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 La montre d'un soldat inconnu ou presque ... Histoire vécue

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ZEN
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La montre d'un soldat inconnu ou presque ... Histoire vécue  Empty
MessageSujet: La montre d'un soldat inconnu ou presque ... Histoire vécue    La montre d'un soldat inconnu ou presque ... Histoire vécue  EmptyDim 3 Mar 2019 - 17:08

Avant de vous laisser lire cette histoire, je voudrais remercier Evelyne. Evelyne m'a mis en contact avec Jacques et sans elle cette rencontre n'aurait jamais pu avoir lieu. Evelyne est une personne que je ne connaissais pas du tout et à qui un passionné de montres auquel elle avait raconté l'histoire de Jacques, a proposé de me rencontrer. Cela valait la peine et grâce à elle, Jacques a pu livrer son histoire. Par commodité, j'ai reformulé certaines phrases ce qui était convenu avec Jacques.
Un grand, grand merci à ceux qui ont facilité la préparation de ce sujet. Cette histoire est terrible et met en scène une montre et bien davantage …

 

Jacques est né quelques mois après la fin de la seconde guerre mondiale. Son histoire, c'est lui-même qui la raconte. Ames sensibles s'abstenir.


Citation :
Quelques mois avant la fin de la guerre, mes grand-parents qui habitaient en Normandie ont vu arriver un soir vers 23 heures, deux jeunes militaires américains. L'un d'eux avait le talon abimé et le pied cassé et l'autre portait quelques égratignures. Ils avaient été largués en parachute et avaient atterri à plus de 4 kilomètres de la maison de mes grand-parents. Il y avait des habitations bien plus près mais ils avaient préféré s'éloigner car ils craignaient d'avoir été repérés par les Allemands. Le lendemain, la zone d'arrivée de ces 2 GI fut explorée de font en comble et toutes les maisons furent fouillées mais dans un rayon de 2 ou 3 kilomètres, pas plus.
Mon grand-père gérait du bétail et avait des activités liées à la viande. Ma grand-mère faisait des ménages. Ils n'étaient pas riches mais ils ne manquaient de rien car mon grand-père était un grand bricoleur et il travaillait à droite à gauche.

Quand les deux gars sont arrivés, il crevaient de faim. Il n'avaient aucun paquetage et n'avaient que leurs vêtements, leur couteau, leur montre et leurs flingues. Ils ne parlaient pas un mot de français mais mon grand-père disait que la faim avait un langage universel. Mon grand-père a voulu chercher le médecin mais les soldats ont refusé. C'est mon grand-père qui a fait une attelle avec les moyens du bord et des béquilles avec des balais !

Ma mère avait 16 ans. Elle vivait chez ses parents évidemment et les Américains étaient comme des dieux pour elle qui n'était jamais sortie de son village. Le soldat valide est resté 3 jours et a dit qu'il reviendrait chercher l'autre. Il n'est jamais revenu. Mon grand-père disait qu'il s'était fait descendre. On n'en sait rien. Ma mère s'est mise à apprendre quelques mots de français à l'Américain restant. Il était bien là, nourri, logé, chauffé et il est arrivé ce que vous imaginez, il a fini par séduire maman. Enfin, je ne sais pas qui a séduit l'autre. Il parait qu'il était très poli. Quand mon grand-père a appris que sa fille couchait avec l'Américain, il a piqué une colère noire et l'a foutu dehors. Les Allemands était tout près. L'Américain s'était réfugié dans un grenier à foin et finalement mon grand-père a envoyé ma mère le rechercher.  

Quelques jours plus tard, les Américains ont débarqué et le gars est parti. Personne ne le savait, même pas maman mais il avait laissé trois cadeaux. Son couteau, sa montre et ma mère enceinte. Vous avez compris, je suis le fils né de cette histoire. Ma mère a toujours dit que j'étais né d'une histoire d'amour mais mes grand-parents ne le voyaient pas comme ça. Le type avait laissé une adresse mais ma mère ne l'a jamais retrouvé. Le nom de la rue n'existait même pas dans la ville qu'il citait.
J'étais un bâtard … J'ai entendu ça au début de ma scolarité. Ma mère était une couche-toi-là et moi son bâtard. Je connais le nom de mon père mais ce nom est celui qu'il a donné et ce n'est peut-être pas le bon. Je n'avais de lui que son couteau, sa montre et un morceau de tissu de son pantalon déchiré pour le soigner.

Maman a fini par se marier quand j'avais 6 ans et demi. Son mari m'a aimé, soutenu et considéré comme son fils. Il est mon père et d'ailleurs, il m'a adopté dès qu'il a pu. Je pense que ma mère l'aimait mais un premier amour ne s'oublie jamais. Mon nouveau papa était du genre qu'il ne faut pas contrarier. Ca a bouclé tous les racontars. Ma mère plusieurs fois quand j'ai grandi m'a dit qu'elle était fière de moi, même si son amour pour cet Américain était une erreur de jeunesse. Je crois qu'elle était sincère. Le jour de sa mort, elle m'a dit que son mari était un homme formidable et lui avait sauvé la vie. La mienne a aussi été sauvée, je pense.

Ils sont morts tous les deux à deux ans d'écart. Je vous cèderai cette montre avec plaisir. Le couteau, je l'ai perdu quand j'avais une quinzaine d'années et le tissu a du être jeté. Je ne veux pas que mes enfants aient cette montre car elle est celle d'un homme qui a abusé de ma mère et l'a trahie. Elle est passée à deux doigts d'avoir sa vie foutue pour que ce soldat tire sa crampe. A la place de mon grand-père je l'aurait massacré ! Ma mère n'avait que 16 ans. C'était une gamine. Je sais qu'elle a beaucoup déprimé quand j'étais petit. Ca a ruiné mon enfance. "Bâtard" Qu'est-ce que j'y pouvais ! La méchanceté des gamins était aussi violente que celle de leurs parents.

Je suis reconnaissant aux Américains de nous avoir libérés mais ceux qui ont séduit des jeunes filles en leur faisant des promesses dont ils savaient qu'ils ne les tiendraient pas étaient de fieffés salopards. Ma mère était très jolies, blonde et souriante avant tout ça. Les photos la montrent joyeuse. Après, on la voit triste et le regard désemparé. Mère à 16 ans! Sa vie était fichue à cause de ma naissance. Aujourd'hui, je serais un résidu d'avortement. Je n'existerais pas. Séduire une gamine de 16 ans en lui faisant miroiter monts et merveilles, c'est comme un viol où par des promesses on pousse une fille à se donner à un escroc. La loi devrait poursuivre ça.

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Contraria contrariis curantur. (Les contraires se guérissent par les contraires).
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