L'histoire se déroule il y a une dizaine d'années à Reims. Un médecin amateur de belles montres porte avec plaisir sa Rolex et lorsqu'il consulte dans son cabinet, la pose sur son bureau pour avoir l'heure sans regarder son poignet. Il ne porte en réalité qu'hors cabinet. Cette montre comporte sur le fond une gravure qui n'est autre que la date anniversaire de ses 40 ans car il l'a reçue à cette occasion. La gravure a toutefois une particularité, elle est faite en arc de cercle si bien que pour un non initié elle ressemble à une sorte de référence.
Ce mercredi après-midi, Ce médecin reçoit beaucoup d'enfants comme chaque mercredi, ici pour un certificat médical afin de faire du sport, là pour un examen lié à une maladie quelconque. Le toubib comme tout le monde l'appelle connait presque chaque patient car il exerce dans le quartier depuis fort longtemps. Il appelle d'ailleurs la plupart de ses patients de moins de 30 ans par leur prénom. A l'heure de l'arrêt des consultations, vers 19 heures, il referme comme chaque jour la porte de son cabinet et va reprendre sa montre sur son bureau avant de repartir. Mais sur le bureau, la montre n'y est plus. Comme il lui est déjà arrivé de l'oublier près de son lavabo, il va l'y chercher mais non, elle n'est pas là non plus. Dans ses poches, son sac, sa sacoche ...Non, la montre n'est plus là. L'aurait-il oubliée chez lui ? Cela aussi c'est possible mais non... Il doit deux heures plus tard se rendre à l'évidence, la montre est ou perdue ou volée. Par acquis de conscience, il refait la tournée des patients du matin, ceux consultés à domicile mais personne n'a vu la montre de près ou de loin. Une patiente lui assure cependant qu'il l'avait au poignet car en repartant de chez elle, il a regardé l'heure et a annoncé content qu'il allait pour une fois déjeuner à l'heure.
La disparition de la montre a donc bien eu lieu dans l'après-midi mais qui ? Qui a bien pu lui voler ? Il va dès le lendemain déposer plainte. Le policier qui le reçoit, sourit à l'énoncé des faits. "On vous a donc pris une montre dans votre cabinet, sans effraction, en votre présence, une montre posée devant vous sans violence et sans que vous ne vous rendiez compte de rien?" Le procès verbal fait honte au médecin lorsqu'il le signe. Il vient de passer pour un idiot et a un peu cherché, il l'admet, les ennuis en n'étant pas davantage vigilant.
Il reprend l'une de ses montres plus anciennes et moins précieuses et les mois passent. Près d'un an plus tard, en passant devant la vitrine d'un marchand de bijoux d'occasion, il voit un modèle de montre identique au sien. Il est en transit pour une consultation à domicile mais pousse la porte de la boutique et demande le prix de la montre. "3500 euros ... Et elle est en très bon état !" . La gérante est formelle, c'est une bonne affaire car elle aurait pu afficher 1000 euros de plus. Le médecin est prêt à repartir car il ne veut pas une montre d'occasion si elle est à ce prix, non, il en reprendra une neuve. La commerçante insiste et lui propose de voir la pièce de plus près et de constater son très bon état. Le médecin la passe au poignet et ...elle est à sa taille, le bracelet est pile à sa taille. Il retire la montre, regarde le fond et voit sa date de naissance gravée dessus en arc de cercle. Il a entre les mains, sa propre montre. Tremblant, il dit qu'il va réfléchir et demande qu'elle soit mise de coté, il indique devoir demander à son épouse avant de faire cet achat. "Pas de soucis, monsieur mais faites vite car vous savez ces pièces partent très vite ! Si vous êtes rapide, je pourrai même vous faire une petite remise".
Le médecin sort de la boutique et appelle avec son portable le commissariat. Il raconte son histoire et la police arrive immédiatement sur place. Il rente dans la boutique à nouveau mais avec deux inspecteurs. La commerçante ressort la montre et les policiers lui demandent son livre de police et posent la question qui fâche : A qui a-t-elle acheté la montre ?
Elle explique que c'est un jeune qui la lui a vendue mais que le prix était bas et qu'elle n'a pas du coup enregistré l'objet dans le livre de police. La police lui fait fermer la boutique et l'enjoint d'accompagner les deux inspecteurs au commissariat. Le médecin est invité à passer un peu plus tard. Lors de l'audition, la gérante explique avoir acheté la montre quelques centaines d'euros et avoir noté dans un coin son nom... Ce nom est celui d'un patient du médecin, un gamin de 16 ans venu le mercredi après-midi du vol.
La montre est restituée au médecin. La dame sera poursuivie en correctionnelle. Elle a acheté à un mineur sans remplir le livre de police un objet à un prix manifestement trop bas et donc en qualité de professionnelle de manière malhonnête... Le cumul est évident et la condamnation ne fera pas l'objet d'un appel. Elle sera assortie d'une interdiction de faire commerce pendant une durée de quelques mois car assortie d'un sursis partiel. Le gamin lui est aussi poursuivi et écopera d'une peine avec sursis, le médecin n'ayant pas souhaité le poursuivre. La montre ne quitte plus le poignet de son propriétaire... La commerçante a repris son activité et ne commerce plus avec les mineurs. Le gamin a grandi et connu d'autres soucis judiciaires. La montre ? Notre médecin sait maintenant sa valeur marchande lui qui ne lui donnait qu'une valeur affective.
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Contraria contrariis curantur. (Les contraires se guérissent par les contraires).
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