19 novembre 1907. Archimède Baeckert reçoit en cadeau de sa grand-mère, une montre pour ses 20 ans. Il n'en posséde pas encore et sa grand-mère lui a choisi un modèle guilloché en argent de 875 millièmes gravé à ses initiales. Le choix s'est fait chez l'horloger qui a recommandé une ZENITH avec ce titrage de l'argent plus résistant à l'usure que le 925 millièmes. La montre a été choisie en version plate pour ne pas abimer la poche.
1er décembre 2007. Je fais l'acquisition d'une savonnette en argent ZENITH de 875 millièmes. Le couvercle est monogrammé AB. Le guillochage de la boite est neuf et le mouvement en parfait état. Il semble n'avoir jamais été démonté. Le boitier ferme parfaitement et la couronne ne présente aucune trace d'usure. la montre est précise et son calibre de grande qualité avec sa croix de malte. La carrure n'a qu'un petit plat sans autre conséquences. Les poinçons exclusivement Suisses font parler l'objet qui n'a pas été commercialisé à l'extérieur du territoire Helvétique et qui s'il l'a été en dehors n'a pas été recensé. L'état des charnières et de la couronne démontrent une faible utilisation et le numéro de la boite et du mouvement fixent la production à mai 1907. Le verre est d'origine et les aiguilles aussi même si l'une d'elle n'a pas vieilli de la même façon que l'autre. Le cadran est parfait et la pièce mérite attention.
Les initiales me font regretter de ne pas m'appeler Antoine Berthout mais c'est l'histoire d'un autre, alors oublions ce regret.
Pourquoi Archimède a-t-il si peu porté sa montre ? Quelle fut sa vie ? Quand est-il mort car il l'est forcément ? Pourquoi ses descendants s'il en avait, n'ont pas conservé cette pièce ? J'ai forcément la photo des horlogers et des ouvriers qui ont travaillé sur cette montre en 1907.
Ils sont là, à l'atelier de mécanique ...
A l'atelier de fabrication des boites...
Ou encore à celui du polissage des boites...
Et celui qui fondait l'argent est forcément le fondeur de ma photographie.
Archimède a vécu en même temps qu'eux, il a comme eux vécu les restrictions de la guerre, cette guerre qui a grondé 7 ans plus tard aux portes du Locle enclavé entre la France et l'Allemagne. Il faisait bon vivre en 1907. Chez ZENITH qui s'appelait la manufacture des montres Georges Favre Jacot, on tentait d'importer les techniques de travail des Etats-Unis auprès des personnels qui se méfiaient de la mécanisation galopante qui gagnait l'horlogerie. La rationnalisation des tâches était crainte car on pensait qu'elle allait aboutir à des suppressions d'emplois quand la machine serait capable de suppléer les hommes. On travaillait du lundi matin au samedi soir auson de la sirène qui rythmait la vie.
Archimède, ne connaissait sans doute pas le son de la sirène car les montres en argent étaient réservées à des couches sociales plus privilégiées. Il eut certainement une carrière dans les banques car près de Zurich, là où il vécut c'est la vie des affaires qui générait des emplois.
Il ne lui a pas fallu dix ans après 1907 pour s'offrir une montre bracelet. Il s'en faisait déjà de très belles en 1917 quand dans les tranchées les poilus n'avaient plus que cet unique lien de chaleur qui les rattachait à la vie, au cadeau qu'on leur avait fait avant de partir pour mieux égrainer la fuite du temps qui les emmenait vers l'enfers.
Un siècle aprés, je ne puis m'empécher de penser à Archimède, aux ouvriers, aux horlogers qui ont fait cette montre tout juste 100 ans avant qu'elle ne s'offre à moi. J'ignore si en 2107 quelqu'un regardera cette montre avec le même oeil mais je sais qu'elle n'a déjà plus rien de banal ni pour vous, ni pour moi.