Ah la tradition ! Quelle histoire !

On va l'appeler Gislaine, cette dame âgée est la "patronne" d'une bijouterie horlogerie, depuis que son défunt mari est décédé subitement il y a une quinzaine d'années. Gislaine est âgée mais ne lui demandez pas son âge car vous vous feriez sortir de la boutique à coups de pieds. Gislaine a une vendeuse, une brune de 30/35 ans qui sourit facilement est laisse apparaitre une dentition qui a ignoré l'orthodontie. Elle ne serait pas laide du tout mais la coiffure avec un chignon, les sourcils en bataille et les poils sous les aisselles perceptibles en été quand la patronne autorise de ne pas porter la blouse laissent imaginer un système pileux surdéveloppé à réserver à un mâle quasiment déviant.

Comme elle est gentille cette vendeuse ! Avenante et toujours aimable, on se prend à oublier ses poils et l'on est à deux doigts de l'apprécier. Le parquet de la boutique est en chêne mais s'il a été vernis ou vitrifié comme en témoignent les traces à proximité des meubles, le reste de la surface régulièrement lavé à l'eau et aux solvants a coloré le bois d'un marron maté de gris. Chaque pas fait craquer les lattes et la vitrine interne est à l'ancienne pour séparer le client de la vendeuse. Chez Gislaine, on reste debout et si la vendeuse se déplace à coté de vous, c'est pour ouvrir une vitrine murale, une de celles où se mélangent les coucous  de la forêt noire, les assiettes de baptême et les gourmettes en argent. Liliane, c'est le prénom de la vendeuse a le corps chaud, on sent la chaleur d'un radiateur à moins de 30 centimètres et elle n'hésite pas à vous toucher les mains ce qui en temps de Covid crée un lien particulier.

Quand Liliane vous passe une montre au poignet, c'est elle qui boucle le bracelet et vous tripote le poignet et la paume de la main. Ca évite que vous ne tiriez trop et marquiez le cuir ou fassiez tomber la montre. Liliane s'enquiert toujours de savoir si c'est assez ou trop serré et une fois que vous avez validé la mise en place, elle vous touche le dessus de la main ce qui chez les singes est une marque de soumission mais chez elle, une validation pour bouger au delà du périmètre du plateau.

A peine la montre au poignet et Gislaine s'extasie déjà sur le couple parfait que vous formez avec cette montre. Liliane prend du champ pour laisser une sorte de vide sanitaire autour de vous. Vous, vous voudriez retirer la montre car vous ne l'appréciez pas et l'avez essayée pour ne pas être désagréable mais ce modèle Diesel n'est pas pour vous. Non, vous étiez rentré pour voir s'il n'y aurait pas dans un tiroir un vieux modèle, une vintage invendue et d'époque. Gislaine dit qu'elle en a encore et vous passez de temps en temps pour savoir si elle progresse dans l'idée de les vendre.  Liliane s'active déjà sur votre poignet pour retirer la montre pendant que Gislaine qui a bien 75 ans vous explique que "papa vendait des Longines et des Omega". Liliane vous fait un clin d'œil, vous salivez. Elle le prend pour elle et vous sort un vieux catalogue des années 1980 car elle vous sait collectionneur. C'est un catalogue de montres à quartz d'une marque inconnue. Liliane n'y connait rien et est certaine de vous faire plaisir. Gislaine a un petit sourire en coin et remarque cette complicité avec sa vendeuse. Vous repartez en tenant précieusement ce catalogue que vous mettrez dans la première poubelle quand vous serez hors de vue.

Dans la vitrine du marchand de lunettes Afflelou, il y a cette grosse monture noire pour dame, c'est le modèle choisi par Liliane. La vendeuse de l'opticien la porte. On l'aperçoit depuis la vitrine. Elle est blonde avec le sourcil fin et cette robe à dos demi nu. Ca lui va si bien. Quel dommage de ne pas collectionner les lunettes.