ZEN Rang: Administrateur
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| Sujet: Actu: Il faut avoir l'humilité de ne pas tout fabriquer Sam 1 Déc 2007 - 22:31 | |
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- «Il faut avoir la sagesse et l'humilité de ne pas tout vouloir fabriquer»
Jean-Christophe Babin, patron de l'horloger TAG Heuer. Bastien Buss Samedi 1 décembre 2007 Le Temps: Comment se porte TAG Heuer, marque horlogère qui appartient au groupe de luxe LVMH?
Jean-Christophe Babin: Dans le contexte que connaît l'horlogerie, il paraît presque anodin de dire que la marche de nos affaires nous satisfait plutôt. Au-delà de ce lieu commun, il convient d'y regarder de plus près. L'horlogerie se subdivise en trois catégories. Le très haut de gamme, dont le prix d'entrée se situe à 9000 francs, affiche des taux de croissance de 20%. C'est un peu l'arbre qui cache la forêt.
- C'est-à-dire?
- Dans la gamme de prix dite de prestige, à savoir entre grosso modo 1000 et 6000 francs, secteur dans lequel TAG Heuer évolue, les taux de croissance s'inscrivent plutôt à 5 ou 6%. Heureusement, nous surperformons notre segment avec des progressions trois à quatre fois supérieures depuis 2003. Il ne faut pas non plus oublier l'entrée de gamme, où ce n'est pas forcément l'euphorie qui règne, puisqu'il oscille entre -5% et +5% selon les années.
- On estime votre chiffre d'affaires entre 850 et 900 millions? Est-ce réaliste?
- Tout à fait. Mais ce qui compte avant tout, c'est le prix que le client est d'accord de débourser pour s'offrir le rêve TAG Heuer. Nous visons les gens qui s'octroient ce cadeau avec leur propre salaire et non pas des personnes qui vivent de leurs rentes ou affichent au compteur une fortune en millions. Raison pour laquelle nous aurons toujours des prix d'entrée aux alentours de 1000 francs.
- Et le nombre de pièces que vous écoulez par année?
- C'est dans le même ordre de grandeur que Rolex ou Omega. Donc entre 700000 et 800000 pièces par année. TAG Heuer détient environ 11% des parts du marché. Ce qui veut dire qu'une montre de luxe vendue sur neuf dans le monde vient de chez nous. Nous avons un mix produit très équilibré, avec 50% de quartz et 50% de mécanique. Nous ne faisons pas partie de ceux qui considèrent que le quartz est moins prestigieux que le mécanique. Chaque client a une attente différente. Nous nous devons donc de proposer une palette très large de produits. Rappelez-vous, qu'en soi, un bon mouvement mécanique se trouve à 50 francs sur le marché. De quoi relativiser la prééminence que certains lui prêtent. Cette distinction entre le quartz et le mécanique est surfaite.
- Avec la Grand Carrera, que vous venez de lancer sur différents marchés, vous disposez maintenant d'un produit à 6000 francs. Est-ce à dire que vous montez en gamme?
- Oui, mais tout en restant fidèles à nos principes, comme je viens de l'exposer. Nous sommes avant tout une marque positionnée entre 1000 et 6000 francs, qui s'adosse à quelques niches particulières. D'ailleurs le prix moyen de nos produits n'augmente que très progressivement. Il se situe aujourd'hui entre 3200 et 3300 francs.
- Il y a cinq ans, TAG Heuer a exploré l'univers de la lunetterie. Où en êtes-vous dans cette diversification?
- Sans aucune prétention, nous pouvons dire que le succès rencontré par nos lunettes nous surprend nous-mêmes. Nous écoulons ces produits dans 4000 points de vente à travers la planète. Nous avons donc doublé notre visibilité pour le nom TAG Heuer. Je pense que le client attendait ce mélange de technologie et de design, que les autres marques de lunettes ne proposaient pas. D'emblée, nous nous sommes positionnés dans le haut de gamme. Ce pôle représente après cinq ans seulement près de 10% de notre chiffre d'affaires. Et ce n'est qu'un début.
- D'autres projets de diversification?
- Pourquoi pas, si cela correspond à notre axiome design et technologie. Mais il faut que nous puissions vraiment apporter de la valeur ajoutée.
- Un téléphone portable par exemple?
- Tout à fait. Nous venons de signer un contrat avec la société ModeLabs Group. Il s'agit d'un accord international de licence exclusive portant sur la conception, la fabrication et la distribution de téléphones mobiles TAG Heuer. Le lancement commercial du premier téléphone mobile de notre marque est prévu pour le second semestre 2008. Notre objectif est de vendre entre 5000 et 15000 appareils la première année et 50000 à 100000 par an à moyen terme. A plus de 4500 francs pièce, cela représente un énorme apport de chiffre d'affaire.
- Combien de collaborateurs compte TAG Heuer?
- Au total, environ 500 personnes en Suisse. La Chaux-de-Fonds en possède la majorité avec 350 collaborateurs. Dans notre filiale Cortech à Cornol (JU), ce sont 180 employés qui fabriquent des boîtiers, des fonds et des poussoirs pour nos montres, mais pas seulement, puisque nous livrons aussi à d'autres horlogers comme Zenith ou Fred. Au début de 2008, nous allons fortement augmenter nos forces à Sion, site où est assemblé notre calibre S. Les effectifs passeront dans la cité sédunoise de 30 à 40 personnes.
- Pourquoi Sion?
- Le Valais constitue un excellent vivier de compétences, notamment en microtechnique. Il est encore possible de trouver de la main-d'œuvre dans ce canton, alors que, dans l'Arc jurassien, comme on le sait, la situation ne s'est pas détendue. Loin de là. Preuve en est que nous avons à ce jour environ 70 postes encore ouverts.
- Vous disposez de votre propre réseau de boutiques mais pas partout. Pourquoi?
- Pour nous, il s'agit plus d'un instrument que d'une finalité. Notre cœur de métier reste l'horlogerie. Dans certains pays, nous sommes contraints de nous substituer à un réseau déficient de détaillants. Comme c'était le cas il y a dix ans en Thaïlande, où nous avons ouvert quatre boutiques. Nous visons une approche pragmatique. Nous pouvons très bien nous retirer lorsque le réseau devient à nouveau professionnel. Il faut voir cela comme un remplacement temporaire. Cela dit, d'ici à la fin de l'année, nous posséderons 55 boutiques en propre dans le monde, essentiellement à l'est de la ligne Moscou-Dubaï-Le Cap. A la fin de l'année prochaine, ce chiffre devrait être porté à 77.
- Vous rêvez-vous en manufacture, c'est-à-dire en une structure qui maîtrise la majorité de la production à l'interne?
- Pas du tout. Je ne suis pas un apôtre de l'intégration à tout prix. Il faut avoir la sagesse et l'humilité de ne pas tout vouloir fabriquer. Si des fournisseurs le font mieux que nous, alors pourquoi vouloir à tout prix le concevoir à l'interne? Cela rejoint l'aberration. Nous préférons nous concentrer sur nos vraies compétences. Par exemple avec le calibre 360, premier chronographe mécanique permettant de mesurer le centième de seconde, qui «tourne» à 360000 alternances par heure contre 28800 pour les calibres traditionnels. Notre créneau demeure le design et la belle technologie, inspirés fortement par le sport en général, et l'automobile en particulier. Nul besoin pour cela de nous muer à 100% en manufacture. Quoi qu'il en soit, nous allons continuer à innover. C'est ce que nous faisons notamment avec le développement de notre mouvement «V4» et ses systèmes de transmission par courroie ainsi que ses quatre barillets en «V». Il pourrait venir sur le marché en 2009 si tout se déroule selon notre planning.
- Swatch (UHR.VX) Group va réduire dès le 1erjanvier 2008 sa livraison d'ébauches de mouvement. Quel impact pour vous?
- Absolument aucun. Nous ne sommes pas acheteur d'ébauches. Nous nous approvisionnons uniquement en mouvements terminés. TAG Heuer est même probablement le premier client d'ETA pour les mouvements terminés. Cette excellente collaboration va se poursuivre. C'est dans l'intérêt des deux sociétés. Nous leur permettons d'amortir une partie de leurs frais fixes et contribuons de manière raisonnable à leurs bénéfices (rires).
«Le «Swiss made» ne doit pas être un frein à l'innovation» La Suisse n'a pas le monopole de la matière grise, selon Jean-Christophe Babin. Bastien Buss Le Temps: Le Conseil fédéral vient de repousser l'examen de la refonte du «Swiss made». Qu'en pensez-vous?
Jean-Christophe Babin: C'est dommage, même si la décision du Conseil fédéral permettra sans doute de retravailler un projet plus cohérent, qui prendra mieux en compte les grands défis de l'horlogerie helvétique face à la globalisation. Dans les grandes lignes, nous sommes solidaires à 100% pour ce durcissement. Son principal avantage consiste à redonner plus d'intégrité à notre profession. Les abus n'ont été que trop nombreux. Il faut protéger notre savoir-faire et notre tradition. Cela ne souffre aucune discussion. Mais le texte laissait encore trop de place à des zones grises et tombait dans le travers de la rigidité. Rappelez-vous que dans les années 70 la crise est venue de l'innovation du quartz.
- Quel rapport? Qu'entendez-vous par là?
- Je veux dire par là que le texte aurait pu être un frein à l'innovation et à la créativité. Prenons l'exemple du V4 dont nous avons déjà parlé et sur lequel nous travaillons depuis 2004. L'élément le plus cher de cette montre est la courroie. C'est en France que nous avons trouvé la qualité de courroie dont nous avions besoin. Au final, peut-être que 75% de la montre sera véritablement «Swiss made». Pour les 5% manquants, cela veut-il dire qu'elle n'a pas été dessinée, développée, conçue et industrialisée en Suisse, avec des fonds suisses et de la matière grise suisse? Evidemment que non. Mais avec la mouture revisitée qui exigeait que 80% des composants des montres mécaniques soient d'origine helvétique, notre modèle aurait pu ne pas respecter la nouvelle définition. Je n'en fais pas une histoire propre à TAG Heuer, mais ce danger menaçait sérieusement l'innovation.
- C'était donc une sorte de stratégie du hérisson, contre-productive et fermée sur elle-même?
- Oui. Je vous livre un autre exemple: si une avancée majeure pour notre industrie devait être inventée à l'étranger, devons-nous y renoncer sous prétexte qu'elle ne colle pas avec le «Swiss made»? La Suisse n'a pas le monopole de la matière grise et de l'inventivité. Nous nous mouvons dans un monde globalisé, agissons globalement.
- Que prônez-vous alors?
- Une exigence à 60% et pour le mécanique et pour le quartz me semblait suffisamment contraignante. Ou alors pourquoi ne pas créer une sorte de zone frontalière qui engloberait la France et l'Allemagne voisines. A ce jour, encore un florilège de sociétés helvétiques s'approvisionne dans des entreprises qui ont comme seule tare de se trouver du mauvais côté de la frontière. Pourtant, c'est le même savoir-faire, la même tradition, la même qualité. Ce concept permettrait par ailleurs de faire passer plus facilement la pilule auprès de l'Union européenne. C'est tout ce que je souhaite à notre magnifique industrie!
Un mobilisateur Bastien Buss «Lorsque LVMH m'a demandé de prendre la tête de TAG Heuer, je n'ai pas hésité une seule seconde, tant la marque me fascinait déjà.» Jean-Christophe Babin a donc pris la direction de La Chaux-de-Fonds en novembre 2000. Un univers nouveau s'est ainsi ouvert à lui. Auparavant, il a travaillé durant de nombreuses années pour Procter & Gamble, Henkel et Boston Consulting Group.
Sous l'impulsion de Jean-Christophe Babin, 48 ans, TAG Heuer a pris une nouvelle dimension. En 2004, la société a d'ailleurs reçu le Prix de l'entreprise suisse la plus innovante. Une reconnaissance attribuée par A.T. Kearney Global Consulting Company.
C'est aussi lui qui a réussi à convaincre de grands noms de devenir ambassadeurs de la marque, comme Brad Pitt, Uma Thurmann, le golfeur Tiger Woods, la joueuse de tennis Maria Sharapova ou encore les pilotes Kimi Räikkönen et Juan Pablo Montoya. http://www.letemps.ch/template/economie.asp?page=9&article=220563 _________________ Contraria contrariis curantur. (Les contraires se guérissent par les contraires).
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toureiffel Membre très actif
Nombre de messages : 233 Date d'inscription : 21/11/2007
| Sujet: Re: Actu: Il faut avoir l'humilité de ne pas tout fabriquer Dim 2 Déc 2007 - 14:14 | |
| Trés interssant ton article. Merci de l'avoir mis en ligne. Je pense aussi qu'il ne faut pas se cantoner au swiss made comme étant une qualité en soit, et se priver d'évolution pertinante si elle est découverte hors de la suisse. Ce qui compte c'est la qualité totale du produit, et les conditions éthiques de réalisation de celui-ci. |
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