Comme promis voici la revue de mon chrono Patek 5970.
IntroductionLe chronographe à quantième perpétuel figure au catalogue de Patek Philippe depuis 1941 avec l’introduction de la référence 1518 produite à 281 exemplaires jusqu’en 1954. Le 1518 se caractérise par des poussoirs carrés. La référence 2499 qui lui a succédé et a été produite de 1951 à 1986. Le 2499 produit à 349 exemplaires a connu 4 générations. La première se distinguant par des poussoirs carrés, les suivantes étant équipées de poussoirs ronds. Le 1518 et le 2499 sont équipés d’un mouvement à base d’ébauche Valjoux.
Réf. 1518 – Source : Patek Philippe – Le magazine international, Volume II numéro 1, page 66
Réf 2499 – Source : Patek Philippe – Le magazine international, Volume II numéro 1, page 69
1986 voit l’introduction de la référence 3970. Le chronographe 3970 a été produit jusqu’en 2004 avec différentes variantes. La différence la plus caractéristique entre la première et les dernières générations de 3970 porte sur la forme des aiguilles. Le 3970, tout comme le 5970, est équipé du mouvement à remontage manuel CH 27-70 Q fondé sur une ébauche « Nouvelle Lémania ».
Réf 3970 – Source : Huber & Banberry – Patek Philippe Genève montres bracelets, page 305
Par ailleurs, et conjointement à la production du chrono 3970, la référence 5020 en forme coussin (ou plutôt écran de télévision) a été produite de 1995 à 2001. Cet « OVNI », qui n’a pas rencontré un grand succès, a été produit en faible quantité et est maintenant fort recherché par les amateurs éclairés.
Réf 5020 – Source : Huber & Banberry – Patek Philippe Genève montres bracelets, page 305, page 309
Si les chiffres de production sont connus pour les références 1518 et 2499, Patek Philippe demeure muet quant au nombre de chronographes produits pour les références 3970, 5020 et 5970.
Le chronographe à quantième perpétuel connaît également sa variante avec rattraprante, l’actuelle référence 5004 produite depuis 1995. Il fait suite au mythique 2571 qui n’a été produit qu’à trois exemplaires et qui est, à mes yeux, la référence absolue.
Réf 5004 – Source : Huber & Banberry – Patek Philippe Genève montres bracelets, page 305, page 312
Réf 2571 – Source : Osvaldo Patrizzi – Collecting Patek Philippe Wristwatches, Vol. I, page 151
Je ne vais pas m’étendre sur les différentes variations de métal et de couleur des cadrans disponibles pour les références 1518, 2499 et 3970. A la lecture de la littérature (entre autres : Huber & Banberry – Patek Philippe Genève montres bracelets et Osvaldo Patrizzi – Collecting Patek Philippe Wristwatches) et des sites de ventes aux enchères (Antiquorum, Christies et Patrizzi & Co), on constate que Patek Philippe offrait un certain degré de personnalisation des références 1518 et 2499. Ceci est moins le cas à partir de la référence 3970. Il semblerait néanmoins que Patek Philippe ait équipé d’origine certaines versions 3970 avec le cadran de la version rattrapante.
Mais venons-en à la référence 5970
Aperçu généralLe chrono 5970 a été présenté à Bâle en 2004 et était disponible en version or rose et or blanc. Outre la différence de couleur du boîtier, la version en or rose est dotée d’un cadran opalin argenté alors que la version en or blanc possède un cadran de couleur acier. J’avoue que c’est la combinaison or rose/cadran opalin qui m’a guidé à choisir cette version.
Les versions en or rose et or blanc ont été arrêtées en 2008 avec l’introduction de la version en or jaune. Depuis 2009, la version en platine lui a succédé et elle est dorénavant la seule figurant au catalogue. Celle-ci se caractérise par un cadran noir (un modèle pièce unique a été produit avec un cadran bleu similaire à celui de la référence 5070 chronographe « simple » en platine). A noter qu’il existe également une version en platine et diamants (réf. 5971).
Le 5970 est livré avec des fonds interchangeables en verre saphir et plein. Le « kit » comprend également un crayon correcteur ou stylet afin de régler les fonctions du quantième perpétuel.
Le boîtierComparé à son prédécesseur, le 5970 a pris de l’embonpoint en passant d’un diamètre de 36mm à 40mm. Compte tenu de la relative épaisseur de la montre, le boîtier du 5970 paraît plus équilibré que celui du 3970 qui, aux yeux de certains, ressemble à un « hamburger ».
Les anses d’une forme très caractéristique contribuent à l’harmonie du boîtier.
Le cadranL’accroissement du diamètre s’est accompagné de la réintroduction d’une échelle tachymétrique qui ne figurait pas sur le cadran de son prédécesseur. Si cette échelle est en phase avec l’esprit « chrono » de l’engin, on pourra néanmoins regretter la pureté du cadran du 3970.
Outre les fonctions de base, le cadran comprend les indications suivantes :
- jour et mois par guichet (à 12 heures) ;
- deux cadrans auxiliaires de la petite seconde (à 9 heures) et du compteur 30 minutes (à 3 heures) ;
- indication 24 heures et année bissextile par petites aiguilles respectivement logées dans les cadrans auxiliaires de la petite seconde et du compteur 30 minutes ;
- date et phase de lune à 6 heures.
Ce cadran dégage un sentiment de parfaite symétrie qui, à mon humble avis, surpasse ses concurrents directs. Ce fut, à cet égard, le facteur décisif qui a guidé mon choix (les concurrents étant les chronos à quantième perpétuel de Vacheron Constantin et de Lange & Söhne). Alexander Mahone a résumé ce processus d’une manière assez « percutante » mais cela reflète assez fidèlement le cheminement de mon choix.
Petit point de détail, les aiguilles des minutes et secondes sont courbes à leur extrémité afin de corriger les effets d’optique engendré par le verre saphir qui est légèrement bombé.
La symétrie que dégage ce cadran a toutefois généré un compromis. En effet le chemin de fer des secondes est absent à 6 heures du fait de l’indication de la date. Il faut dès lors porter son regard vers la périphérie ultime du cadran qui comprend une graduation au 5ème de seconde.
Théoriquement, Patek Philippe peut livrer les indications des jours et des mois en quatre langues (Anglais, Français, Italien et Allemand). Jusqu’à présent, je n’ai pas encore eu l’occasion de voir une autre version que l’anglaise. J’avoue avoir tenté d’obtenir une version française lorsque j’ai commandé mon chrono auprès d’un revendeur agréé mais sans succès.
Le mouvementComme indiqué dans l’introduction, le mouvement est le CH 27-70 Q « Nouvelle Lémania » équipé d’une quadrature compliquée de quantième perpétuel. Il s’agit d’un mouvement 13 lignes (diamètre 30 mm) composé de 353 pièces avec balancier « Gyromax » doté d’une fréquence de 18.000 alternances/heure. La gradation au 5ème de seconde du cadran est dès lors appropriée, ce qui devrait satisfaire les puristes les plus exigeants.
Certains objecterons que c’est le même mouvement que celui équipant les premières « Moon Watches ». Une analyse plus approfondie révélera toutefois que ce mouvement a été significativement modifié par Patek Philippe. Selon la manufacture,
« cette ébauche a été entièrement retravaillée ; plus de 60% de ses composants ont été modifiés et Patek Philippe assure elle-même la terminaison, l’assemblage, le réglage et le contrôle » (Magazine Patek Philippe – Volume III, Numéro 1, page 46). Rappelons qu’à l’époque de ce choix, Nouvelle Lémania était encore une manufacture indépendante avant qu’elle ne rejoigne ultérieurement le giron du Groupe Swatch.
Ce mouvement est également utilisé par Vacheron Constantin, Breguet et, si je ne me trompe pas, il a également équipé certains chronographes Roger Dubuis. Mes connaissances horlogères ne sont suffisantes pour me permettre une analyse qualitative du niveau de finition de ces chronos respectifs. Il faut toutefois reconnaître que ce mouvement ne procure pas les mêmes sensations de perspective que le Datograph Perpétuel qui, dans ce domaine et à mon humble avis, est la référence incontestée sur le marché.
Le mouvement porte le poinçon de Genève qui vient d’être abandonné par Patek Philippe. Ce poinçon comprend douze critères d’ordre qualitatif quant à la finition du calibre. En application des critères du poinçon, la roue à colonne est masquée par un « couvercle » et, dès lors, on ne peut pas apprécier à sa juste mesure cette marque distinctive des chronographes de qualité. Notons au passage que le nouveau mouvement chronographe à remontage manuel « maison » récemment divulgué (calibre CH 29-535) continue à être équipé de ce « couvercle ».
Contrairement à son cousin saxon, ce mouvement n’est pas équipé d’une fonction « retour en vol » (flyback). Par ailleurs, le compteur des minutes est semi instantané c.-à-d. que l’aiguille du compteur débute son mouvement de passage à la minute suivante quelques instants avant le découlement des 60 secondes. Le nouveau mouvement « maison » comprend dorénavant ces deux fonctions.
La réserve de marche se situe entre 50 et 60 heures.
Le braceletLe bracelet d’origine est en croco brun foncé (provenance Camille Fournet) et est monté sur une boucle déployante classique avec croix de Calatrava livrée d’origine. Après quelques années de bons et loyaux services, j’ai l’ai remplacé par un bracelet d’une couleur légèrement plus claire fait sur mesure par l’Atelier Jean Rousseau.
Manipulation du chronographe et réglage du quantième perpétuelLe remontage manuel de mon exemplaire est très doux et agréable de même que les commandes des poussoirs qui sont très souples sans toutefois atteindre les sensations offertes par les chronographes Lange. On est néanmoins très loin de l’expérience parfois assez « dure » d’un 7750 voire même de celle que j’ai eue lors d’un essai du chrono automatique Nautilus de chez Patek Philippe.
Le mouvement est équipé de quatre correcteurs permettant d’effectuer le réglage du quantième. Un stylet est livré afin de pouvoir actionner ces correcteurs. Un cure-dent peut également remplir ce rôle (il semblerait que certains puristes n’utilisent que cette solution afin de ne pas abîmer le boîtier avec la pointe du stylet). Il s’agit d’une opération délicate, le manuel d’utilisation stipulant clairement qu’il est impératif de ne pas effectuer le réglage du quantième entre 20 heures et 2 heures du matin.
Le correcteur situé à 11 heures permet un ajustement synchronisé de toutes les fonctions. Une pression sur ce correcteur a pour effet d’avancer toutes les indications du quantième à raison d’un jour. Ainsi, si le chronographe est à l’arrêt depuis 7 jours, il suffira de presser 7 fois ce correcteur pour que l’ensemble des indications du quantième soit à jour.
La sensation au porterLa montre se positionne parfaitement sur le poignet et n’engendre pas de sensation de déséquilibre que j’ai déjà éprouvé avec des montres en platine d’une taille comparable. Elle se glisse facilement sous la manchette d’une chemise. Je n’oserai pas affirmer qu’elle a un caractère totalement furtif mais elle n’est certainement pas ostentatoire. Elle a une certaine élégance mais son caractère technique ne pourra pas lui conférer la magie de certains modèles où «l’understatement » relève de la perfection.
L’emballageLa montre est livrée dans un écrin en bois précieux de couleur foncée. Je suis relativement insensible aux boîtes de grande taille et tous les accessoires qui finissent au fond d’un placard. Les anciens écrins de dimension plus modeste me convenaient parfaitement. Les papiers sont insérés dans une simple pochette en cuir. A cet égard, il est piquant de constater que les écrins actuels sont plus imposants que celui de la « super complication Graves » qui est visible au Musée Patek Philippe à Genève.
ConclusionL’abandon de la distribution des ébauches « Nouvelle Lémania » dans un futur proche a forcé Patek Philippe à développer un nouveau mouvement chronographe à remontage manuel (calibre CH 29-535). Celui-ci est actuellement logé dans un chronographe féminin. Il est vraisemblable que la référence 5970 et ses variantes chrono simple (réf. 5070) et chrono à rattrappante (réf. 5004) soient les dernières générations de ces hybrides magiques et qu’une page se tourne définitivement.
On pourra également polémiquer sur le caractère spéculatif et la manière, d’après certains, selon laquelle Patek Philippe est passé maître dans la gestion au compte-goutes de quelques références et plus particulièrement ce modèle. Je n’ai pas d’avis tranché sur la question. J’ai certainement eu de la chance de passer ma commande au bon moment et d’entretenir de bonnes relations avec un revendeur agréé.
Pour ma part, le choix de ce chronographe est le résultat d’un long cheminement. Je le porte avec plaisir et de manière très régulière.
Pour ceux désireux de découvrir l’univers de Patek Philippe ou d’approfondir leurs connaissances, je recommande la lecture de deux ouvrages :
Huber & Banberry – Patek Philippe Genève montres bracelets et Osvaldo Patrizzi – Collecting Patek Philippe Wristwatches. Par ailleurs, si vous êtes de passage à Genève, une visite du Musée Patek Philippe vous fera découvrir de nombreuses merveilles. La collection de chronographes vous laissera pantois. Une visite aux salons Patek Philippe situés à la Rue du Rhône vous permettra de découvrir la collection des chronographes contemporains.