longines n'aura pas donné à ses mouvements Leader et Express Monarch davantage de notoriété, sciée par Dueber Hampden et la grande difficulté de diffuser des calibres 3/4 platine qui n'avaient pas la préférence du public malgré des qualités chronométriques exceptionnelles et une construction particulièrement fiable et astucieuse.
Il reste une belle histoire pour ce mouvement à redécouvrir.
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Sujet: Longines : L'histoire d'un chronomètre de marine pas comme les autres Lun 24 Avr 2017 - 14:04
Longines : La maîtrise de la précision dans un coffret
Dès la moitié du 19ème siècle, c’est sur le terrain de la précision que s’établit la concurrence des grandes manufactures horlogères. C’est aussi entre 1830 et 1890 que s’installent en Suisse des horlogers pionniers de leur temps et pionniers du temps. S’engagent entre eux une franche et saine émulation qui ouvrira la voie des concours de chronométrie des observatoires notamment de Genève, Neuchâtel et Kew Teddington. Longines, Omega, Zénith, Ulysse Nardin, Movado, Patek Philippe, Vacheron Constantin sont parmi les manufactures les plus âpres dans cette bataille qu’est la recherche de la précision ultime. La précision est au centre des préoccupations des horlogers dès la fin du 18ème siècle quand les besoins de la marine rendent nécessaire le calcul des longitudes pour fiabiliser l’itinéraire des navires. Il faut pour ce faire, conserver à bord la connaissance de l’heure sur terre. Si la mesure de l’heure à bord d’un vaisseau peut se déduire de la position du soleil ou d’une étoile, il est bien plus difficile de déterminer en tout temps et aux confins des océans, l’heure qu’il est à Paris ou à Londres. La problématique n’est pas seulement mécanique, elle englobe les effets du magnétisme, de la température et de la pression barométrique. En mer, le problème est accentué par les oscillations permanentes dues à la houle qui déstabilise la position du mouvement et plus accessoirement par l’oxydation en particulier du spiral ou du balancier qui en perturbent la stabilité. S’il est facile de régler un chronomètre de bord dans une seule position, l’isochronisme, comprenons la régularité de marche qu’un ébat régulier du spiral permet d’atteindre, est plus aisé à optimiser quand l’échappement est à plat que lorsque la montre voit sa position varier sans discontinuer. Très tôt, apparaît donc l’idée de monter sur cardans le mouvement afin de préserver la position horizontale.
Les chronomètres de marine symbolisent une immense partie de la recherche ordonnée de la précision et correspondent à des pièces de prestige qui à bord des bateaux sont un paramètre fondamental de la sécurité des marins. Il en naît à leur égard une image positive chargée d’utilité pour l’homme de la mer et de rêves de voyage et d’aventure pour celui qui ne pourra lui trouver qu’une fonction décorative.
Le 19ème siècle est marqué par une focalisation des recherches sur les matériaux les plus insensibles aux phénomènes parasites extérieurs qui influencent la bonne marche des chronomètres. Les autorités cantonales suisses vont jusqu’à organiser avec la société des Arts de Genève des concours de compensation qui visent à récompenser l’innovation et la recherche dans les matériaux les plus insensibles aux paramètres thermiques. On valorise dans cette période et jusqu’au milieu de la seconde moitié du 20ème siècle, le travail des chronométriers capables de régler les montres jusqu’au niveau ultime où les dérives de marche des pièces s’apprécient à deux ou trois chiffres derrière la virgule. Le centième de seconde peut alors disqualifier un praticien et l’écarter du premier prix de concours de l’observatoire que retiendra l’histoire.
Le régleur porte ainsi sur ses épaules toute l’image de la performance de la manufacture et du savoir faire de l’ensemble de son personnel qui se fait un honneur d’avoir un tant soit peu participé au succès de la maison qui l’emploie. Le développement de la navigation aérienne crée dès le début du 20ème siècle des besoins de pièces de précision à bord des avions et des dirigeables qui traversent les océans ou survolent le pôle Nord dès 1926. Les instruments sont soumis à rude épreuve et la fiabilité des pièces produites par Longines est saluée de tous côtés. C’est l’âge d’or de ces pièces pour lesquels les bureaux d’études donnent une grande énergie créative. Le chronométrage des compétitions sportives dans lequel Longines est omniprésent nourrira par ailleurs les objectifs d’extrême précision.
Les anglages très soignés du calibre 24-9
La raquette exceptionnelle du calibre 24-9 Longines
Les techniques électriques de gestion de la mesure du temps et celle liées à la radio et à la transmission des données horaires par voie hertzienne fiabilisent la circulation des bateaux et les chronomètres de marines sont remplacés par des chronomètres de bord, sorte de montres de poche servant de référence de données de l’heure à bord. L’avènement du quartz et des technologies électroniques enverra au rang de pièces de collection ces merveilles de la production horlogère qui conservent la part de rêve des amateurs et collectionneurs qui se les disputent. Des années 40 aux années 60, toutes les grandes manufactures comprennent et tirent partie de l’image positive dégagée par les chronomètres de marine et la notion d’heure de référence qu’elle emporte. On voit alors apparaître dans les vitrines des détaillants les plus efficaces, des chronomètres de luxe non destinés à la vente mais proposés à la vue des clients pour leur donner l’heure exacte en associant celle-ci à la marque qui fait ainsi sa réclame sur le lieu de vente. Montés sur une plaque de bois, ou installés dans un coffret, les plus luxueux de ces chronomètres de prestige sont assemblés par Longines dans des conditions identiques à celles des chronomètres de marine.
Ces pièces déclinées en très petite quantité sont dans les années 50, dotées d’un mouvement de 24 lignes, créé par Longines en 1908. Produit plus de 50 années durant, le mouvement a bien sur évolué pour atteindre à la fin des années 50, la plus aboutie de ses finitions. Le choix du calibre n’est pas dû au hasard car c’est avant tout pour montrer son aptitude à faire des chronomètres et répondre à une demande notamment militaire que Longines a conçu ce mouvement de haute précision. Equipant la montre « Torpedo Boat Watch » de l’armée Américaine, le calibre fut produit en toutes petites séries livrées par volumes de 18 à 72 jusqu’à la première guerre mondiale puis quelques 132 exemplaires pendant celle-ci. Les premiers modèles furent dorés de manière si efficace qu’ils apparaissent comme neufs, un siècle plus tard, avec leur coussinets en rubis et leurs chatons en or vissés. On en retrouve une soixantaine à la fin des années 1910 et dans les années 20 dont plusieurs offrent à Longines des 1ers prix de chronométrie des concours de l’Observatoire de Neuchâtel dans la catégorie des chronomètres de bord.
La version des années 50 du mouvement est rhodiée et décorée. La pièce est pourvue d’un régulateur en colimaçon garant d’un réglage fin optimum. Ce système équipe les mouvements Longines destinés à la haute précision. Muni de 17 rubis comme la version initiale de 1908, il a été amélioré et se trouve pourvu d’un dispositif d’arrêt du balancier qui permet un réglage à la seconde en faisant redémarrer le mouvement à un instant précis en regard d’un régulateur, par exemple. On peine à imaginer que ces versions ultimes n’aient eu d’autres débouchés que les pièces de vitrine fussent-elles prestigieuses. Il est vrai que par sa construction, le chronomètre de bord monté sur cardans dans sa boite en acajou a toutes les caractéristiques d’un bon chronomètre assez fiable pour être emporté en mer. Vendue en octobre 1956 à la « Nederlandische Horlogehandel », une société se chargeant de commercialiser des garde-temps aux Pays-Bas, la pièce a probablement suivi un temps sa destination promotionnelle initiale. Il est évidemment difficile d’établir à quelle date elle trouva de nouvelles lettres de noblesse en embarquant à bord du bateau qui lui fit traverser les océans. On pourrait dater cet évènement des dix derniers jours de janvier 1959. Sans doute entre les mains d’un passionné, aventurier des mers qui a voulu offrir à son navire la pièce de bord de mesure du temps adaptée à son rêve et son souci d’évasion, ce chronomètre numéro 9256164 conserve dans sa mémoire la houle du vague à l’âme du marin solitaire. Le navire s’est en 2008 égaré quelque part en Méditerranée, le marin amoureux a laissé bateau et instruments à ceux qui derrière lui vivront à leur tour, aventures et passions et iront au bout leurs idées avec le courage qui donne à l’homme la grandeur de dominer sa vie et son temps.
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Sujet: Le mouvement 345 de Longines Mar 25 Avr 2017 - 7:37
La montre est de bon diamètre, ce n'est pas une Flagship comme on est habitué à y retrouver ce calibre mais une montre sans nom dans une boite en or signée Longines.
Le calibre est automatique avec une masse excentrée montée sur un axe et doté d'une crémaillère.
Doté de 17 rubis, son remontage est d'une singulière efficacité
Historiquement, le 345 est un calibre marqué dans l'histoire de Longines par la recherche ultime de standardisation et d'interchangeabilité des pièces. Ce calibre autorise la fabrication de montres plates et modernes. La Flagship en fut tout particulièrement équipée .
La fiche technique
Début de fabrication - 1965 famille des 340 apparus dans les années 1960/1961 Fréquence : 19800 alternances par heure Diamètre : 12 lignes (27 mm) Hauteur : 5,1mm Pierres : 17 rubis Echappement : ancre ligne droite Balancier : annulaire sans vis Spiral : autocompensateur réglage plat Raquette et piton : raquette à régulateur excentrique, coqueret antichoc, porte piton mobile, piton triangulaire Masse : masse oscillante excentrée avec engrenage intérieur amagnétique
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Sujet: Le Chronographe suisse d’un pilote japonais de la seconde guerre mondiale Sam 27 Mai 2017 - 16:29
Le Chronographe suisse d’un pilote japonais de la seconde guerre mondiale.
L’histoire de l’horlogerie recèle de nombreuses surprises. On sait que les grandes maisons d’horlogerie suisses ont livré de manière quasi universelle l’ensemble des armées. On connait moins les liens qui peuvent réunir des mouvements suisses avec emboitages japonais. Ce qui semble être une rencontre du troisième type eut pourtant bien lieu même si très peu de pièces peuvent aujourd’hui en témoigner.
Le mariage des mouvements suisses et des boites japonaises
On ne sait que relativement peu de choses sur les équipements en montres des Tokkotaï, ces pilotes kamikases des forces armées aériennes japonaises de la seconde guerre mondiale, prêts à donner leur vie pour aller détruire des cibles militaires avec leur avion. Le plus grand horloger japonais, la firme Seikosha Clock Company universellement connue pour sa marque de montres « Seiko » a largement équipé l'armée japonaise. Montres bracelets, chronographes bracelets, montres de poche et chronographes de poche avec ou sans complication rattrapante ont servi l'ensemble des corps d'armée et en particulier, les pilotes d'avions militaires.
Il reste assez peu des montres de cette époque utilisée par les militaires japonais au regard des volumes fabriqués et distribués. Le plus étonnant est de voir quelques décennies après la guerre, réapparaître des montres dotées de mouvements suisses et emboitées par la Seikosha Clock Company. S'il semble bien que Seiko ait eu à superviser toutes les montres livrées aux armées nippones, il apparaît aussi que plusieurs firmes suisses ont été mises à contribution pour équiper les avions davantage que les pilotes, si l'on considère que les équipements étaient affectés à un appareil et non à un militaire.
Beaucoup des montres concernées entrent dans la catégorie des chronographes mais ce sont aussi parfois des chronomètres à trois aiguilles. Les fabricants suisses concernés sont prestigieux. Ulysse Nardin, Longines, Zenith, Tavannes, Excelsior Park, Stauffer et quelques autres. La puissance aérienne japonaise était une composante de l'Armée et de la Marine. Les besoins étaient immenses au regard de l'engagement de l'armée japonaise dans le conflit. Il est encore aujourd'hui très difficile d'éclaircir comment les firmes suisses ont fourni des pièces d'horlogerie aux Japonais. Bizarrement, on ne retrouve pratiquement aucune trace de contrats et les livres des marques ne mentionnent bien souvent que des « Commandes spéciales » ou des « Livraison à tiers » sans que ceux-ci ne soient identifiés. Il est vrai qu’il en est ainsi pour la plupart des livraisons aux armées.
En outre, les grandes firmes horlogères encore existantes répugnent à distribuer ce type d'informations aussi taboues que la livraison de montres à l'armée allemande. Ce qui est clair est que certaines maisons suisses ont vu leurs calibres "copiés" par Seiko. Certaines manufactures livraient des montres complètes et d'autres uniquement des calibres que la Seikosha Clock Company emboitait comme les Américains emboitaient des mouvements suisses.
Un chronographe exceptionnel pour une précision exemplaire
Longines a ainsi livré quelques mouvements de chronographes de poche 19-73 N. Ce calibre était alors l'un des meilleurs chronographes distribués. Les boites signées SKS témoignent de l'origine nipponne de l'emboitage. Le très rare exemplaire présenté ici est gravé en japonais sur le fond : « Japanese Air Force (ku hei) #934 ».
Longtemps conservé dans le tiroir d'un amateur américain, il a subi l'éloignement du à la rancœur conservée par les anciens combattants américains à l'égard des armées japonaises. Il peut aujourd'hui à l’heure de l'apaisement entre les peuples, témoigner de la précision avec laquelle les pilotes devaient exercer leur activité. Le choix de Longines n'est pas neutre en effet. Ces pièces étaient à la seconde près. Il aurait eu toutes les chances de disparaitre avec le pilote de l'avion "934". Les kamikazes périssaient souvent dans un déluge de feux dans la carcasse de leur avion. Sans doute ce Tokkotaï s'en est-il sorti et fut-il prisonnier des Américains qui lui extorquèrent sa montre chronographe. Nul ne peut aller plus loin sur son sort.
Longines a produit cet exemplaire de calibre en 1927. Longines présenta en 1878 son premier mouvement de chronographe simple monopoussoir, le 20 H, puis, en 1897, son mouvement 19-73 à compteur instantané. La version 19-73 N fut présentée quant à elle, en 1909. Il sera fabriqué jusqu'en 1927. C'est un calibre de 19 lignes qui émerveille encore aujourd'hui pour sa qualité et qui fut produit en différentes versions, dont une à rattrapante et même une à haute fréquence de 36 000 alternances/heure. Le saut instantané du compteur des minutes, les côtes de Genève, le rhodiage, les qualités fonctionnelles des roues et engrenages en font un calibre d'exception.
Il est probable que la livraison à l'armée japonaise soit intervenue dans le courant des années 1930. La marine japonaise s'équipe alors de pièces d'horlogeries d'origines diverses et dote chaque appareil volant et navire, d'instruments de mesure du temps destinés à entrainer les forces armées à des actions cadencées et synchronisées. C'est l'heure du pilote et la durée estimée des missions qui vont conditionner son action. Le besoin en chronographes est alors extrêmement important. Les Suisses livrent ce qu'ils ont en excédent dans un contexte assez discret, neutralité oblige. L'accent est mis sur la précision des pièces ce qui induit un empierrement d'au moins 17 rubis et des modèles de mouvements plutôt assez larges de 19 lignes. Les Japonais testent tant qu'ils peuvent les montres suisses dont ils disposent en très petites quantités. Le calibre de chronographe Seiko sera fabriqué un peu plus tard, à partir de 1939 et sera très inspiré du modèle Ulysse Nardin.
Longines interrogé il y a quelques années par un collectionneur américain indiquait «Nous avons envoyé un seul mouvement, le 28 juin 1941 à MM. Hattori, qui étaient notre agent au Japon à cette époque. C'est un calibre 18.72 chronographe ". Il n'y a pas de raison de douter de la recherche effectuée par Longines. Il est probable que l'approvisionnement des Japonais ait transité par une autre source qui se faisait livrer des kits calibres/cadrans/aiguilles. En effet, Albert Wittnauer C° importait et distribuait des montres Longines sur le territoire américain où il faisait emboiter des calibres suisses faute de pouvoir y importer des montres terminées en raison des lois protectionnistes américaines.
Si Longines n'a probablement pas livré plus de calibres que la firme ne le reconnait, c'est que les mouvements ont été prélevés sur d'autres marchés que la maison suisse ne maîtrisait pas nécessairement. Il est donc logique de retrouver aujourd'hui des mouvements de chronographes Longines emboités par Seiko avant et durant la seconde guerre mondiale. La finition rhodiée du mouvement conforte le principe d'une fabrication davantage orientée initialement vers le marché Nord-Américain.
La rareté de cet assemblage d'une boite japonaise et d'un calibre suisse en font une pièce historique d'autant plus si les Américains sont intervenus pour la livrer aux Japonais. Une telle pièce ne peut que susciter l’émotion. Elle parle d’elle-même et raconte sa propre histoire. Un nom de fabricant, un numéro de série, une référence de mouvement, une marque sur la boite, une gravure militaire et une complication suffisent à livrer à travers le temps le message du passé de cette montre.
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Sujet: La Longines Conquest "historique": La montre bracelet à la conquête des poignets Lun 14 Aoû 2017 - 22:08
La Longines Conquest
Apparue au milieu des années 50, la Longines Conquest est une montre qui répond aux critères qualitatifs de l’époque et anticipe une demande que les années 60 vont faire déferler sur les marques horlogères.
Une montre à la conquête de l'élégance
L’homme élégant de l’époque veut une montre qui lui donne la date et qui se remonte toute seule avec l’énergie du poignet. Il faut remonter le temps pour mieux comprendre. Les années 50 sont des années de conquêtes, des années quasi-magiques où le public découvre par l’image animée du cinéma l’exploration des fonds marins, où il se délecte de l’envoi de fusées dans l’espace et où la télévision se répand dans les foyers pour rapporter ce qui se passe dans le monde. La conquête de l’espace est ainsi multidimensionnelle et touche autant ce qui est sur la surface de la terre que ce qui est au-delà de son atmosphère.
L’esprit des hommes se fait aventurier et les montres doivent l’accompagner partout. La conquête des technologies va ajouter l’étanchéité des boîtes des montres et la lisibilité des cadrans n’est plus qu’une affaire de goût.
Déclinées en acier, en plaqué or ou en or, les boîtiers des Conquest sont tous médaillés sur le fond d’un sceau d’or de garantie émaillé que Longines transforme en label. Ce médaillon est émaillé en vert avec un poisson pour les versions en acier et l’émail est bleu pour les versions en or 18 carats et rappelle que la montre est à l’épreuve de l’eau par la mention « waterproof ».
Plusieurs mouvements au service d'un best seller
Le modèle sera équipé au fil du temps de plusieurs calibres offrant la date à midi ou à trois heures selon le cas... Les calibres 19 (ASD), les premiers à équiper ce modèle, le mouvement 291 et ses variantes puis notamment le 6651 dans les années 70 lui offrent un panel inespéré de mouvements et font de la Longines Conquest un modèle de collection par excellence. On peut s’offrir un véritable assortiment de Longines Conquest et avoir une collection à part entière constituée de variantes de ce modèle en fonction des mouvements, des cadrans ou de calibres.
Le calibre 291, le premier à équiper les Conquest
La forme ronde, un peu trapue, la masse d’or des boitiers pour les versions en or souvent très lourdes et généreusement pourvues du précieux métal. Les cadrans aux index en or, les aiguilles flèches en or dans les versions précieuses font de la Conquest une montre élégante et intemporelle. Pour ses versions les plus précieuses, on trouve la Conquest en or jaune ou en or rose. Il semble que certains marchés aient eu une préférence pour la version rose. Inutile de dire que cette dernière avec un cadran noir confine au sublime tant son élégance reste une véritable preuve de bon goût. Habillée et sportive, la Longines Conquest est étanche avec un fond vissé soit à encoches d’ouvertures soit un peu plus tard multi pans supposant une clé adaptée. Cette qualité était rigoureusement indispensable et innovante pour une montre du milieu des années 50.
Evidemment la taille de 35 mm du modèle d’origine est adaptée à la mode de l’époque qui n’était pas aux très grandes montres d’aujourd’hui.
La Conquest fut un best seller de Longines et ce n’est pas un hasard si la marque réédite aujourd’hui le modèle à l’identique de sa version d’origine. La boite n’a pas vieilli d’un pouce. La version d’aujourd’hui sera adoptée plus facilement par les dames qui apprécient ces montres qui prennent la largeur de leur poignet. Pour une version en or et en bon état, un prix de 1200/1400 euros n’est pas excessif et de 600/700 euros pour une version en acier.
La Longines Conquest se trouve davantage sur les annonces des forums, les bourses horlogères et les sites d’enchères mais les marchands avisés savent la mettre en valeur et la présenter à leur clients connaisseurs. Celui qui ose se réhabituer au port d’une Conquest de 35 mm n’a pas fini d’aimer cette montre.
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Sujet: Le Chrono 19.73 N de Longines Mar 15 Aoû 2017 - 15:04
On est en 1924, en pleines années folles ... Alphonse a sorti la Citroën, une C4 F à conduite intérieure commerciale 10 CV pour une sortie dans la vallée de la Marne. Chez les vilains, il fait beau et Suzanne et Mélusine ont parcouru 120 kilomètres, ce 27 mai par un temps si beau qu'on se croirait en été. Les Jeux Olympiques ont débuté le 1er avril à Paris. Le mois d'avril a été très mauvais avec beaucoup de neige et la semaine passée, le 22, il y a eu cet énorme orage de grêle dont tout le monde parle. Des grêlons de 7 cm et de 260 grammes sont tombés dans l'Indre près d'Argenton. La voiture est le symbole de la modernité et Alphonse adore chronométrer son trajet pour connaitre sa vitesse moyenne. Il est médecin et des chronos, il n'en n'a qu'un. Un Longines 19.73 N en argent épais.
Le calibre est un 19 lignes 17 rubis à saut minute instantané et la décoration du mouvement rodhié est à côtes de Genève. Ajusté à températures et 2 positions, c'est un calibre robuste qui fut fabriqué de 1897 à 1927. Le balancier est bimétallique de type Guillaume à vis. C'est une longue carrière pour un moteur solide et d'une exemplaire précision. Ce calibre a connu des variantes de décoration et une version à rattrapante ainsi qu'une version à haute fréquence de 36 000 alternances avec un balancier plus petit.
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Sujet: Le calibre 19-95 de Longines Mer 1 Nov 2017 - 16:19
Longines : Le calibre 19-95
Le calibre Longines 19-95 de Longines est une rareté. Issu du mouvement de 24 lignes conçu en 1908 pour les chronomètres de bord, il en a hérité l'architecture et la fiabilité.
Le calibre 24-99 pour chronomètres de bord
La version 19-95 de diamètre inférieur de 5 lignes à la version originelle
Cette architecture est à comparer avec d'autres calibres chronomètres Longines construits dans un laps de temps d'une quinzaine d'années à la même époque...
La manufacture Longines fut très inventive dans la conception des calibres de chronomètres. Les architectures sont différentes à l'inverse d'autres maisons qui sur une même base architecturale concevaient divers calibres avec des pantographes. Longines avait pris l'habitude de décliner ses mouvements dans plusieurs tailles mais cette version en 19 lignes du 24-99 est une authentique rareté d'autant que le mouvement a été placé dans une boite en métal blanc et non dans une boite en métal précieux.
La montre, retrouvée dans un pays dit de "l'est" y fut vendue à l'époque au milieu de pièces IWC, Ulysse Nardin et autres Omega haut de gamme très prisées avant la première guerre mondiale dans ces pays tout comme en Amérique du Sud.
Le mouvement 19-95 aurait pu comme son ainé être exploité dans les concours de chronométrie des observatoires que Longines gagnait fréquemment mais sa production en faibles volumes le conduisit dans des montres de poche pour lesquelles la manufacture Longines fabriquait déjà une bonne dizaine de mouvements différents.
Un mouvement chronomètre de haut niveau dans une boite "ordinaire", voilà sans doute ce qui a sauvé ce mouvement qui dans une boite en or aurait vu celle-ci fondue ...
Une belle découverte qui démontre qu'on trouve encore des choses rares grâce au net et pour quelques dizaines d'euros.
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Sujet: Quand l’histoire écrit les mythes : Une Longines s’invite dans la légende Lun 6 Nov 2017 - 15:09
Quand l’histoire écrit les mythes : Une Longines s’invite dans la légende
L’appel du 18 juin 1940 : Tournant de l’histoire
L’appel du 18 juin 1940 lancé par le Général De Gaulle depuis Londres sur les antennes de la BBC est un évènement de l’histoire de France gravé dans tous les esprits. On sait que le Général de Gaulle était arrivé la veille à Londres afin de rencontrer le premier ministre Britannique Winston Churchill en vue de négocier avec lui son projet de maintenir la France dans le combat même si le Maréchal Pétain, chef du gouvernement Français, proposait la signature d’un armistice avec l’Allemagne.
La première version du discours fut écrite le 17 juin, au petit matin, quand De Gaulle encore à Bordeaux jeta sur le papier un premier brouillon de son appel à la résistance. On sait que cette version du discours fut remaniée afin de ménager le chef du gouvernement Français, Philippe Pétain, ceci à la demande des Anglais.
L'appel depuis la BBC
On ne possède concrètement aucune photo prise le 18 juin du Général De Gaulle devant son micro, ni aucune trace sonore du discours dont la seule version complète est celle transcrite par les services d’écoute helvétiques et retrouvée par un notaire français, Jacques Fourmy, et l'historien suisse Christian Rossé. On pensait ne jamais rien savoir de plus que ce qui avait déjà été écrit de ce qui entoure ce discours, ses préparatifs et de la manière dont la famille du Général De Gaulle fut protégée dans un contexte où sa sécurité aurait pu servir de moyens de pression contre l’engagement de celui-ci.
La protection de la famille du Général De Gaulle
Afin de placer sa famille à l’abri, le Général fit séjourner celle-ci du 11 au 18 juin 1940, à Carantec, station balnéaire située sur une presqu’île bretonne de la baie de Morlaix dans le Finistère. Outre son attrait touristique reconnu depuis 1926, le lieu est stratégique car il permet de faire facilement accoster un bateau et de rallier notamment l’Angleterre.
La famille du Général est installée à la villa d'Arvor qui appartenait à l'époque à monsieur et madame Moncus. Séjournent également à Carantec, mais cette fois à la villa "Brise du soir" qui appartenait à monsieur et madame Le Borgne, madame Cada Vendroux dont le mari, Jacques Vendroux, était le frère de madame de Gaulle et leurs 3 enfants : Claude, Jacques- Philippe et Martine. Enfin, dans une maison située au 7 rue de la Marne, sont installés la sœur de madame De Gaulle, Suzanne Rérolle et ses 2 enfants, Jacques-Henry et Marguerite-Marie.
Le Général de Gaulle est passé à Carantec le 15 juin dans l’après-midi. Il poursuit ensuite ses déplacements et dans l’après-midi du 17 juin 1940, atterrit dans la banlieue de Londres, en provenance de Bordeaux. Winston Churchill l’attend. De Gaulle émet le vœu de s'exprimer à la radio dès que la nouvelle de la capitulation française tombera. Churchill met à disposition la BBC.
La mission secrète
Hydravion Supermarine WALRUS
Dans la nuit du 17 au 18 juin 1940, un petit hydravion, de type Supermarine WALRUS, quitte Plymouth pour venir à Carantec recueillir des nouvelles de la famille du Général de Gaulle. Le Supermarine WALRUS est un hydravion à coque monomoteur qui fut en usage dans plusieurs armées, notamment pour la reconnaissance maritime. Il est alors utilisé au sein de la Royal Air Force. Long d’une dizaine de mètres pour une envergure de quatorze, il peut transporter trois à quatre hommes d’équipage dans un rayon d’action d’un peu moins de 1000 kilomètres. Au cours de cette nuit du 17 au 18 juin, il transporte trois aviateurs dont deux Australiens et un Britannique ainsi qu’un officier de renseignement. Pour des raisons difficiles à déterminer avec précision, l’avion s’écrase le 18 juin, vers 4 heures du matin, à Ploudaniel, dans le Finistère. Il prend feu et les quatre militaires périssent dans l’accident. Ils seront enterrés au cimetière de cette commune où leurs sépultures sont toujours présentes. De l’autre côté de la Manche, les Britanniques s’inquiètent de ne pas voir l’hydravion revenir. Celui-ci aurait dû être de retour au plus tard dans la soirée du 18 juin. Ils ordonnent alors à une vedette lance-torpilles de se rendre à Carantec.
Cette vedette quitte Plymouth le 19 juin dans la soirée. Elle parvient à destination le 20 juin vers 06 heures du matin, alors que les Allemands sont déjà présents. La famille du Général de Gaulle a toutefois quitté Carantec le 18 juin et embarqué le soir même, sur un navire marchand qui accoste à Falmouth, le 19 juin au petit matin.
72 ans sous terre
Les lieux du Crash du Supermarine Walrus sont précisément repérés, la carlingue de l’avion calciné ne séjournera pas longtemps sur place et le champ au milieu duquel l’hydravion s’est écrasé est à nouveau cultivé depuis la guerre. La mémoire collective aurait presque oublié ce terrible accident effacé par l’enjeu de l’appel lancé par le Général De Gaulle, le 18 juin 1940. Ces hommes ont pourtant au péril de leur vie, accompli une mission de nuit considérablement difficile dans des conditions qui leur ouvraient de grandes probabilités d’échec.
Il a fallu attendre le dimanche 9 septembre 2012 pour que des fouilles soient engagées sur les lieux précis du crash, afin de retrouver des effets de l’équipage ou des vestiges de l’hydravion. La recherche n’avait rien d’un hasard puisque c’est sur les bases du repérage réalisé en juin 1940 qu’elle put s’opérer directement sur la zone de l’accident. Rapidement, grâce aux détecteurs de métaux, sont découvertes diverses petites pièces provenant de l'hydravion et de l'équipement des militaires et de l’agent des services secrets. Parmi ces pièces, une montre de marque LONGINES enterrée à environ dix centimètres de profondeur. Si la boite de la montre en acier inoxydable est restée intacte, l’oxydation n’a en revanche, pas épargné le mouvement après plus de 72 ans sous la terre. Ce dernier reste malgré tout identifiable.
Une montre très particulière
C’est un calibre Longines 12.68Z STOP, produit pour la première fois en 1938/1939. La montre est à l’époque un modèle nouvellement fabriqué par Longines. La pièce faite pour les pilotes, dispose d’une lunette tournante et d’un système de stop seconde qui peut être enclenché avec un poussoir situé à 2 heures qui arrête l’aiguille des secondes, sans la remettre à 0.
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Ce dispositif transforme le calibre 12.68 Z en chronographe simplifié permettant la mesure de durées courtes malgré une perte partielle de l’affichage de l’heure pendant l’arrêt de la trotteuse. Le mouvement 12.68 Z avec mécanisme de stop seconde a été muni d’un compteur de 60 minutes qui en fait un vrai chronographe compteur sensiblement plus simple et moins coûteux que les chronographes classiques. Le système est intéressant pour les pilotes car sa lisibilité est parfaite et immédiate. Ces améliorations sont protégées par des brevets que Longines complètera au fil du temps et de la demande notamment militaire importante pour ce type de montres, dans les années 40. Le bureau technique de Longines lui ajoutera plusieurs fonctions dont un compteur de minutes au centre. Le mouvement est ainsi traité comme un véritable chronographe de manière quasi concurrente avec deux mouvements de chronographes développés par la manufacture, dans le même temps.
Longines fait de ce mouvement standard, un chronographe plus simple techniquement que les pièces conçues initialement pour remplir ces fonctions. Le prix de revient est limité au regard des chronographes compteurs. Pourtant, la fabrication de ces pièces sera limitée par une interdiction faite à Longines de les exporter pendant la guerre.
Le calibre 12.68Z Stop en état originel ( source adamvintage.com)
La montre retrouvée le 12 septembre 2012 était sans doute celle du pilote de l’avion. S’agissait-il d’une montre exportée de Suisse malgré l’embargo ? On pourrait en douter car en juin 1940, la production des pièces avec seconde au centre est encore balbutiante. La pièce ne comporte pas de marquage militaire. Il y a pour répondre à cela deux hypothèses. Soit la montre appartenait personnellement au pilote, soit s’agissant de militaires chargés de missions totalement secrètes, il ne fallait pas qu’un détail puisse faciliter leur identification.
A sa manière, ce garde temps Longines appartient à l’histoire, il est un acteur inattendu qui se fait connaître tardivement et discrètement après avoir servi le pilote d’un Hydravion qui participait à une mission inaccessible qui coûta la vie à quatre hommes prêt à l’offrir par conviction en faveur du monde libre. Ce qui reste de la montre est maintenant au musée maritime de Carantec y symbolisant un moment de l’histoire que le sacrifice humain ne permet pas d’oublier.[/url]
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Sujet: Longines : Une pièce rare et très spéciale ( Première partie ) Ven 4 Jan 2019 - 16:52
Longines réserve de ces merveilles qui ont intrinsèquement une histoire singulière dans la conception des mouvements mais aussi des boites et des assemblages… Je mets la dernière main à une histoire fabuleuse purement technique et je vais vous en faire partager le contenu. Mais quelle manufacture fantastique !
Je sais, ça a un côté un peu teasing mais cette montre, c'est une pépite qui fut compliquée à trouver et qui réservait des surprises. Alors avant de vous présenter la montre, je vous donne quelques éléments de contexte …
Tout commence par la recherche de montres faites pour l'US Navy au début du 20 ème siècle. Plus précisément, je cherchais à savoir comment et quelles manufactures suisses avaient livré l'US Navy. Si la marine américaine avait bien testé des montres suisses à la fin du 19ème, ces montres n'étaient que des montres de poche qui ne lui avaient pas donné satisfaction. Ainsi, au travers d'un horloger parisien (Lefèbvre), l'US Navy avait essayé notamment une montre de poche équipée d'un calibre Lecoultre. Les résultats étaient bons au plan horloger mais la montre fut estimée trop petite (50 mm de diamètre), pas assez lisible et pas adaptée à l'usage à bord des navires. Nous sommes là en 1898.
En 1902, Ulysse Nardin (dirigée par Paul David Nardin fils d'Ulysse) soumet à l'observatoire de Washington des montres de 65 mm de diamètre et dotées de l'affichage de réserve de marche. La précision est bluffante et le gouvernement américain achète les pièces (2 ou 3) et les fait tester par l'US Navy.
Il s'en suit une levée de boucliers des manufactures américaines qui refusent de voir des Suisses leur prendre une place auprès de l'US Navy que les industriels américains estiment faire partie de leur domaine réservé. Le gouvernement américain trouve une parade et met en place en 1904 un appel d'offres et un concours en 1905 qui sera organisé par l'observatoire naval de Washington pour sélectionner les meilleures montres .
Les meilleures pièces sont les Ulysse Nardin. Elles remportent le concours "haut la main" avec des résultats qui sont meilleurs que ceux des chronomètres de marine Negus jusqu'alors en place sur les navires militaires. Ulysse Nardin va renouveler ses records d'année en année ce qui stimule évidemment les concurrents américains et suisses de la marque. Longines tente au début en vain, d'aller sur le même terrain que Nardin et finira malgré tout par remporter aussi certains concours de l'observatoire militaire américain.
Longines, en 1913, se penche sur une autre technologie où personne ne réussit vraiment à coupler précision et longue réserve de marche de 8 jours. Les montres mises au point jusqu'alors sont précises lorsque le ressort est armé au maximum mais la précision décroit sensiblement sur les 3 ou 4 derniers jours. Les chronomètres de marine avec des entrainements par fusée/chaine sont bien plus réguliers grâce à une force constante exercée sur le mécanisme. Les systèmes à ressort sont plus capricieux, ce qui mécaniquement est une évidence.
Longines va donc s'intéresser à la distribution de l'énergie dans le mouvement (à ressort) et travailler sur l'architecture du mouvement et sur les trains de rouages qui distribuent la force du ressort … L'idée est audacieuse car il faut aller contre un principe physique de base et réguler une énergie qui par essence est à force variable sur la durée. Nous verrons comment Longines a trouvé le moyen de contourner la difficulté.
Ces informations acquises dans ma recherche, il fallait partir à la recherche de la montre. Il existe un exemplaire chez Longines mais "conditionné différemment", moi je voulais une pièce pur jus, sortie d'un navire de guerre du premier quart du siècle. Ce que j'ai voulu savoir, c'est comment Longines est arrivé avec ce calibre à "convaincre" l'observatoire naval de Washington et ce que furent réellement ces montres pour l'US Navy. L'idéal était évidemment de trouver un exemplaire de la montre fabriquée en toute petite quantité et pour laquelle le nombre de pièces faites pour l'US Navy est encore plus limité et le nombre de montres restant aujourd'hui en circulation est d'autant plus faible que les navires qui les ont portées ont, pour beaucoup, tout simplement coulé.
Voilà vous savez tout de ce défi qui m'a stimulé pendant des mois d'autant plus que les probabilités de dénicher la pièce étaient très faibles ceci sans qu'évidemment je ne puisse en parler sans prendre le risque de me faire souffler une pièce si j'en trouvais une …
Cette montre "très très spéciale" sera le sujet de mon prochain article ici-même où nous découvrirons le résultat des travaux de Longines…
Cette recherche fut très intéressante mêlant les contacts en Suisse auprès de Longines que je remercie, de musées suisses et américains et de collectionneurs spécialisés sur les montres militaires en Europe (Angleterre et Pays-bas et aux Etats-Unis).
_________________ Contraria contrariis curantur. (Les contraires se guérissent par les contraires).
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Sujet: Longines : Chronomètre de l'US Navy ( II ème partie) Ven 4 Jan 2019 - 16:53
Longines, manufacture de chronomètres
Préambule
C'est comme les vagues quand on est sur la plage au milieu de l'automne. Il n'y a plus personne, à part un promeneur ou deux égarés au loin, et la mer sans cesse ramène sur le bord un morceau de planche en bois puis l'éloigne avant de le ramener à nouveau jusqu'au moment où la mer s'étend avec une vague plus grande et dépose l'objet à vos pieds. Les montres de poche ont le charme désuet sans doute du contact, de la manipulation. Elle portent la chaleur de la poche, s'ouvrent comme des huitres pour laisser accéder à leur intimité et laissent parfois voir un mécanisme savamment étudié pour conserver une mesure de l'heure précise et cela de manière pérenne. Certaines ont plus de 100 ans et infailliblement donnent encore aujourd'hui une heure juste comparable aux montres contemporaines pilotées par des quartz ou par un signal radio réputé ne varier que d'une seconde tous les mille ans.
Quelle performance, il y a un siècle, de pouvoir livrer un instrument aussi précis que seuls les horlogers pouvaient comparer avec des pendules de parquet, instruments de référence des ateliers. Certes toutes les montres n'offraient pas l'heure parfaite avec le même talent mais les pièces aptes à conserver le tempo chronométrique n'étaient pas nécessairement des pièces inaccessibles porteuses de complications. Le 19ème siècle puis le 20ème siècle ont mis l'heure juste à la portée de tous. Les fabricants se sont emparés de l'échappement à ancre qui permettait les plus grandes prouesses pour fabriquer des mouvement imperturbables faisant fi du magnétisme, des variations de température, de taux d'humidité et de pression barométrique. Les plus grands physiciens se sont penchés sur l'enfant pour imaginer des alliages insensibles aux paramètres extérieurs. Charles Edouard Guillaume, fut sans aucun doute le père du balancier moderne, le génie du spiral et de la serge. Tous les fabricants se sont espionnés, étudiés, comparés, entendus, disputés et affrontés dans les concours de précisions des observatoires du monde entier. Hambourg, Kew-Teddington, Genève, Besançon, Neuchâtel, Washington…
Ils ont tous fondé l'horlogerie moderne et offert au public des montres qui n'étaient pas des objets de luxe mais des instruments fonctionnels destinés à donner l'heure. L'industrie horlogère n'était pas encore un élément de l'industrie du luxe. La recherche et le développement des mouvements était permanent, parfois s'avérait être un gouffre chronophage et coûteux pour un résultat aléatoire ou impossible à développer en volume pour des raisons de coûts exorbitants une fois passé en fabrication. Les exemples foisonnent de calibres sans avenir commercial et pourtant prodigieusement inventifs et précis.
Les recherches de Longines pour une longue réserve de marche assortie d'une précision chronométrique
Longines travaille en 1913 sur un calibre révolutionnaire, un mouvement de 19 lignes, un diamètre classique pour l'époque, doté de 8 jours de réserve de marche sans porter un barillet surdimensionné et profitant d'une architecture qui facilite la distribution d'énergie de manière reconsidérée au regard des créations antérieures. Il existe déjà des montres "huit jours" chez divers fabricants mais toutes ou presque ont le défaut de profiter d'une précision dépendante du niveau de tension du ressort de barillet. Le ressort très tendu lorsque la montre est remontée à fond, perd de sa force lorsque le ressort est détendu et cela influence la bonne marche du mouvement y compris quand par un système dit croix de Malte, la marche est cantonnée sans écart de remontage médian.
19 lignes est le format de calibres le plus gratifiant. Sans être excessif, il permet de loger de grands balanciers et de garantir une précision chronométrique qui au début du 20ème siècle est un excellent argumentaire de vente. Le public cherche un instrument qui lui donne l'heure la plus précise car il n'a pas d'autre moyen de transporter l'heure.
Le projet auquel s'attèle Longines en 1913 est fondé sur un stockage optimisé de l'énergie du ressort et surtout sur des trains de rouage qui assurent la distribution de l'énergie en garantissant une force constante quel que soit le niveau de remontage du ressort. Le travail de Longines est sans doute le fruit de l'une des recherches les plus astucieuses sur le sujet. Au terme d'études qui s'allongent dans le temps, Longines aboutit en 1914 à la conception d'un mouvement dont la régulation de distribution de l'énergie est si bien calculée que le mouvement est aussi précis du début du cycle de remontage jusqu'à son terme. Même les concepteurs du mouvement vont être étonnés de cette performance qui ne situe pas qu'au seul niveau des éléments réglants les facteurs de bonne marche d'une montre. .
Un calibre hors-norme
Baptisé 19-41, le calibre est complété d'une raquetterie qui permet un réglage fin et, en contradiction avec tout ce qui s'était fait jusqu'alors, il n'est équipé que d'un petit balancier théoriquement moins générateur de précision. Les prototypistes de Longines se font alors plaisir et choisissent une raquette dite en étoile qui permet de maitriser le réglage à la seconde près. Les prototypes sont testés dans les 5 positions et sur toute la durée de développement du barillet. Les résultats sont époustouflants. L'écart de marche est infime et la montre est dans les normes chronométriques, le reste non seulement sur les 8 jours mais encore quelle que soit la position.
Loin d'être une somme de "coups de chance" comme le sont parfois les créations de calibres, c'est le soin extrême mis à chaque étape de la conception et de la fabrication qui porte ses fruits. La somme des savoir faire des équipes de Longines offre un résultat extraordinaire qui a toutefois un défaut majeur : le coût de revient des mouvements. La complexité de l'assemblage induit des personnels mieux spécialisés et qualifiés forcément plus chers que les ouvrières habituellement requises. Le nombre de pièces spécifiques à ce calibre génère en outre un surcoût et le réglage final induit du temps et une manipulation plus lourde que sur un mouvement classique.
Le mouvement n'est pourtant pas un 23 ou un 21 rubis mais un 17 rubis qui sera présenté sous deux versions. L'une à remontage à clé (celle qui a servi au développement) et l'une plus aboutie à remontage par remontoir au pendant. La prouesse s'accompagne d'un affichage de la réserve de marche qui permet de connaître l'état de tension du barillet. La précision est comparable à celle des chronomètres de marine les plus sophistiqués et cela va beaucoup intéresser l'US Navy qui cherche à remplacer, sur ses navires de petit tonnage, ses chronomètres de marine par des pièces plus mobiles, moins fragiles et garantissant une heure sécurisée et fiable.
Une livraison à l'US Navy
Longines livrera ses pièces à l'US Navy au début des années 1920 par l'intermédiaire de son distributeur A. Wittnauer C°. Officiellement, Longines n'a livré que des mouvements avec leurs cadrans et leurs aiguilles mais de fait, les boites livrées avec les montres sont bien des Longines. L'assemblage s'est-il fait sur le sol américain comme la réglementation protectionniste américaine l'imposait sous peine de taxation dissuasive mais alors, il aurait fallu que la boite fut américaine ce qui n'est pas le cas, ou bien la manufacture Longines a-t-elle exporté des montres complètes, ce qui induirait un enregistrement erroné dans ses livres ou enfin, l'expédition des calibres et des boites s'est elles faite séparément pour répondre au cahier des charges de l'US Navy ? La dernière solution à cette énigme semble la plus probable.
Un calibre de 19 lignes soit environ 44 mm dans une boite de 79 mm a de quoi étonner mais l'US Navy a voulu remplacer ses chronomètres de marine par des montres dotées de cadrans aussi grands que ceux des chronomètres de marine afin de préserver, à l'équivalent, une lisibilité parfaite et ceci sans troubler les habitudes des utilisateurs. Le nombre de mouvements fabriqués reste très limité et toutes les pièces acquises par l'US Navy furent lauréates des concours de précision organisés annuellement par l'Observatoire Naval de Washington pour départager les meilleures montres aptes à un service pour la marine militaire. La pièce fut lauréate du concours de l'Observatoire de Washington en 1922, le temps de la maturité pour ce calibre puisque son remontage est passé d'une version à clé à un système au pendant.
Sans aucun doute, cette montre puisqu'il s'agit bien d'une montre malgré sa taille de presque 80 mm n'est pas dans le format des montres de poche mais bel et bien dans celui d'une montre de bord de grande taille. Le format des montres de bord de l'époque est davantage contenu aux alentours de 65 ou 67 mm. Cette fois le parti pris est de préserver clairement la taille des cadrans des chronomètres en bois de la Marine militaire.
De l'exception à la réalité du quotidien
La force de Longines comme d'autres grandes maisons fut de pouvoir faire ces pièces d'exception tout en maintenant en parallèle la fabrication à grande échelle de pièces précises certes avec des réserves de marche plus classiques ramenées au mieux à moins de 40 heures mais faites avec le même soin que ces pièces rares. Le calibre 19-85 est par exemple dans un laps de temps parallèle au développement du 19-41, un mouvement particulièrement performant et moins complexe à produire que ce dernier mouvement.
La production en volumes imposait de pouvoir faire assembler les montres par des ouvriers et ouvrières peu qualifiées voire même des ouvriers à domicile mais les fabricants faisaient profiter à leur production de masse des innovations faites pour des pièces confidentielles. L'interchangeabilité des pièces fut pour cela une avancée technologique considérable.
Le 19-85 profite d'une raquette de grande qualité que Longines a exploitée également sur ses mouvements Express Monarch et Express Leader, deux autres très grandes créations de Longines qui s'est imposée comme l'une des manufactures les plus innovantes au 19ème comme au 20ème siècle jusque dans les années 1970.
On observera par comparaison le train de rouage du calibre 19-41 qui offre une démultiplication spécifique à la sortie du barillet et est très différent du 19-85. Longines est sans doute l'une des manufactures les plus productives quant au nombre de ses calibres différents, une diversité qui ne peut que forcer l'admiration et qui dénote une culture de recherche et de développement extraordinaire. Les différences entre les mouvements Longines sont toujours subtiles et la manufacture a fondé son travail sur la création de familles de mouvements dont la somme est absolument incroyable. Patrick Linder s'était essayé dans un ouvrage volumineux à un recensement des mouvements Longines, un travail énorme et passionnant.
Les grandes maisons comme Longines, Lecoultre, Omega, Zenith, Ulysse Nardin et tant d'autres ont une histoire exceptionnellement riche faite de recherches et développements où les horlogers se sont laissés entrainer par leur enthousiasme sans regarder les coûts de revient et avec le souci de conserver l'heure au plus précis. La plupart des pièces de l'époque sont plus ou moins directement les héritières de ces recherches y compris des montres très classiques avec des mouvements qui portent 15 rubis. C'est une autre manière de regarder l'horlogerie sans le prisme déformant du marketing moderne, une manière de rester attaché au prodige mécanique que fut l'évolution de l'horlogerie.
Droits réservés - Forumamontres - Joël Duval - Janvier 2019
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Sujet: La master navigation Watch de Longines - Dernière survivante ? Dim 12 Juil 2020 - 15:45
La master navigation Watch de Longines - Dernière survivante ?
Préambule
Il y a une question qu'on me pose souvent, c'est de savoir quelle est la montre dont je ne me séparerais pour rien au monde. Franchement, je n'en sais rien et cette question "bateau" à vrai dire n'a pas grand sens. Par contre, il y a une autre question qui m'amuse d'avantage, c'est quelle est la montre qui a été la plus difficile à trouver.
Attention, on ne parle pas d'une montre de série sur liste d'attente, non, c'est d'une pièce un peu particulière, un peu rare voire unique…
J'ai longtemps été à l'affut des chronomètres de concours, ces pièces dites d'observatoires qui remportaient des premiers prix et étaient travaillées des mois durant par des chronométriers jusqu'à obtention d'un réglage fin, parfait ou presque. Entre un 135 bracelet et son homologue de concours, je prends le second sans hésiter. Le hasard a mis sur ma route des montres de concours primées, c'est l'époque où j'ai trouvé cette montre que j'appelais mon Graal.
De ces montres de concours faites pour remporter la bataille de la précision, je me suis passionné mais en dépassant le cadre des observatoires suisses et anglais, je me suis intéressé aux montres présentées à l'Observatoire Naval de Washington. Pourquoi s'intéresser aux montres présentées devant un observatoire militaire, me direz-vous ? La réponse est que les montres primées devenaient des montres militaires que le gouvernement achetait pour l'US Navy. Le gouvernement de Roosevelt créa même en 1904, une nouvelle discipline dédiée aux "Torpedo Boat watches", montres destinées aux navires militaires de l'US Navy. Cette fois le jeu devient double puisque les montres forcément très rares, sont à la fois prix de chronométrie et montres de bord de l'US Navy.
Le premier concours dédié aux Torpedo boat watches eut lieu en 1905, l'appel d'offres ayant été lancé en 1904. Imaginez une seconde avoir entre les mains la montre qui aurait été la première montre primée du premier concours et qui aurait remporté le premier prix … Impensable ! Impossible ! Je n'en aurais même pas rêvé… C'est pourtant cette montre-là, pas le deuxième prix ou un autre, non celle du premier prix du premier concours que les recherches que j'ai menées ont mise sur ma route. La montre, une Ulysse Nardin, était vendue avec une réédition de son prix d'époque et son classement. Les vérifications faites ensuite avec le Musée du Locle et les archives militaires américaines ne laissaient planer aucun doute, la montre que j'avais acquise était number one !
Ces montres de l'US Navy m'ont animé jusqu'à ce que je tombe sur un article dans une revue allemande qui faisait référence aux montres Longines qui, une quinzaines d'années après Ulysse Nardin, devinrent les montres officielles de l'US Navy. Moins rares que les Ulysse Nardin ces montres somme toute assez courantes avaient une réserve de marche de 36 heures et la taille de montres de poche classiques. En faisant une recherche sur les mouvements avec des documents d'archives Longines, je suis tombé sur des livraisons très particulières faites aux USA à l'agent américain de Longines et portant sur des pièces spéciales, 8 jours et dotées de cadrans de près de 8 cm de diamètres. Cette fois on ne parle pas de dizaines de pièces mais de quelques unités, sans doute moins de 6.
La gageure relevée par Longines était de "remplacer" à la demande de l'US Navy, les chronomètres de marine par des montres ayant un diamètre aussi grand que les chronomètres de marine montés sur cardans et un mouvement doté d'une réserve de 8 jours avec affichage de la réserve. Diable ! L'armée américaine voulait un chronomètre de 8 jours ayant la mobilité d'une montre, un cadran aussi lisible que celui d'un chronomètre de marine et qui resterait précise autant au 8ème jour qu'au premier ! La demande faite par l'US Navy daterait des années 1913/1914 et aurait eu comme objectif d'équiper les sous-marins américains notamment sans dérouter les habitudes des militaires et en leur donnant la même règle de sécurité quant au remontage régulier de la montre qu'avec les chronomètres de marine Négus auxquels ils étaient habitués à bord des gros navires de guerre.
Tout le monde s'est penché à la même époque sur la manière de faire des calibres de 8 jours "miniatures" et fiables du 1er au dernier jour. La société anglaise Smith and Son avait bien un calibre mais la dérive au delà de 4 jours était inacceptable. Ulysse Nardin, Zenith, Longines et les manufactures américaines se risquèrent à des recherches et essais ...infructeux et surtout horriblement couteux.
Seul Longines persévéra, d'abord en travaillant comme les autres sur la taille du barillet mais, invariablement, la précision descendait au delà de 4 à 5 jours même en jouant sur la qualité de la trempe du ressort ou la puissance du ressort de barillet. Toute l'année 1913 tourna autour de recherches orientées sur le barillet. Ensuite, les calibristes s'essayèrent à abaisser la fréquence mais le gain était dérisoire. Longines s'attaqua alors, à grand frais, aux trains de rouages. En modifiant les couples pour abaisser le besoin en énergie, le gain devenait sensible. Si à cela, la manufacture ajoutait d'agrandir un peu le barillet et de réduire drastiquement les frictions… Si en plus l'ancre était modifiée alors … Longines obtenait les 8 jours avec une montre chronomètre de haut niveau quelle que soit la tension du ressort. Pour faire simple, le "truc" était d'avoir un ressort qui puisse tenir 10 jours et de n'exploiter que ce qui servait dans les 8 premiers jours, un arrêt de Malte bloquait le remontage sans permettre d'aller au bout et ainsi Longines exploitait la meilleure plage de détente du ressort.
Simple en théorie, la réalisation du calibre prit des mois, puis des années … jusqu'à ce que le mouvement soit mis au point. C'est peut-être l'un des calibres dont la mise au point a coûté le plus cher à Longines. La montre emboitée dans une grande carrure de 8 cm de diamètre et livrée dans un coffret en bois vitré de petite taille pouvait en être extraite et avoir la mobilité d'une montre de bord classique. Le résultat était fantastique, unique, extraordinaire mais lorsque Longines put livrer ses premières montres, ce fut en 1920 et la guerre était terminée depuis deux ans. Le commandement de l'armée avait changé et si l'US Navy était toujours intéressée, elle avait aussi besoin de faire des économies budgétaires.
Longines présenta malgré tout ses montres dites "Master Navigation Watch" au concours de l'Observatoire naval de Washington et fut primée pour cette montre exceptionnelle à la technologie d'avant garde. Ensuite, l'histoire se complique considérablement car si on sait que Longines put présenter deux de ses montres 8 jours, on ignore ce qu'il advint de la seconde et on pense même qu'elle ne fut pas livrée ce qui expliquerait que sa carrure fut en laiton et indissociable d'une boite vitrée en bois. En revanche, l'autre montre admise au concours fut primée et livrée à l'US Navy avec sa boite assortie d'un numéro d'inventaire et gravée.
Les recherches faites semblent indiquer que 6 montres ont été faites et 5 livrées (admises au concours), la sixième aurait été refoulée. Sur ces 5, et après moultes recherches je n'en ai identifié avec certitude et c'est là que je me dis que parfois il ne faut jamais se décourager, j'ai retrouvé cette montre chez un marchand et j'ai pu l'acquérir auprès d'un marchand spécialisé. Un professionnel américain m'a confirmé la rareté extrême de ce type de pièce. Lui-même, grand pro depuis 25 ans n'en avait jamais vu mais en connaissait l'existence par ouïe dire. Il l'a découverte sur FAM et s'est montré capable d'en parler incroyablement. Il s'est fait traduire ce sujet car Google translate ne lui semblait pas bon et il m'a contacté. Cette montre, m'a-t-il confié, est une pièce historique ultra intéressante car elle "pousse plus loin encore la recherche de mobilité de l'heure à bord des navires". Sa réflexion soulignait l'activité extraordinaire de Longines et son travail avec les armées dont l'US Navy.
J'ai choisi de publier à nouveau l'histoire de cette montre qui est sans doute, ma plus grande aventure horlogère en quête d'une pièce que je n'avais quasiment aucune probabilité de trouver. Je reste étonné d'avoir mis la main dessus et pour le coup, je sais que nombre de conservateurs de musées sont "scotchés " par cette pièce. Voici donc l'histoire que j'en avais publié !
Citation :
Longines réserve de ces merveilles qui ont intrinsèquement une histoire singulière dans la conception des mouvements mais aussi des boites et des assemblages… Je mets la dernière main à une histoire fabuleuse purement technique et je vais vous en faire partager le contenu. Mais quelle manufacture fantastique !
Je sais, ça a un côté un peu teasing mais cette montre, c'est une pépite qui fut compliquée à trouver et qui réservait des surprises. Alors avant de vous présenter la montre, je vous donne quelques éléments de contexte …
Tout commence par la recherche de montres faites pour l'US Navy au début du 20 ème siècle. Plus précisément, je cherchais à savoir comment et quelles manufactures suisses avaient livré l'US Navy. Si la marine américaine avait bien testé des montres suisses à la fin du 19ème, ces montres n'étaient que des montres de poche qui ne lui avaient pas donné satisfaction. Ainsi, au travers d'un horloger parisien (Lefèbvre), l'US Navy avait essayé notamment une montre de poche équipée d'un calibre Lecoultre. Les résultats étaient bons au plan horloger mais la montre fut estimée trop petite (50 mm de diamètre), pas assez lisible et pas adaptée à l'usage à bord des navires. Nous sommes là en 1898.
En 1902, Ulysse Nardin (dirigée par Paul David Nardin fils d'Ulysse) soumet à l'observatoire de Washington des montres de 65 mm de diamètre et dotées de l'affichage de réserve de marche. La précision est bluffante et le gouvernement américain achète les pièces (2 ou 3) et les fait tester par l'US Navy.
Il s'en suit une levée de boucliers des manufactures américaines qui refusent de voir des Suisses leur prendre une place auprès de l'US Navy que les industriels américains estiment faire partie de leur domaine réservé. Le gouvernement américain trouve une parade et met en place en 1904 un appel d'offres et un concours en 1905 qui sera organisé par l'observatoire naval de Washington pour sélectionner les meilleures montres .
Les meilleures pièces sont les Ulysse Nardin. Elles remportent le concours "haut la main" avec des résultats qui sont meilleurs que ceux des chronomètres de marine Negus jusqu'alors en place sur les navires militaires. Ulysse Nardin va renouveler ses records d'année en année ce qui stimule évidemment les concurrents américains et suisses de la marque. Longines tente au début en vain, d'aller sur le même terrain que Nardin et finira malgré tout par remporter aussi certains concours de l'observatoire militaire américain.
Longines, en 1913, se penche sur une autre technologie où personne ne réussit vraiment à coupler précision et longue réserve de marche de 8 jours. Les montres mises au point jusqu'alors sont précises lorsque le ressort est armé au maximum mais la précision décroit sensiblement sur les 3 ou 4 derniers jours. Les chronomètres de marine avec des entrainements par fusée/chaine sont bien plus réguliers grâce à une force constante exercée sur le mécanisme. Les systèmes à ressort sont plus capricieux, ce qui mécaniquement est une évidence.
Longines va donc s'intéresser à la distribution de l'énergie dans le mouvement (à ressort) et travailler sur l'architecture du mouvement et sur les trains de rouages qui distribuent la force du ressort … L'idée est audacieuse car il faut aller contre un principe physique de base et réguler une énergie qui par essence est à force variable sur la durée. Nous verrons comment Longines a trouvé le moyen de contourner la difficulté.
Ces informations acquises dans ma recherche, il fallait partir à la recherche de la montre. Il existe un exemplaire chez Longines mais "conditionné différemment", moi je voulais une pièce pur jus, sortie d'un navire de guerre du premier quart du siècle. Ce que j'ai voulu savoir, c'est comment Longines est arrivé avec ce calibre à "convaincre" l'observatoire naval de Washington et ce que furent réellement ces montres pour l'US Navy. L'idéal était évidemment de trouver un exemplaire de la montre fabriquée en toute petite quantité et pour laquelle le nombre de pièces faites pour l'US Navy est encore plus limité et le nombre de montres restant aujourd'hui en circulation est d'autant plus faible que les navires qui les ont portées ont, pour beaucoup, tout simplement coulé.
Voilà vous savez tout de ce défi qui m'a stimulé pendant des mois d'autant plus que les probabilités de dénicher la pièce étaient très faibles, ceci sans qu'évidemment je ne puisse en parler sans prendre le risque de me faire souffler une pièce si j'en trouvais une …
Cette montre "très très spéciale" sera le sujet de mon prochain article ici-même où nous découvrirons le résultat des travaux de Longines…
Cette recherche fut très intéressante mêlant les contacts en Suisse auprès de Longines que je remercie, de musées suisses et américains et de collectionneurs spécialisés sur les montres militaires en Europe (Angleterre et Pays-bas et aux Etats-Unis).
Citation :
Longines, manufacture de chronomètres
Préambule
C'est comme les vagues quand on est sur la plage au milieu de l'automne. Il n'y a plus personne, à part un promeneur ou deux égarés au loin, et la mer sans cesse ramène sur le bord un morceau de planche en bois puis l'éloigne avant de le ramener à nouveau jusqu'au moment où la mer s'étend avec une vague plus grande et dépose l'objet à vos pieds. Les montres de poche ont le charme désuet sans doute du contact, de la manipulation. Elle portent la chaleur de la poche, s'ouvrent comme des huitres pour laisser accéder à leur intimité et laissent parfois voir un mécanisme savamment étudié pour conserver une mesure de l'heure précise et cela de manière pérenne. Certaines ont plus de 100 ans et infailliblement donnent encore aujourd'hui une heure juste comparable aux montres contemporaines pilotées par des quartz ou par un signal radio réputé ne varier que d'une seconde tous les mille ans.
Quelle performance, il y a un siècle, de pouvoir livrer un instrument aussi précis que seuls les horlogers pouvaient comparer avec des pendules de parquet, instruments de référence des ateliers. Certes toutes les montres n'offraient pas l'heure parfaite avec le même talent mais les pièces aptes à conserver le tempo chronométrique n'étaient pas nécessairement des pièces inaccessibles porteuses de complications. Le 19ème siècle puis le 20ème siècle ont mis l'heure juste à la portée de tous. Les fabricants se sont emparés de l'échappement à ancre qui permettait les plus grandes prouesses pour fabriquer des mouvement imperturbables faisant fi du magnétisme, des variations de température, de taux d'humidité et de pression barométrique. Les plus grands physiciens se sont penchés sur l'enfant pour imaginer des alliages insensibles aux paramètres extérieurs. Charles Edouard Guillaume, fut sans aucun doute le père du balancier moderne, le génie du spiral et de la serge. Tous les fabricants se sont espionnés, étudiés, comparés, entendus, disputés et affrontés dans les concours de précisions des observatoires du monde entier. Hambourg, Kew-Teddington, Genève, Besançon, Neuchâtel, Washington…
Ils ont tous fondé l'horlogerie moderne et offert au public des montres qui n'étaient pas des objets de luxe mais des instruments fonctionnels destinés à donner l'heure. L'industrie horlogère n'était pas encore un élément de l'industrie du luxe. La recherche et le développement des mouvements était permanent, parfois s'avérait être un gouffre chronophage et coûteux pour un résultat aléatoire ou impossible à développer en volume pour des raisons de coûts exorbitants une fois passé en fabrication. Les exemples foisonnent de calibres sans avenir commercial et pourtant prodigieusement inventifs et précis.
Les recherches de Longines pour une longue réserve de marche assortie d'une précision chronométrique
Longines travaille en 1913 sur un calibre révolutionnaire, un mouvement de 19 lignes, un diamètre classique pour l'époque, doté de 8 jours de réserve de marche sans porter un barillet surdimensionné et profitant d'une architecture qui facilite la distribution d'énergie de manière reconsidérée au regard des créations antérieures. Il existe déjà des montres "huit jours" chez divers fabricants mais toutes ou presque ont le défaut de profiter d'une précision dépendante du niveau de tension du ressort de barillet. Le ressort très tendu lorsque la montre est remontée à fond, perd de sa force lorsque le ressort est détendu et cela influence la bonne marche du mouvement y compris quand par un système dit croix de Malte, la marche est cantonnée sans écart de remontage médian.
19 lignes est le format de calibres le plus gratifiant. Sans être excessif, il permet de loger de grands balanciers et de garantir une précision chronométrique qui au début du 20ème siècle est un excellent argumentaire de vente. Le public cherche un instrument qui lui donne l'heure la plus précise car il n'a pas d'autre moyen de transporter l'heure.
Le projet auquel s'attèle Longines en 1913 est fondé sur un stockage optimisé de l'énergie du ressort et surtout sur des trains de rouage qui assurent la distribution de l'énergie en garantissant une force constante quel que soit le niveau de remontage du ressort. Le travail de Longines est sans doute le fruit de l'une des recherches les plus astucieuses sur le sujet. Au terme d'études qui s'allongent dans le temps, Longines aboutit en 1914 à la conception d'un mouvement dont la régulation de distribution de l'énergie est si bien calculée que le mouvement est aussi précis du début du cycle de remontage jusqu'à son terme. Même les concepteurs du mouvement vont être étonnés de cette performance qui ne situe pas qu'au seul niveau des éléments réglants les facteurs de bonne marche d'une montre. .
Un calibre hors-norme
Baptisé 19-41, le calibre est complété d'une raquetterie qui permet un réglage fin et, en contradiction avec tout ce qui s'était fait jusqu'alors, il n'est équipé que d'un petit balancier théoriquement moins générateur de précision. Les prototypistes de Longines se font alors plaisir et choisissent une raquette dite en étoile qui permet de maitriser le réglage à la seconde près. Les prototypes sont testés dans les 5 positions et sur toute la durée de développement du barillet. Les résultats sont époustouflants. L'écart de marche est infime et la montre est dans les normes chronométriques, le reste non seulement sur les 8 jours mais encore quelle que soit la position.
Loin d'être une somme de "coups de chance" comme le sont parfois les créations de calibres, c'est le soin extrême mis à chaque étape de la conception et de la fabrication qui porte ses fruits. La somme des savoir faire des équipes de Longines offre un résultat extraordinaire qui a toutefois un défaut majeur : le coût de revient des mouvements. La complexité de l'assemblage induit des personnels mieux spécialisés et qualifiés forcément plus chers que les ouvrières habituellement requises. Le nombre de pièces spécifiques à ce calibre génère en outre un surcoût et le réglage final induit du temps et une manipulation plus lourde que sur un mouvement classique.
Le mouvement n'est pourtant pas un 23 ou un 21 rubis mais un 17 rubis qui sera présenté sous deux versions. L'une à remontage à clé (celle qui a servi au développement) et l'une plus aboutie à remontage par remontoir au pendant. La prouesse s'accompagne d'un affichage de la réserve de marche qui permet de connaître l'état de tension du barillet. La précision est comparable à celle des chronomètres de marine les plus sophistiqués et cela va beaucoup intéresser l'US Navy qui cherche à remplacer, sur ses navires de petit tonnage, ses chronomètres de marine par des pièces plus mobiles, moins fragiles et garantissant une heure sécurisée et fiable.
Une livraison à l'US Navy
Longines livrera ses pièces à l'US Navy au début des années 1920 par l'intermédiaire de son distributeur A. Wittnauer C°. Officiellement, Longines n'a livré que des mouvements avec leurs cadrans et leurs aiguilles mais de fait, les boites livrées avec les montres sont bien des Longines. L'assemblage s'est-il fait sur le sol américain comme la réglementation protectionniste américaine l'imposait sous peine de taxation dissuasive mais alors, il aurait fallu que la boite fut américaine ce qui n'est pas le cas, ou bien la manufacture Longines a-t-elle exporté des montres complètes, ce qui induirait un enregistrement erroné dans ses livres ou enfin, l'expédition des calibres et des boites s'est elles faite séparément pour répondre au cahier des charges de l'US Navy ? La dernière solution à cette énigme semble la plus probable.
Un calibre de 19 lignes soit environ 44 mm dans une boite de 79 mm a de quoi étonner mais l'US Navy a voulu remplacer ses chronomètres de marine par des montres dotées de cadrans aussi grands que ceux des chronomètres de marine afin de préserver, à l'équivalent, une lisibilité parfaite et ceci sans troubler les habitudes des utilisateurs. Le nombre de mouvements fabriqués reste très limité et toutes les pièces acquises par l'US Navy furent lauréates des concours de précision organisés annuellement par l'Observatoire Naval de Washington pour départager les meilleures montres aptes à un service pour la marine militaire. La pièce fut lauréate du concours de l'Observatoire de Washington en 1922, le temps de la maturité pour ce calibre puisque son remontage est passé d'une version à clé à un système au pendant.
Sans aucun doute, cette montre puisqu'il s'agit bien d'une montre malgré sa taille de presque 80 mm n'est pas dans le format des montres de poche mais bel et bien dans celui d'une montre de bord de grande taille. Le format des montres de bord de l'époque est davantage contenu aux alentours de 65 ou 67 mm. Cette fois le parti pris est de préserver clairement la taille des cadrans des chronomètres en bois de la Marine militaire.
De l'exception à la réalité du quotidien
La force de Longines comme d'autres grandes maisons fut de pouvoir faire ces pièces d'exception tout en maintenant en parallèle la fabrication à grande échelle de pièces précises certes avec des réserves de marche plus classiques ramenées au mieux à moins de 40 heures mais faites avec le même soin que ces pièces rares. Le calibre 19-85 est par exemple dans un laps de temps parallèle au développement du 19-41, un mouvement particulièrement performant et moins complexe à produire que ce dernier mouvement.
La production en volumes imposait de pouvoir faire assembler les montres par des ouvriers et ouvrières peu qualifiées voire même des ouvriers à domicile mais les fabricants faisaient profiter à leur production de masse des innovations faites pour des pièces confidentielles. L'interchangeabilité des pièces fut pour cela une avancée technologique considérable.
Le 19-85 profite d'une raquette de grande qualité que Longines a exploitée également sur ses mouvements Express Monarch et Express Leader, deux autres très grandes créations de Longines qui s'est imposée comme l'une des manufactures les plus innovantes au 19ème comme au 20ème siècle jusque dans les années 1970.
On observera par comparaison le train de rouage du calibre 19-41 qui offre une démultiplication spécifique à la sortie du barillet et est très différent du 19-85. Longines est sans doute l'une des manufactures les plus productives quant au nombre de ses calibres différents, une diversité qui ne peut que forcer l'admiration et qui dénote une culture de recherche et de développement extraordinaire. Les différences entre les mouvements Longines sont toujours subtiles et la manufacture a fondé son travail sur la création de familles de mouvements dont la somme est absolument incroyable. Patrick Linder s'était essayé dans un ouvrage volumineux à un recensement des mouvements Longines, un travail énorme et passionnant.
Les grandes maisons comme Longines, Lecoultre, Omega, Zenith, Ulysse Nardin et tant d'autres ont une histoire exceptionnellement riche faite de recherches et développements où les horlogers se sont laissés entrainer par leur enthousiasme sans regarder les coûts de revient et avec le souci de conserver l'heure au plus précis. La plupart des pièces de l'époque sont plus ou moins directement les héritières de ces recherches y compris des montres très classiques avec des mouvements qui portent 15 rubis. C'est une autre manière de regarder l'horlogerie sans le prisme déformant du marketing moderne, une manière de rester attaché au prodige mécanique que fut l'évolution de l'horlogerie.
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