Pour vous, le mouvement manufacture c'est?

laurentb60260 a écrit:

j'ai voté essentiel.
Ce n'était pas le cas à mes débuts en horlogerie.

Aujourd'hui je considère une montre comme un accessoire artistique , l'heure est inutile. On la trouve sur le PC et sur le smartphone.

Partant de là, une montre doit être un objet technique d'excellence, qui contient un vrai savoir faire artisanal ou des dizaines de métiers ont été nécessaire pour créer une boite, un mouvement, des aiguilles, des décorations, ...

Aussi, je valide une seiko, mais j'élimine la Hublot classic fusion (sellita) pourtant très réussie.

Ce qui est regrettable, c'est l'inflation délirante des prix depuis quelques années, quand 8-10 Ke suffisait, c'est 30 ke aujourd'hui, c'est plus la même échelle.

Je ne suis pas d'accord : ton smartphone peut-être dans ta poche, je ne parle même pas de ton PC... lire l'heure à son poignet demeure, ça reste ce qu'il y a de plus fonctionnel.

Ceci-dit les portables ont changé la donne : on le voit bien dans les films du 20e siècle : tous les hommes ou presque portent une montre, ce qui n'est plus le cas actuellement. Les séries "le serpent" et "stranger things" ont soigné ce détail dans leur reconstitution d'époque (comme le reste).

Pour en venir au sujet, ce qui m'importe c'est la qualité de fabrication du mouvement. Les mouvements Seiko de base sont fabriqués au Japon, ils sont manufacture, mais absolument inintéressants.
A l'inverse l'ETA retravaillé de ma Vicenterra (avec module maison) est très agréable à regarder.

Par ailleurs je me fous que ce soit un mouvement manufacture tant qu'il n'est pas exceptionnel. S'il fonctionne bien, un miyota 9015 me conviendra autant qu'un calibre maison basique.

Il faut taper chez GO par exemple pour que je considère que le mouvement manufacture prenne de l'intérêt et constitue une vraie plus-value dans le cadre d'une acquisition.

Pour moi la dichotomie entre mouvement manufacture et mouvement emboîté n'est définitivement pas la bonne.
Avec l'arrivée du quartz, les mouvements mécaniques sont devenus obsolètes. Moins précis, moins fiables, beaucoup plus chers. On a pu, tout-à-coup avoir une montre bien meilleure pour une poignée de devises. Face à cette situation, l'industrie horlogère suisse a eu une réponse dont l'efficacité et la réussite, malgré les critiques dont elle est souvent l'objet, laissent encore perplexe d'admiration. Le repositionnement, assuré par une première phase de démonstrations techniques et esthétiques, jusqu'à l'hybris théorisée par JLC, a vu la déferlante de tourbillons, et autres joyeusetés mécaniques, souvent jusqu'à l'extravagance. Il a fallu montrer ce que la mécanique pouvait faire, savait faire. Le travail a été colossal, afin que le consommateur considère la montre mécanique comme objet positionnel, jusqu'à ce qu'il considère qu'une montre se devait d'être mécanique, et rien que mécanique. Par des mouvements beaux, par des mouvements démonstratifs, par des mouvements luxueux.
Rolex, Omega, Patek, Audemars Piguet n'avaient plus qu'à en récolter les fruits, avec des produits qui ne faisaient même plus montre de cette spécificité dont seule l'horlogerie mécanique est capable. D'autres avaient fait, en partie, le travail. Ce n'était plus important, tout le monde avait compris et intégré comme une évidence qu'il n'était plus nécessaire, ni même possible, d'interroger, que la montre mécanique était un objet positionnel, un objet de luxe. On pouvait dès lors vendre des mécanismes mécaniques industriels à des prix totalement absurdes.
Mais soyons un instant pragmatiques. Peu de choses différencient un ETA d'un Omega ou d'un Rolex. Dans tous les cas, il s'agit d'un mouvement industriel, qui n'a aucun avantage par rapport à la production de mouvements à quartz, ni de fiabilité, ni de précision, ni même d'esthétique. Une boîte d'acier, un cadran, des aiguilles, un calibre industriel d'une simplicité technique absolue, l'ensemble vendu à prix d'or. Oui, le consommateur pragmatique ne saurait que s'en détourner, pour un produit fonctionnellement bien plus abouti, et économiquement bien plus accessible.
Alors que reste-t-il à l'horlogerie mécanique? Que reste-t-il pour contrebalancer la contrainte de porter une montre mécanique? Chacun apportera sa réponse. Peut-être un certain goût de l'obsolète, du suranné, de ces mécanismes qui offrent quelque chose de plus que les mouvements électriques, d'unique, une beauté du travail, une esthétique du désuet, une certaine forme de bienfacture qui n'existe nulle part ailleurs? Une évocation de tout un monde de connotations.
La césure ne se place pas, je crois, entre un mouvement qui serait de manufacture et un mouvement emboîté. Elle serait plutôt entre un mouvement où la part mécanique n'apporte rien, et un mouvement qui met en exergue ce que seule la mécanique peut apporter. Le prix de la beauté serait alors le renoncement, partiel, à la fonctionnalité.

"Une évocation de tout un monde de connotations".

Au départ je ne considérais que le quartz, et m'imaginais que les montres mécaniques étaient réservées aux passionnés snobs ou utopiques.
Et je les voyais s'accrocher à la souplesse de la trotteuse, attachement que je jugeais aussi illusoire que puéril.

Une trotteuse saccadée faisait aussi bien l'affaire. Tout bien réfléchi, aujourd'hui,  je reviens à cette idée.

Et pourtant. J'ai franchi la frontière mécanique, j'ai voulu explorer Metropolis autrement, sans même le savoir.

Je le crois désormais, et c'est un monde illusoire mais poétique qui me guide : les montres mécaniques débodent de connotations, elles évoquent d'autres mondes, d'autres temps, l'Histoire. En un mot un ailleurs.

J'ai visité Vienne il y a quelques années : de nombreux essais de montres dans des boutiques nouvelles pour moi se sont associées à l'exploration d'un petit et délicieux musée de l'horlogerie et à la contemplation des tableaux de Klimt.

Quelque chose s'est ainsi noué dans mon esprit.

Un jour peut-être j'abandonnerai cette utopie et revendrai mes montres.... rien n'est moins sûr.

Eric67 a écrit:

Pour moi la dichotomie entre mouvement manufacture et mouvement emboîté n'est définitivement pas la bonne.

Pas d'accord.

Effectivement du point de vue de l'industrie horlogère il y aura pour longtemps je pense celle que tu définis.
Celle entre la montre mécanique, l'objet positionnel, social, mais aussi artistique et poétique ; et son pendant pragmatique et fonctionnel, hier le quartz, aujourd'hui la montre connectée.

Du point de vue du grand public l'opposition de style n'existe même pas. C'est montre connectée ou rien, tant qu'elle aura des fonctionnalités exclusives (santé notamment), le jour où ce point ne sera plus évident elle disparaitra comme l'homme a abandonné sans états d'âme les montres à quartz dès qu'il a eu l'heure dans sa poche sur son téléphone portable.


Alors si, puisque l'art horloger est la seule raison de vivre pérenne de la montre mécanique, la simple survivance anachronique de cette dernière légitime la dichotomie entre mouvement emboité et manufacture.

J'ai voté "Du vent, tant que c'est de "l'excellent" qui équipe ma montre" parceque c'est vrai pour moi dans la plupart des cas...

Maintenant, pour certaines montres, c'est essentiel : je n'imagine pas vraiment une Journe avec un calibre venant d'ailleurs.