ZEN Rang: Administrateur
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| Sujet: Actu : L'importance d'être Constant Ven 12 Sep 2008 - 7:46 | |
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- L'importance d'être Constant
Un inventeur de la maison Girard-Perregaux a mis au point un nouvel échappement d'une grande précision. Son architecture, radicalement différente des échappements à ancre, évoque un papillon multicolore ou un test de Rorschach. Digression autour d'un objet minusculement beau.
Isabelle Cerboneschi Mercredi 3 septembre 2008
Je suis tombée amoureuse d'un échappement. Mais pas d'un ordinaire, avec son ancre qui scande le temps avec une régularité de métronome; qui puise son énergie d'un petit ressort courageux tout enroulé sur lui-même; qui se serre et se détend jusqu'à ce que la force vienne à lui manquer. Non, il est d'une autre nature, beau comme un papillon, qui déploierait ses ailes de silicium irisé. Au lieu des saccades, tic-tac, cet échappement se meut en vagues et en torsions, flip-flop. Il s'appelle Constant, en hommage à Constant Girard-Perregaux. Un prénom un peu désuet pour un pur produit du XXIe siècle...
Sa force, il la tient d'un ressort composé d'un cadre et d'une lame de silicium, plus fine qu'un cheveu (20 micromètres), aux couleurs irisées et changeantes. L'ensemble est d'une beauté!
«Il y a dix ans, un tel développement aurait été impossible: il y a eu entre-temps de telles évolutions technologiques en matière de fabrication de matériaux d'avant-garde, de traitement de surface!» confiait Luigi Macaluso, le président de Girard-Perregaux, lors du dernier Salon international de la haute horlogerie (SIHH) à Genève. En effet, les éléments constitutifs du ressort (cadre et lames) ont été fabriqués d'un seul tenant grâce à la technologie de gravage profond du silicium «Deep Reactive Ion Etching» (DRIE). La manufacture a également eu recours à l'électroformage, qui permet de créer de microcomposants de haute qualité et de formes très précises, microcouche par microcouche, comme si la matière «poussait».
Luigi Macaluso aime raconter la genèse du projet: «Ce fut un coup de génie d'un collaborateur. Il m'a dit qu'il avait eu une idée lors d'un voyage en train. Il jouait sans arrêt avec son ticket en le comprimant entre deux doigts, comme ceci, puis, en appuyant sur la courbe obtenue avec son index, il le recourbait dans l'autre sens. Soudain, il s'est dit que, sur ce principe, il devrait arriver à faire quelque chose de plus constant qu'un échappement à ancre. Je pense que la meilleure façon d'aborder l'horlogerie aujourd'hui est d'avoir des rêves, et de chercher à les réaliser. Je lui ai donc dit de poursuivre ses recherches. Cinq ans après, c'est fait.»
Ce genre d'invention ne laisse jamais indifférent et l'on découvre sur un forum internet horloger l'existence d'un brevet antérieur très semblable que l'inventeur Nicolas Dehon avait déposé en 1998 lorsqu'il travaillait chez Rolex. Troublant. Est-ce un brevet Rolex ou Girard-Perregaux? Et l'histoire du ticket de train est-elle réelle ou a-t-elle été inventée par l'équipe marketing, comme le supputent les internautes?
«Il est vrai que, derrière cette invention, il y a l'intuition d'un ingénieur horloger qui, avant de rejoindre Girard-Perregaux, avait travaillé chez Rolex. Mais cette société a abandonné le projet et son brevet d'invention, déposé en 1998, explique-t-on à la manufacture. Ce que Girard-Perregaux a revendiqué, dans sa demande de brevet, ce sont les améliorations des principes esquissés. Ce sont ces améliorations - obtenues grâce à de nombreuses années de recherches menées par notre département Recherche & Développement et grâce à d'importants investissements - qui ont permis de concevoir l'échappement Constant tel que présenté en 2008, fonctionnant sous sa forme de prototype. Ce sont ces travaux qui font l'objet d'un brevet d'invention déposé par Girard-Perregaux SA.»
Rencontré lors du SIHH, l'inventeur Nicolas Dehon nous avait raconté, avec une belle constance, que, à l'origine de l'invention de l'échappement Constant, il y avait bien un ticket de train, auquel il faisait subir inlassablement des torsions jusqu'à ce que soudain une idée jaillisse. On l'a cru volontiers: d'où naissent les bonnes idées sinon de petits accidents du quotidien, qui ont souvent l'air absurdes?
Lorsqu'il explique son système, tout paraît si simple: «Le ticket de train a deux états stables. Entre ces deux états, on apporte de l'énergie au système, et il le redistribue.» L'effet de torsion subi par le ticket de train, dans le langage horloger, s'appelle «contraindre en flambage». Or donc, en la compressant, on contraint en flambage la minuscule lame qui joue le rôle de micro-accumulateur d'énergie par déformation élastique. Nous voici dans une première position stable. Puis, on la déforme dans une deuxième position métastable. En passant d'un premier état à un second, il y a une libération d'énergie qui entretient les amplitudes de l'oscillateur balancier-spiral à un niveau constant. Ce système améliore la variation d'amplitude par rapport au système ancre et roue d'ancre. «En position verticale, l'oscillateur oscille toujours à la même amplitude. Les rouages fonctionnent de manière plus douce.» Et c'est alors que je compris la raison de mon coup de cœur pour cet échappement: sa douceur... http://www.letemps.ch/template/supplement.asp?page=19&article=238915 _________________ Contraria contrariis curantur. (Les contraires se guérissent par les contraires).
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