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Nicolas G. Hayek: «Je ne détiens aucun pouvoir»
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Yvain Genevay
Plus de cigare pour le président, qui porte toujours trois montres, dont une Breguet et une Swatch.
- La crise n'a pas d'emprise sur le président de Swatch Group: «Il n'y aura pas de problème pour l'industrie horlogère», dit-il dans une interview accordée au «Matin».
Vincent Donzé - le 18 mars 2010,
Le Matin
Il est en pleine forme, Nicolas G. Hayek. A 82 ans, le président de Swatch Group veille sur sa santé autant que sur celle de l'horlogerie suisse. Il n'allume plus de cigare cubain comme autrefois, même si son groupe a réalisé l'an dernier le troisième meilleur exercice de son histoire, avec un chiffre d'affaires de 5,4 milliards de francs (-6,3%).
Au Salon mondial de l'horlogerie et de la bijouterie, il fixe ses rendez-vous au stand Breguet, la seule marque qu'il dirige personnellement. Le plus grand patron de l'horlogerie mondiale n'attendait rien ou presque de la visite, hier, de Moritz Leuenberger à la 38e édition de Baselworld, où 1915 entreprises exposent leurs produits aux 100 000 visiteurs professionnels attendus jusqu'au 25 mars.
Il a toutefois dû apprécier le clin d'oeil du conseiller fédéral qui a déclaré lors de l'inauguration que «le Salon de l'automobile de Genève possède l'Alpha et la foire horlogère l'Omega», Omega étant une des 19 marques de Swatch Group. C'est en compagnie du «Matin» qu'il a entamé ce rendez-vous crucial pour ses marques.
Combien de Breguet vendrez-vous pendant le Salon?Vingt mille. Mais 20 000 montres, c'est beaucoup d'argent pour Breguet. Ce montant représente 35% de notre chiffre d'affaires annuel.
La haute horlogerie comme valeur refuge?Si vous avez placé votre argent chez Madoff, vous l'avez perdu. Il n'y aura pas de problème pour l'industrie horlogère suisse, si elle sait conserver ses qualités artisanales. Nous insistons sur les 80% (ndlr: part suisse du coût de fabrication) du Swiss made et le gouvernement comme le Parlement vont nous suivre.
Qui détient les clés du succès? L'horloger, le fournisseur ou le détaillant?C'est l'entrepreneur! Mais la plupart des entreprises horlogères n'emploient pas d'horlogers et ne fabriquent pas de montres! Voilà ce qui est néfaste.
Les grands profitent-ils de la crise pour manger les petits?C'est une mauvaise manière de présenter les choses. Ceux qui ne fabriquent pas des montres, qui n'ont pas de tradition horlogère et qui copient tout le monde - vous pou-vez les appeler les petits ou les grands - doivent quitter le métier où ils sont entrés dans le seul but de s'enrichir.
Vous faites la pluie et le beau temps avec vos mouvements?Je ne détiens aucun pouvoir! Tout le monde devrait investir dans la production de mouvements! Je le répète avec insistance depuis vingt ans, avec le soutien de Rolex, Patek Philippe, Parmigiani, Cartier... Mais personne ne le fait tant qu'on peut acheter à bon marché des mouvements de haute qualité. Voyez l'automobile, aucune marque n'achète toutes les pièces pour les assembler.
Dans le bas de gamme, comment résiste Swatch?Très bien! Prenez notre nouvelle col-lection Colour: nous allons produire deux millions de pièces et c'est un record.
Vous ne regardez pas l'heure sur votre téléphone portable?Je ne vends pas des montres pour donner l'heure, mais comme des bijoux! Vous n'avez plus besoin d'une montre pour regarder l'heure, vous l'avez partout.
Pourquoi ne pas mettre un téléphone dans une montre?Nous l'avons fait et elle est très belle. Mais pour vendre une montre-téléphone, il faut passer par des opérateurs comme Swisscom. C'est un monopole et nous avons refusé d'accorder une licence de fabrication.
Après la révolution de la télécommunication, quelle sera la prochaine?Si je le savais, je ne vous le dirais pas! Mais pour être honnête, je ne le sais pas... La communication et devenue tellement immédiate qu'une information traverse la terre entière en une seconde. Nous allons continuer dans ce domaine.
Qu'est-ce qui vous énerve en 2010?Rien ne m'énerve, mais il y aura des choses négatives à corriger.
Par exemple?La Suisse est encore le pays le plus habitable du monde, mais il faudra fortifier sa position sur le plan international.
Les banquiers ne vous énervent pas?
Je ne dis pas les banquiers, mais les mauvais banquiers. Ceux qui nous ont fait beaucoup de mal.
De quoi êtes-vous le plus fier?Je ne suis pas fier, je suis heureux. La fierté a un petit goût d'arrogance.
Fier de votre famille, tout de même...Ils réagissent tous positivement et j'en suis heureux.
En particulier votre petit-fils Marc, patron de Blancpain?Oui, il a fait la première page de Bilanz. Marc est très bien, allez le voir: c'est le Romand, le Vaudois de la compagnie.
La Légion d'honneur, les honneurs, ça vous touche?Des titres et des récompenses, j'en ai bientôt 150... Quand vous atteignez mon âge, tout le monde vous décerne des Awards.
Qu'est-ce qui vous manque aujourd'hui?Je vous l'ai dit: je suis un homme heureux. Il me manque d'avoir 22 ans!
Vous recommenceriez la même vie?Avec moins d'erreurs... La voiture Smart n'en était pas une, mais le partenaire n'était pas le bon. Nous sommes en train de rectifier le tir avec le projet Belenos.
http://www.lematin.ch/actu/suisse/nicolas-g-hayek-ne-detiens-pouvoir-251660