Que serait l'horlogerie si on n'y associait pas les Panama Papers ? La presse Tv a eu vite fait de faire le rapprochement et si l'on ne cite pas le nom de Rolex, au moins on montre la marque avec un gros plan sur un toit de Genève ou une vitrine de boutique. "Vous comprenez ma bonne ménagère, tous ces gens là sont des malhonnêtes".
La consommation du luxe est forcément liée au blanchiment, à la saleté de l'argent mal gagné... Le journaliste ne fait pas forcément la différence entre le luxe propre et le luxe sale, mais c'est paraît-il par souci pédagogique. Le problème est que de fait, il faut admettre que notre univers horloger ne donne pas l'exemple. Par exemple, venir expliquer que la loi anti-corruption chinoise a fait baisser les ventes de 50% en Chine n'est pas la chose la plus glorieuse pour une marque.
Comment faire alors pour redresser une image qui souffre en permanence d'une réputation soufrée ? La solution est-elle de renvoyer un ambassadeur ou une ambassadrice pas encore jugée et au moment où la presse la met en cause, comme on brûlait au moyen âge les sorcières ? C'est pourtant peut-être à ce moment-là que la notion de partenariat aurait tout son sens. Mais nous n'avons sans doute rien compris et probablement qu'être partenaire signifie être grillé plus vite en place publique. Nous n'avons pas encore vu un ambassadeur renoncer officiellement à porter une montre dont le SAV serait indigne de ses clients mais la situation est si tendue que l'on ne sait jamais. Le luxe se rachète une morale et cela n'a pas de prix. Si Tiger Wood est infidèle à sa moitié, il sera dorénavant privé de partenariat commercial, quoi que si tous les cocufiants doivent être privés de sponsors, on risque de ne plus pouvoir soutenir grand-monde. Et puis dans l'horlogerie, on ne pourra pas vraiment soutenir les leçons de morale en ce domaine.
Cherchons donc un autre cas, où un ambassadeur pourrait se séparer de son partenaire horloger ? Voyons, par exemple lorsque celui-ci licencie son personnel dans le cadre d'un plan social sans aucun égard vis à vis des gens qui ont servi une marque pendant des années ! Voilà bien un sujet qui dans une logique sociale de sponsorisé de gauche pourrait donner lieu à rupture de contrat ! "Vous avez licencié des personnels comme des chiens, je ne veux plus travailler avec vous ! " Cela ne manquerait pas de panache mais je crains que nous n'assistions jamais à pareille situation.
Décidément, le luxe n'est pas un bon exemple de propreté morale, en tous les cas pas au point de ne pas mériter sa réputation. C'est dommage car beaucoup de consommateurs de luxe, passionnés d'horlogerie n'y voient que le plaisir de la micro-mécanique, loin, si loin des préoccupations morbides et malhonnêtes. Finalement, les amateurs du luxe horloger sont un peu les otages d'une image qu'ils seraient sans doute les seuls à pouvoir redorer. Encore faudrait-il qu'au delà des intérêts financiers immédiats qu'ils représentent, les clients des marques de luxe deviennent des humains ou des actionnaires. En effet, les milieux financiers n'ont pas le terme de "clients" dans leur vocabulaire, ils ne figurent pas au bilan autrement que sous le vocable de marge et de chiffre d'affaires.
Quel bonheur d'être un millionième du chiffre d'affaires ! Dommage que cela ne donne droit à rien d'autre que de constater la distance immense qui sépare les décideurs des clients terminaux.
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Contraria contrariis curantur. (Les contraires se guérissent par les contraires).