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 La frayeur rétrospective d'Erwin, chef de gare près de Zurrich. Histoire vécue.

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ZEN
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ZEN


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Date d'inscription : 05/05/2005

La frayeur rétrospective d'Erwin, chef de gare près de Zurrich. Histoire vécue.  Empty
MessageSujet: La frayeur rétrospective d'Erwin, chef de gare près de Zurrich. Histoire vécue.    La frayeur rétrospective d'Erwin, chef de gare près de Zurrich. Histoire vécue.  EmptyDim 1 Avr - 22:41

Il fait presque moins 12° sur le quai de cette petite gare près de Zurich. Peter est allé ce matin au travail avec son père Erwin qui n'est autre que le chef de gare. Son institutrice est malade et l'école n'a pas de solution de garde. On est en 1954, Avant de donner le départ à certains trains qui rejoignent Zurich, Erwin doit s'assurer qu'il s'est écoulé 8 minutes entre le moment où un train de fret passe en gare et celui où il siffle le départ de certains trains à 10h48, 15h 52 et 16 h 33. C'est le temps que le premier train met pour dégager la voie avec une marge de sécurité de 3 minutes. L'opération est devenue machinale, presque automatique car elle se reproduit 5 jours par semaine et trois fois par jour.

Erwin a chargé Peter de faire un dessin dans son bureau et le gamin de 7 ans, s'il tient bien le stylo, a les yeux fixés sur la montre de son père posée à côté de lui, une large Omega au bout d'une chaine. Le cadran de la montre a de gros chiffres romains et Erwin en vérifie la synchronisation avec l'heure de la pendule de la gare au moins trois fois par jour.  Il est 10 h 36 quand Peter décide de dessiner cette montre sur sa feuille au format 21 x27 cm. Peter est un gentil petit garçon mais il est très sensible. La moindre contrariété se transforme en psychodrame et en pleurs interminables si bien que lorsqu'il est calme, les adultes évitent de le contrarier de peur de devoir supporter l'un de ses nombreux désespoirs quotidiens.

Sur le bureau d'Erwin, il y a aussi son sifflet, un sifflet avec une boule de liège qui facilite un son puissant caractéristique des sifflets des chemins de fer. Peter a placé le sifflet dans sa poche bien convaincu qu'il pourra aller jouer dehors entre 11 h et midi quand aucun train ne passe et que son père en profite pour régler des taches administratives. Erwin lève les yeux vers la pendule qu'il aperçoit sur le quai depuis sa fenêtre et tend la main vers sa montre déchainant ainsi les grognements du bambin qui n'entend pas interrompre sa séance de dessin. Erwin renonce immédiatement à se saisir de sa montre. Il donnera le signal avec l'œil sur la pendule. Pour une fois, il ne se fera pas confirmer l'heure par un coup d'œil sur sa montre.

Erwin est sur le quai et le train de fret de 10h 40 passe en gare au ralenti. Le conducteur du train fait un signe de la main à Erwin qui y répond avec un sourire. Un œil sur la pendule lui confirme la quasi ponctualité de ce train qui a malgré tout une minute d'avance. Le train qui partira à 10h48 est déjà en gare et il faut donc attendre 8 minutes pour donner le signal de son départ. Les mains dans les poches Erwin renseigne un voyageur qui s'interroge sur les trains disponibles le dimanche.

Le conducteur du train qui laisse chauffer la machine est plongé dans le journal où il recherche des résultats de match de hockey. Ce n'est pas le conducteur habituel mais Frantz Ermath, un jeune conducteur qui remplace son collègue souffrant. Tout d'un coup, un long coup de sifflet retentit, aussi long et strident que ceux du chef de gare. Le conducteur du train jette un œil sur Erwin qui se retourne ce qu'il interprète comme un étonnement que le train ne soit pas déjà parti. Le conducteur lance sa machine et le train démarre. Il est 10 h 45. A bord, les passagers s'étonnent de partir en avance mais aucun ne s'en inquiète. Peter est fier d'avoir fait démarrer le train. Son coup de sifflet était celui d'un chef de gare, pas d'un enfant de 7 ans. Erwin tout en recherchant vainement son sifflet dans sa poche fait de grands gestes pour faire stopper le train mais en vain, celui-ci a déjà quitté la gare.

Téléphoner à l'aiguillage ne servirait à rien, le temps de réaction nécessaire est trop court, bien trop court. Peter sent qu'il a fait une énorme bêtise et pleure. Frantz s'étonnera de la proximité du train qui le précède mais il adapte sa vitesse en conséquence et le train de fret a à peine quitté la voie qu'il fait passer son train tout juste étonné. Dans son carnet de bord, il mentionnera R.A.S. Erwin racontera qu'il a eu ce jour là la peur de sa vie, une peur directement conséquente à une faute, celle d'amener son fils au travail parce que la maitresse d'école était souffrante. L'enchaînement des faits le laissera totalement marqué sur ce qui fait la chance et la malchance, le bonheur ou le malheur. Erwin a maintenant presque 94 ans, il a gardé toute sa tête et raconte cette histoire avec la même verve qu'en 1954. Il a gardé le sifflet et la montre. Son fils Peter se souvient de cet instant gravé dans sa mémoire à jamais. Ses enfants et petits-enfants la connaissent par cœur. Une soixantaine de personnes ont ce jour là échappé de peu à la mort sans le savoir pour au moins une partie d'entre eux. Une mort frôlée à quelques mètres près et qui par un effet papillon s'est transformée en R.A.S.

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MessageSujet: Re: La frayeur rétrospective d'Erwin, chef de gare près de Zurrich. Histoire vécue.    La frayeur rétrospective d'Erwin, chef de gare près de Zurrich. Histoire vécue.  EmptyDim 1 Avr - 23:31

Il y a surtout des histoires qui finissent bien.

Merci pour cet agréable moment de lecture. Chinois
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