ZEN Rang: Administrateur
Nombre de messages : 57505 Date d'inscription : 05/05/2005
| Sujet: Madeleine de Proust et couteau de Mongin Sam 7 Jan 2012 - 17:45 | |
| Il y a près de 25 ans, voire un petit peu plus, je connaissais un coutelier meilleur ouvrier de France qui avait repris une affaire près de Nogent en Haute Marne à un autre coutelier lui-même meilleur ouvrier de France qui la tenait d'un premier lui aussi MOF. Les couteaux de la région de Nogent sont historiquement des couteaux de luxe qu'ils fussent de chasse, de table ou pliants... Quelques couteliers furent célèbres dans cette région et Didier Diderot, le père de Denis Diderot n'est pas des moindres. Le coutelier que je visitais régulièrement et avec lequel je devisais était Jacques Mongin, un homme plein d'humilité et de talent qui avait une habileté bluffante pour faire ses couteaux et polir les lames avec une finesse que personne n'égalait. Un jour devant mon admiration, il me montra comment il faisait et la séance dura des heures. Sa femme, Carmen, recevait non pas dans un bureau mais dans la salle à manger de la maison et il y avait intérêt à aimer les couteaux car à celui qui savait s'y prendre, elle montrait sa collection personnelle de pièces, "prélevées pour ma retraite parmi les plus beaux que je vois passer". De fait, ces couteaux étaient les plus beaux et j'eus la chance qu'elle accepte de m'en vendre... Un jour, je vous montrerai le couteau du bicentenaire de la révolution fait par Mongin qui reste une pièce hors norme. A la même époque, je cherchais (déjà) des montres et connaissait un antiquaire très cultivé qui m'en vendait quelques unes toujours dans un état parfait, propres et fonctionnelles. Cet antiquaire connaissait sur le pouce l'histoire de ses objets et si un objet n'avait pas d'histoire, il ne s'y intéressait pas. Pour ouvrir ses montres, il sortait de sa poche un couteau Mongin, on disait un canif, à une seule lame entièrement en inox de marque Mongin. Ce couteau était un canif de petite taille (Mongin en faisait alors de deux tailles) et il ne comportait qu'une seule lame. L'antiquaire tenait ce couteau très fin dans sa main et s'en servait pour ouvrir les montres. Quand il parlait, il frottait ce couteau entre ses doigts et en vantait parfois la finition. Il me dit que Mongin ne faisait plus cette pièce qu'il avait achetée des années auparavant et qu'il avait perdu son premier exemplaire et dû supplier pour en avoir un nouveau. Ce petit couteau m'avait tapé dans l'oeil et me rendant chez Jacques Mongin, je demandais s'il en avait encore. Il ne lui restait à l'époque qu'une version multipièces avec des côtes en ivoire et je dus y renoncer quand le coutelier m'indiqua qu'il acceptait de m'en fabriquer un plus grand mais que la version petite était abandonnée surtout en version à une seule lame, à cause de son coût de revient et de son prix de vente. Je fis donc fabriquer le même couteau mais en version plus grande ... La pièce magnifique me fut livrée quelques semaines plus tard mais je me rendis compte comme le suggérait l'antiquaire que pour ouvrir une montre, il valait mieux un couteau court. Le couteau fut abandonné dans un tiroir... La grande version et le petit format Ce souvenir m'était sorti de la tête quand il y a quelques semaines, je découvris sur un site le même couteau que celui de l'antiquaire. L'objet était hors de prix mais fabriqué à l'épqoue directement par Mongin et non la maison qui porte son nom et lui a succédé. Qu'à cela ne tienne, je commandais illico la pièce. Miracle en ouvrant le paquet, je retrouvais un couteau en tous points identique à celui de l'antiquaire qui mourut il y a une bonne quinzaine d'années dans des conditions assez douloureuses d'ailleurs. Depuis moins d'une semaine, je tiens ce couteau en permanence et c'est certainement stupide mais j'ai retrouvé cette sensation du poli parfait et de l'ajustement aboslu... Comme la madeleine de Proust, l'objet témoigne du temps passé... Je n'ose pas ouvrir mes montres avec, enfin pas encore mais mon Wenger va certainement céder sa place... _________________ Contraria contrariis curantur. (Les contraires se guérissent par les contraires).
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olivier2412 Pilier du forum
Nombre de messages : 1927 Age : 59 Localisation : var Date d'inscription : 06/10/2010
| Sujet: Re: Madeleine de Proust et couteau de Mongin Sam 7 Jan 2012 - 18:01 | |
| Je n'ai jamais eu la chance de rencontrer Jacques Mongin, mais je possède un ses pliants et c'est vrai que le poli de la lame et du ressort (gravé) sont exceptionnels.
Dans tous les cas je constate que beaucoup de passionnés d'horlogerie le sont aussi par la coutellerie... |
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caput Membre référent
Nombre de messages : 6818 Localisation : Ile de France Date d'inscription : 26/08/2008
| Sujet: Re: Madeleine de Proust et couteau de Mongin Sam 7 Jan 2012 - 18:43 | |
| Fokker au parloir |
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macnab Membre très actif
Nombre de messages : 294 Age : 51 Localisation : roanne Date d'inscription : 14/02/2011
| Sujet: Re: Madeleine de Proust et couteau de Mongin Sam 7 Jan 2012 - 22:05 | |
| Mongin, ça a beaucoup changé maintenant. Le seul avantage des Mongin c'est que peut aussi bien les tenir par la lame que par le manche. |
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Fokker III Membre éminent.
Nombre de messages : 22324 Age : 60 Localisation : Le contenu de mes messages a été modifié, anonymement et sans mon consentement. Merci d'en tenir compte lors de votre lecture. Date d'inscription : 24/08/2008
| Sujet: Re: Madeleine de Proust et couteau de Mongin Dim 8 Jan 2012 - 22:19 | |
| Toutes proportions gardées, c'est un peu comme utiliser un mouvement de concours dans une boîte niellée pour enfoncer des clous... Un couteau, c'est fait pour couper, trancher, sinon, on bousille le fil de la lame... (On peut aussi en casser le bout de la lame, il pourra faire office de tournevis, deux fonctions pour le prix d'une...) Il existe des couteaux spécifiques pour ouvrir les montres, autant s'en tenir à ceux-ci. Surtout s'il s'agit d'un Mongin de la bonne époque. àmtha |
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