Montres et aviation : La conquête des airs et des heures - Episode 4
La montre à angle horaire
Pour les pilotes militaires lors du 1er conflit mondial, l'après-guerre est synonyme d'une certaine forme d'oubli. Du statut de héros acclamé à chaque victoire, les pilotes sont plus ou moins lâchés par le public et par les armées dont les budgets sont sévèrement resserrés. L'aviation est dans un premier temps sacrifiée et l'utilité même de l'aviation est mise en cause et critiquée. Fragile, chère, pour des avions trop petits, l'aviation se voit malmenée.
Les pilotes vont malgré tout avec les fabricants d'aéronefs prendre d'énormes risques financiers et humains pour démontrer qu'ils sont porteurs d'une technologie du futur. Deux grandes puissances se distinguent dans la course à la conquête de l'espace aérien : La France et les Etats-Unis.
En 1919, Raymond Orteig, hôtelier américain d'origine française, offre 25 000 dollars à celui qui traversera l'Atlantique sans escale entre New-York et Paris. Deux Anglais, John Alcock et Arthur Witten Brown, avaient bien réussi en juin cette traversée mais entre Terre-Neuve et l'Irlande. La distance est donc beaucoup moins longue et réduit de moitié, soit 3000 kilomètres, celle qui sépare Paris de New-York.
Charles August Lindbergh âgé de 25 ans et qui a jusqu'alors gagné sa vie notamment grâce à des acrobaties aériennes puis dans l'aéropostale, réussit le 21 mai 1927 après plus de 33 heures et 30 minutes à atterrir à Paris à 22h 22. Il a couvert une distance de 6270 kilomètres à une vitesse moyenne de 187 kilomètres/heure.
Lindbergh est accueilli en héros, il vient de donner à l'aviation un élan extraordinaire et populaire.
Un journaliste lui demande s'il est satisfait de sa montre bracelet et sa réponse est claire " Pas du tout !". On ignore précisément quelle modèle portait Lindbergh. On sait juste que c'était une montre issue d'une manufacture américaine mais aucune photo n'en fournit la moindre preuve. Pourtant, les pilotes à l'époque portaient souvent une seule et même marque de montres qui s'est davantage illustrée dans les montres de Chemins de fer même si elle a construit ensuite sa réputation sur l'aviation.
De retour chez lui, à Saint-Louis, Lindbergh dessine une montre bracelet qui répondrait bien mieux aux besoins des pilotes de longs courriers que les modèles qui circulent, il imagine alors la montre à Angle-Horaire. Cette montre indique non seulement le temps en heures, minutes et secondes mais elle sert aussi à calculer rapidement la Longitude. Elle libère le pilote du besoin d'un crayon et d'un papier et d'instruments qui imposent de lâcher le manche à balai.
En 1930, au nouvel an qui fait passer l'année à 1931, Lindbergh, devenu colonel, passe sous enveloppe son dessin à John P.V. Heinmüller président de l'International Federation of Aviation (IFA) à New-York. Ce dernier n'est autre que le Directeur de Longines Wittnauer Watch C° pour l'Amérique du Nord. Passionné de pilotage, il regarde, sans vraiment s'y intéresser, le dessin de Lindbergh. Il est en partance pour l'Europe et se rend à Saint-Imier. Sans doute pendant son voyage a-t-il réfléchi à l'intérêt commercial d'une montre à laquelle il pourrait associer le nom de Lindberg. En Suisse, il fait examiner les dessins remis par l'aviateur. Il est convaincu de porter là le projet qui fera de Longines la marque leader des montres d'aviation. L'histoire va lui donner raison d'autant que Longines va s'associer à de très nombreuses opérations d'exploration où l'aviation joue un rôle majeur.
La version originale est aussi grosse qu'une montre de poche et mesure 47,5 mm de diamètre. Elle sera la première vraie montre d'aviateur et pas seulement une montre bracelet faite pour un aviateur mais sans valeur horlogère ajoutée. Cette Longines dite Lindbergh marque un tournant autant dans la production horlogère pour les pilotes que dans l'évolution de la montre mécanique associée à des fonctionnalités hors mouvement.
A suivre