Martine a été licenciée

Martine, on va l'appeler Martine, Martine est horlogère dans la vallée de Joux, enfin on ne sait plus si on doit dire est ou était. Martine donc, avait passé un bon week-end avec un peu de raquette dans la neige et du ski, oui, beaucoup de ski.

Lundi Martine a accompagné ses enfants à l'école et puis elle a pris la route enneigée pour aller prendre son poste de travail. Heureuse, Martine avait préparé dimanche un cake aux fruits confits pour ses collègues, un de ces cakes dont la recette lui vient de sa mère encore horlogère dans une grande maison.

Martine a emballé son cake dans un papier d'alu et ce devait être les 5 filles de l'atelier qui auraient partagé ce gâteau. En arrivant dans la manufacture, Martine a vu son nom sur un paper board au milieu de ceux d'une douzaine d'autres filles. Sont invitées à passer directement au bureau de monsieur Huntz celles dont les noms suivent ...

Martine est allée poser son gâteau au vestiaire et puis avec son manteau et ses bottes est allée frapper chez monsieur Huntz. Il y avait 6 autres filles qui attendaient. Martine a été appelée par la secrétaire de monsieur Huntz. Il ne l'a pas faite asseoir et lui a dit simplement et calmement que l'entreprise devait faire des économies de gestion, qu'elle toucherait six mois de salaire et 7 douzième de la prime de vacances et un bonus de 1000 chf.

Martine a demandé pourquoi mais monsieur Huntz a expliqué qu'il n'avait pas le temps et qu'elle ne pouvait repasser dans son atelier pour dire au revoir aux autres. Monsieur Huntz a expliqué aussi à Martine qu'elle allait être raccompagnée à l'extérieur par un vigile pour des raisons de sécurité.

Martine n'a pas dit un mot, elle a serré les dents et en arrivant à la porte a demandé à récupérer la photo de sa fille sur son établi et la montre de poche de son père. Le vigile lui a dit que ses collègues lui feraient parvenir. Martine a dit qu'elle avait laissé un gâteau dans les vestiaires et le vigile a dit que c'était interdit d'apporter de la nourriture dans les ateliers et qu'il jetterait le gâteau.

Les 12 filles se sont retrouvées sur le trottoir à 9h15. Toutes raccompagnées et toutes en larmes. Valérie qui a son mari au chômage, Lucie qui élève seule son enfant, Marie qui vit seule et aide sa mère invalide ... Martine leur a souhaité bon courage et puis elle est rentrée à la maison. Elle a appelé son mari qui travaille comme livreur avec son diplôme d'informaticien.

Il avait fermé son portable , alors Martine a essayé d'appeler son père mais il ne répondait pas et sa copine Isabelle non plus. Martine s'est écroulée dans le canapé et elle a pleuré pendant 2 heures, seule. Martine n'a que 35 ans, ses copines ont entre 58 et 62 ans alors Martine se dit qu'elle n'est pas la plus malheureuse. De leur coté Valérie, Lucie et Marie se trouvent elles aussi moins malheureuses que Martine comme si le malheur plus grand des autres, réduisait le sien propre.

Martine qui faisait des montres de luxe a encore sur la table de son salon la publicité du dernier modèle de la collection. Personne dans ceux qui ont cette montre au poignet ne pense qu'elle vaut à elle seule 6 fois les 6 mois de salaires qu'il reste à percevoir par Martine.

Combien de Martine depuis 1 ans nous sont cachées ? L'industrie le sait, pas nous, mais ce soir, je voulais juste faire un clin d'œil à Martine.

Pareil...

Et à tous ceux, tous métiers confondus, qui ont subi ce même sort, depuis très longtemps...


Une entreprise perd un salarié, elle pioche ailleurs...
Un salarié perd son emploi, c'est sa famille qui morfle...


Une cloche sonne, sonne...

Les employés sont malheureusement, pour de sombres comptables, une simple variable d'ajustement, je ne sais pas si c'est dégueulasse mais c'est ainsi!
Vous êtes aujourd'hui et demain vous n'êtes plus rien!

là manière n'est pas trés respectueuse non plus..... (le vigile, pas de retour a l'établi....etc )

Certains l'ont été par téléphone, il y a peu..........

jackyaudio a écrit:

là manière n'est pas trés respectueuse non plus..... (le vigile, pas de retour a l'établi....etc )

Du respect, quel respect? ... l'entreprise paternaliste c'est du passé!
Tu travailles et l'entreprise te verse un salaire en compensation, ... pas de sentiments là dedans! Inutile de s'attacher à une entreprise qui te vire comme un malpropre du jour au lendemain.

Fokker III a écrit:

Certains l'ont été par téléphone, il y a peu..........

bientôt, le divorce et le licenciement par SMS, ou sur facebook tiens.

Con-sidérons les humains, ça coute pas plus cher.

Zen bonsoir. L'histoire de martine, on la trouve malheureusement dans plein de secteurs, allant entre autres des sociétes de services informatiques, aux équipementiers automobiles en passant par la distribution spécialisée. Ce qui est particulièrement choquant pour moi, c'est que peu de marchés peuvent se préavaloir d'avoir connu autant d'années ininterrompues de croissance avec des produits souvent intemporelles pour les marques de luxe qui prenaient chaque année des augmentations très significatives à 2 chiffres par an. Il est étonnant que les actionnaires de ces grandes marques qui se sont bien engraissé pendant ces longues années (ce n'est pas une critique, elles auraient eu tort de ne pas le faire, vu que la demande était en face), n'utilisent pas cette graisse si longtemps accumulée pour courber l'échine et tenir patiemment le coup, sachant que la crise doit ête vue aussi pour ce qu'elle aura de bon in fine, à savoir corriger les excès en retrouvant un équilibre entre l'offre (moins bling bling, retours aux fondamentaux, au contrat de base) et une demande (payer non pas le juste prix, mais le prix lié à une histoire, à une qualité de fabrication et à la prime qu'on est prêt à mettre pour s'offrir un peu de l'image de nos marques préférées). Au delà de ses clients, de son image construite patiemment, la valeur d'une entreprise tient aussi dans ses hommes et femmes. Il est triste que cet équilibrage se fasse sur leur dos. Espérons au moins que Martine ait pu profiter des années d'excès avec de belles primes, j'en doute cependant fortement.

Topic qui remue, assurément! Ayant eu une année professionnelle tumultueuse, je peux vous garantir qu'une vie sans travail ne rime pas à grand chose...

L'économie de marché, ce serait mieux si on pouvait faire l'économie du marché...

J'ai envie de vomir.

ce n'est pas parce que l'on doit virer des gens......que l'on ne peut pas les laisser aller rechercher la photo de sa fille ni la montre de son pére !
désolé Plainpalais, mais il y a d'autres manières....!!!
je parlais de respect et pas de sentiments..!

Bienvenue dans un monde de progrès.............

Sinon, les demandeurs d'indemnités qui stagnent au chômage, vous en pensez quoi ?

jackyaudio a écrit:

là manière n'est pas trés respectueuse non plus..... (le vigile, pas de retour a l'établi....etc )

Classique de nos jours.
Le mot "respect" a disparu du vocabulaire de l'entreprise.

L'ai pas vu utilisé depuis bien longtemps............
Sauf vis-à-vis de l'outillage.............

Joli texte à mettre en parallèle avec le livre de Florence Aubenas qui sort ces jours-ci.

plainpalais a écrit:

jackyaudio a écrit:

là manière n'est pas trés respectueuse non plus..... (le vigile, pas de retour a l'établi....etc )

Du respect, quel respect? ... l'entreprise paternaliste c'est du passé!
Tu travailles et l'entreprise te verse un salaire en compensation, ... pas de sentiments là dedans! Inutile de s'attacher à une entreprise qui te vire comme un malpropre du jour au lendemain.

Je plussoie, et pas que dans l'horlogerie...

Galaktose a écrit:

plainpalais a écrit:

jackyaudio a écrit:

là manière n'est pas trés respectueuse non plus..... (le vigile, pas de retour a l'établi....etc )

Du respect, quel respect? ... l'entreprise paternaliste c'est du passé!
Tu travailles et l'entreprise te verse un salaire en compensation, ... pas de sentiments là dedans! Inutile de s'attacher à une entreprise qui te vire comme un malpropre du jour au lendemain.

Je plussoie, et pas que dans l'horlogerie...

Tout à fait.
Parfois il arrive qu'on constate son licenciement lorsqu'on n'arrive plus à ouvrir une session sur son ordinateur.
Car bien entendu, c'est plus facile de licencier sans communiquer verbalement avec le salarié.

The Dude a écrit:

Topic qui remue, assurément! Ayant eu une année professionnelle tumultueuse, je peux vous garantir qu'une vie sans travail ne rime pas à grand chose...

respect olivier et bon courage ... ainsi qu'à toutes les martine

Le marché du travail

Constat: elle est révolue l'époque ou l'on ne rentre dans une entreprise que pour y sortir pour prendre sa retraite. Il y a pile poile 2 ans, au meilleur des années de vaches grasses, combien de jeunes de moins de 40 ans ne se voyaient pas forcément rester chez le même employeur plus de 5 ans? Une augmentation de salaire ou d'avantages contractuels était une raison suffisante pour changer d'emploi.

Paradoxalement, en dépit de cette révolution dans le monde du travail et de la fin du paternalisme patronale, on continue à considérer que la responsabilité dudit patron est de garantir un travail pérenne à ses employés. Dans les pays avec une tradition de gauche comme la France ou l'Italie, les syndicats sont là pour rappeler au patron ce qui est attendu de lui de la part des employés. Le fait est que son travail consiste uniquement à maintenir et faire croître la rentabilité d'une entreprise; et à en rendre compte aux actionnaires. Les employés ne sont (hélas) qu'un outil pour atteindre ces objectifs.

En plus, la Suisse est un cas particulier. Tout d'abord c'est un pays avec une tradition de droite. À titre d'exemple, le dernier canton à laisser voter les femmes y a été contraint en 1990. Dix ans avant le début du XXI siècle! Autre exemple: une quasi-absense de subventions pour la crèche en Helvétie oblige les femmes à travailler à mi-temps ou à rester à la maison.

Mon opinion

Les cas comme celui de Martine sont rendus possibles par cette impunité "façon États-Unis" du patron suisse. De grosses erreurs d'appréciasion ont amené moultes dirigeants à sur-dimentionner leur personnel en pensant que ces années de vaches grasses allaient s'éterniser.

Ce cynique re-dimentionnement post-geule de bois n'épargne personne, qu'il s'agisse des patrons ou de leurs employés. Le véritable responsable reste l'actionnaire, doublement coupable: la première fois en ayant incité le patron à la croissance à tout prix; la deuxième fois en ne regardant que la rentabilité de son investissement sur le court terme, au mépris du facteur humain.

Martine a perdu son poste, certes, mais d'un autre coté l'employeur a balancé à la fenêtre du personnel expérimenté et des années de formation. Je ne sais pas qui y pert plus dans l'histoire.

Et faut il évoquer Philips (je crois que c'est eux ?) qui proposent aux employés licenciés une mutation en Hongrie pour 350 € avec, comble de cynisme !, obligation de parler couramment le hongrois !

moi qui encadre du personnel pour une grosse boîte que vous connaissez tous, mais qui ne pratique encore pas comme ça, j'ai honte pour nos dirigeants politiques et les patrons de ces boîtes qui ne sont pas humains, et je dirais même si vous saisissez la nuance, pas des hommes ! Aprés, il est difficile de prôner la moralité chez le citoyen ou la "fierté d'être français, la fierté nationale" et que sais je encore...c'est un monde de "chacun pour sa gueule" qu'on nous propose en fait, lorsqu'on voit ces manières de faire.

H3

The Dude a écrit:

Topic qui remue, assurément! Ayant eu une année professionnelle tumultueuse, je peux vous garantir qu'une vie sans travail ne rime pas à grand chose...

Ca n'a rien n'à voir mais quand je lis ça en regardant un avatar du Duc, qui vient de cartonner une poubelle avec sa caisse parce que son joint est tombé et qui a érigé la glandouille et l'absence d'activité comme art de vivre je trouve ça beau

Blague à part, nous sommes au 21 ème siècle et l'entreprise à papa est mort et enterrée, il nous faut maintenant nous considérer comme des "apporteurs de compétence" et non comme des "employés". Il y a une inversion de valeur à réaliser. Je travaille dans une entreprise parce que je le souhaite et parce que j'ai quelque chose à lui apporter et surtout pas parce qu'elle veut bien de moi (bon le raisonnement est plus facile à tenir en période de plein emploi)

Bonjour ,
Je me suis laissé-dire que nos amis suisses mettaient
"encore moins de gants" pour "donner-congé , que dans nos entreprises ....!!
Je suis stupéfait et admiratif devant la maitrise
et le comportement DIGNE des licenciés...
devant ce qu'il convient d'appeler un drame !
Salut !
bernard

Peut-être que Martine travaillait chez Zenith quand Dufour est arrivé?

Ah non, elle apprend son licenciement en tête à tête, pas au haut parleur...


Le drame est que certaines entreprises, qui font face à ce qu'elles considèrent comme leurs obligations et maintiennent l'emploi coute que coute, verront leurs RH pillées par celles qui licencient aujourd'hui à tour de bras quand ces dernières auront à nouveau besoin de personnel qualifié...