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Sujet: Le calibre 707 de Zenith , un calibre de concours hors du commun 24/04/17, 02:41 pm
Le calibre 707
Le calibre 707 est un mouvement d’observatoire. Surnommé « la patate » à cause de sa forme à la fois triangulaire et ovoïde, il fut conçu en 1961/1962 et construit en 1963. Exclusivement destiné aux concours, il ne connut aucune carrière commerciale. Ce mouvement est le dernier conçu pour la spécificité des concours de l’observatoire par Zenith. Sans nul doute, ce n’est pas sa décoration qui le distingue particulièrement. Il tient son nom de 707 de la catégorie ouverte par le règlement qui limite la participation à des chronomètres de moins de 30 mm de diamètre et/ou à une surface de 707 mm carrés.
La surface exacte du 707 est de 687 mm carrés. Le choix de cette surface de 707 millimètres est la conséquence d’une volonté d’avoir au concours des pièces qui soient ouvertes sur la créativité des fabricants qui y participent. Aurèle Maire, Directeur technique de ZENITH s’investira avec son équipe dans ce projet d’autant plus qu’il a acquis la conviction que malgré toutes ses qualités, le calibre 135 a atteint pour les concours la limite haute des performances accessibles. Toute l’équipe de régleurs de l’époque composée de René Gygax, Jean-Pierre Vuille, Paul Favre et Jean-Pierre Sunier contribuent à ce projet. . Le mouvement participera aux concours dans la catégorie des chronomètres bracelets de 1963 jusqu’en 1967. Réglage, remontage et mise à l’heure se fond par l’arrière au moyen d’une couronne. Le train de rouages (roue des minutes et roue de moyenne) est celui du calibre 17 ¾ lignes, un calibre de poche de 17 lignes et si le balancier est commun avec celui du 135, la ressemblance s’arrête là. En effet, le pont de balancier transversal s’appuie sur trois points dont deux sont situés du même côté et le troisième à l’opposé. D’une construction totalement atypique et asymétrique, le 707 répond au seul souci des chronométriers et se veut avant tout expérimental. Ses caractéristiques sont optimisées pour les compétitions auxquelles on le voue. D’une épaisseur de 5 mm, il reçoit un échappement à ancre, un balancier Guillaume de 13,80 mm x 0,99 mm à 14 vis, un double anti-choc Duofix à l’échappement et au balancier, 21 rubis, un ressort en inox 1.4310 Nivaflex de 460 mm pour une hauteur de 2,10 mm, une épaisseur de 0,16 mm, d’un diamètre enroulé de 15, 50 mm dispose d’une réserve de marche de 36 heures, d’un angle de levée de 52 degrés et sa fréquence est optimisée à 28 800 alternances par heure.
ZENITH teste pour son calibre plusieurs versions dont la fréquence varie en fonction d’une roue intermédiaire dont le nombre de dents est ramené d’abord de 48 à 45 ce qui abaisse le nombre d’alternances par heure à 27 000 puis à 42 dents pour une fréquence réduite à 25 200 alternances. Des essais sont également menés pour pousser la fréquence à 36 000 alternances ou au contraire l’abaisser à 21 600. C’est finalement la version à la fréquence intermédiaire de 28 800 alternances qui est retenue par l’équipe technique qui y voit le meilleur compromis. On peut rétrospectivement s’étonner que ZENITH n’ait pas testé des fréquences plus élevées que des marques comme Longines expérimentaient déjà. Il semble que l’équipe technique de la manufacture n’avait pas encore d’intérêt pour les très hautes fréquences qui pourtant feront son succès en 1969 lors de la présentation du El Primero. Il ne semble pas d’ailleurs que ZENITH se soit livré à des études sur des mouvements évoluant à 36 000 alternances par heure sur d’autres calibres que le 707 antérieurement à la conception de son chronographe mis à part quelques tests sur son 135. Les mouvements Movado qui avaient épousé cette fréquence avaient été conçus totalement en dehors de la manufacture du Locle. Le dernier mouvement conçu par ZENITH pour les compétitions est donc celui qui évolue à la plus haute fréquence jamais proposée par la marque aux concours de l’observatoire de Neuchâtel. Le choix du balancier Guillaume bimétallique coupé n’a rien de surprenant. Il est guidé par les exigences de compensation de températures lors des tests et épreuves du concours. La conception du pont de balancier étranglé en son milieu rend les ébats du spiral observables sur la totalité de sa longueur. Tout ce qui a pu apparaître superflu a été écarté de la conception. En revanche, rien n’a été omis pour améliorer les qualités mécaniques du mouvement. Deux roulements à billes de 18 billes chacun viennent par exemple faciliter le bon fonctionnement du barillet. Les surfaces de frottements ont été réduites au minimum et le plan de lubrification optimisé. Les dents des roues sont effilées, chaque axe est poli, les pierres des palettes d’ancre et l’ensemble des rubis sélectionnés parmi les pierres de la meilleure qualité connue sont également polis soigneusement, bombées et olivées. Le porte piton mobile placé sur la raquette facilite le réglage du spiral sans risque de l’altérer en intervenant sur la virole. Le mouvement obtient des résultats époustouflants aux concours notamment dans la catégorie des pièces isolées de type bracelets en 1964 où le chronomètre numéro 558 réglé par Pierre Gygax est premier avec une note de 2,62. Un autre chronomètre numéro 521 du même type réglé par Jean-Pierre Vuille se classe la même année, troisième avec une note de 2,78 tandis qu’un autre exemplaire numéroté 527, réglé par Jean-Pierre Sunier est neuvième avec une note de 3,43 et que le dixième chronomètre classé, numéroté 515 est réglé par Jean-Pierre Vuille avec une note de 3,43. Ainsi sur les 10 premiers chronomètres, quatre sont des 707 de ZENITH. En 1965, René Gygax classe à nouveau au rang de premier un exemplaire numéroté 601 du mouvement avec une note de 5,58 puis de 4,39 l’année suivante en 1966. La manufacture a construit à peu près de 200 exemplaires de ce calibre, numérotés à partir de 501.Il semble qu’il n’y ait eu que 127 exemplaires présentés aux épreuves des concours entre une et quatre fois. En 1963, 11 calibres 707 sont présentés à côté de 27 calibres 135. En 1964, 38 mouvements 707 sont soumis aux épreuves du concours et de 1965 à 1967, 50 exemplaires sont chaque année portés à l’observatoire de Neuchâtel pour concourir. A partir de 1965 et du numéro 571, les ponts et platines grises de la première série de mouvements reçoivent une dorure.
Il doit être noté que le 261 sera lui aussi présenté dans les derniers concours des années 60. La carrière de ce dernier fut un peu plus longue ...
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Sujet: La famille des calibres ZENITH à butées (calibres 133.8 et 71) 24/04/17, 02:47 pm
Le calibre 71 fut produit de 1954 à 1957 par ZENITH. Ce mouvement est en fait une variante du calibre 133 et du 133.8, calibre à remontage automatique à bumper. Le 133 qui évoluait à 18 000 alternances fut produit de 1948 à 1961 à 25 000 exemplaires et le 133.8 évolution du précédent fut quant à lui fabriqué de 1951 à 1958 à 77 000 exemplaires. Ces calibres ont une base commune et un inventeur commun puisqu'il sont nés de l'imagination d'Ephrem Jobin, créateur par ailleurs du célèbre 135.
ZENITH à la fin de la guerre se rend compte que la manufacture a pris du retard sur ses concurrents et en particulier sur Omega et qu'il lui faut à tout prix un calibre à remontage automatique. Ephrem Jobin est chargé de réfléchir à ce calibre qui bénéficiera d'une raquette à double flèche mise au point par Charles Fleck, chef régleur de la manufacture pour le calibre 120. Charles Fleck adopte le principe d'un calibre très astucieux à bumper en évitant par exemple, des systèmes d'attache des ressorts de renvoi qui cassent si facilement chez les concurrents. ZENITH dépose même un brevet pour cette masse oscillante très particulière.
Ephrem Jobin s'en est remis à l'amplitude des mouvements du poignet pour calibrer la course de la masse oscillante. Le remontage est suffisant et très efficace, mise à part la fréquence, les modifications apportées seront minimes quand ZENITH fera basculer son calibre dans le 21 600 alternances.
Les caractéristiques imaginées par Jobin sont à l'automatisme prêt des caractéristiques que l'horloger a également développées dans son 135.
Un calibre à grand balancier à vis pour le réglage de marche, doté d'un grand barillet pour la réserve de marche et la stabilité du fonctionnement et surtout un calibre plat.
Il manque pourtant quelque chose à ce calibre pour qu'il soit concurrentiel sur le marché. Le calibre 133.8 n'a pas de date. Ephrem Jobin est donc sollicité pour compléter son invention.
Il présente en 1954, une version dotée de la date. La même année Ephrem Jobin quitte ZENITH qui vient de remporter 4 années de suite le premier prix de série de chronométrie au concours de l'observatoire de Neuchâtel. ZENITH en tire une grande fierté et, lors de la remise du prix de 1954, oublie une nouvelle fois d'inviter son horloger qui quittera fâché l'entreprise. Le calibre 71 nait ainsi du croisement du 133.8 et d'un système dateur qui hélas sera figé pendant les 4 années de production des 6 000 exemplaires, et ne bénéficiera pas d'un système de mise à la date rapide.
Le calibre équipe des modèles haut de gamme car son coût de production est relativement élevé. La Captain profite ainsi de ce mouvement sans que semble-t-il il n'existe de version chronomètre comme pour le 133.8.
ZENITH cesse en 1957 de produire ce mouvement au moment où tout le monde abandonne les calibres à remontage automatique à butée. La marque continue jusqu'en 1961 à assembler des mouvements 133.8 et 133 mais dès 1959 va opter pour une autre famille de mouvements produits dans les ateliers de Pont de Martel par Martel Watch C° que la firme du Locle rachète.
Tous les mouvements automatiques produits avant l'ère du quartz par ZENITH sortiront dès lors des ateliers de Pont de Martel que les actionnaires américains de ZENITH revendront en 1975 à un traiteur industriel.
Ce calibre 71, à la date un peu capricieuse est d'une précision exemplaire comme son aîné le 133.8 dont il partage la fréquence de 21 600 alternances par heure. Pour mémoire, le calibre 135 considéré comme rare fut fabriqué à 11 000 exemplaires et il n'existe que 6000 pièces de ce 71.
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Sujet: Rare : La répétition des minutes de Zenith en argent ... 24/04/17, 02:57 pm
La répétition des minutes en argent de Zenith
On est en 1918, la guerre enfin s'est arrêtée. Les troupes américaines continuent à aider les pays d'Europe à se reconstruire avec les Signal Corps et les Corps of Engineers tous dotés de montres suisses et en grande partie de montres Zenith. Le Phare est depuis 1915 sous le contrôle majoritaire de la manufacture Zenith qui porte ce nom depuis 1911. Le Phare offre plus de 200 variantes de ses calibres à répétition des minutes ou des quarts et, en entrant dans la sphére de Zenith, lui a apporté un superbe catalogue de complications. L'ex maison Barbezat-Baillot rebaptisée La Phare fournit à la manufacture Zenith ses calibres mythiques et permet ainsi à Zenith qui disposait d'un catalogue particulièrement riche de devenir la maison horlogère qui dispose sans doute du plus grand catalogue de ce premier quart de siècle.
Zenith comme Omega ou Longines référence des pièces qui vont de la petite montre à 7 rubis d'une précision de 5 minutes par semaine à des chronomètres défiant la précision et susceptibles de varier de moins d'une minute par semaine. Zenith fait à l'époque encore mieux puisque la manufacture est déjà présente dans les concours de chronométrie et est titulaire de premiers prix des concours de chronométrie de l'observatoire de Neuchâtel.
A l'époque, les calibres à répétition des minutes sont en général réservés à des pièces en or. Pourtant la demande est forte et certaines marques proposent à des prix assez accessibles des montres à répétition des quarts dans des boites en acier bleui ou des boites en nickel. Quelques marques offrent des pièces en argent mais dans les métaux précieux, la plus grande production se porte sur des pièces en or.
Zenith présente pourtant en 1918 une montre à répétition des minutes dans une superbe boite en argent. La manufacture est si fière de cet exploit qui permet à un tarif abordable d'accéder à l'une des complications les plus recherchées qu'elle affiche le nom de sa marque en rouge. La manufacture a cette pratique des lettres rouges depuis la fin du siècle précédent pour des pièces souvent destinées aux marchés d'Amérique du sud et à la Russie.
Inutile de préciser que ces pièces à 3 aiguilles sans autre complication sont plutôt rares et que lorsque le détaillant a pu convaincre le client d'entrer dans la boutique en exposant en vitrine une répétition des minutes en argent, il ne lui reste qu'à lui présenter la pièce en or qui doit conduire l'amateur de belles pièces à franchir le pas vers la montre habillée du métal le plus précieux et d'une complication supplémentaire : le chronographe.
Voici donc l'une de ces exceptionnelles Zenith en argent à répétition des minutes et sans fonction chronographe.
Pièce magnifique d'un diamètre de 54 mm hors couronne dans une boite épaisse à 900 millième d'argent, cette Zenith permet de retrouver les aiguilles bleuies qui font la beauté de ces montres et ce cadran caractéristique des montres Zenith du premier quart de siècle avec ces chiffres arabes en noir et cette indication des 24 heures en rouge dans un chemin de fer qui présente les minutes.
Le calibre n'est pas la version la plus empierrée proposée à l'époque et pour cause puisque l'objectif poursuivi était de produire à un prix abordable une répétition en tous points aussi efficace que les versions les plus haut de gamme. Avec cette pièce, Zenith réussit son pari. Plus d'un siècle plus tard, la montre n'a rien perdu de son charme et de sa beauté. La marque en rouge est toujours aussi attractive et la montre donne cette irrésistible envie de presser sur le poussoir pour entendre l'heure. Il ne faut en effet pas oublier que la fonction sonore des montres visait au delà du gadget raffiné que nous y voyons aujourd'hui à pouvoir entendre les heures soit en faible éclairage soit parce que la vue du propriétaire de la montre ne permettait pas de la lire sur le cadran. La guerre a fait revenir au foyer plus d'un combattant aveugle à cause des gaz ou des éclats d'obus et ce type de montre était une manière de conserver la détention individuelle de l'heure. Les manufactures horlogères avec l'invention de la montre à ancre avait apporté cette conquête sociale aux travailleurs en les plaçant à égalité avec les plus fortunés et la complication des répétitions des minutes préservait cette conquête pour ceux qui ne pouvaient plus connaître l'heure par le regard.
Zenith avec ce modèle démontre son omniprésence et sa proximité des gens qui en firent plus qu'une simple marque industrielle, une marque chargée d'affectif pour plusieurs générations.
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Sujet: Les Zenith au poinçon de Besançon - Page d'histoire de la manufacture [Vipère] 24/04/17, 03:16 pm
Poinçon de l'observatoire de Besançon et poinçon de Besançon ...
On trouve dans les ouvrages horlogers et sur certaines montres anciennes la mention du Poinçon de Besançon et en référence de manière aléatoire, celle du poinçon de l'Observatoire de Besançon et celle du poinçon que l'on peut qualifier d'économique de Besançon. Il existe une différence fondamentale entre ces deux poinçons.
Le poinçon de l'observatoire de Besançon est un poinçon chronométrique appliqué sur des pièces ayant satisfait à des critères de chronométrie. Il fut créé en 1897 sous forme matérielle de poinçon insculpé sur le calibre. Le poinçon représente bizarrement une tête de vipère dont on ignore par quoi elle fut inspirée.
Le poinçon de Besançon fut quant à lui créé en 1929 par les syndicats de fabricants et la Chambre de commerce et d'industrie de Besançon et du Doubs afin de récompenser les plus belles pièces d'horlogerie. Il atteste d'une qualité supérieure et est accessoirement une manière de créer une sorte d'appellation d'origine contrôlée. Il peut prendre la forme du sceau de la ville de Besançon insculpée sur le calibre ou simplement d'une référence gravée sur le calibre et plus rarement sur le cadran. Norme sans l'être, il fixe une origine et garantit que la pièce fut assemblée à Besançon. On parlerait aujourd'hui plus de label que de poinçon.
Ce second poinçon ne figure pas nécessairement sur le calibre de manière visible. Il peut être caché sous un pont ou plus rarement être mentionné sur le cadran pour désigner que toute la pièce est soumise au poinçon de Besançon qui s'apllique à la montre et non au seul calibre. Cette mention n'est pas courante du tout sur les montres de marques a fortiori sur des marques qui sont suisses et n'avaient en France qu'une filiale. Zenith a présenté de très rares montres avec cette mention
On connaissait donc la mention "Fabrication Française" "Made in France" et voici celle plus pointue de "Poinçon de Besançon".
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Sujet: Extraordinaire : Quand Zenith en 1966 a inventé le calibre sans entretien ! 25/04/17, 09:18 am
Le calibre 1724 et 1725 à remontage automatique à différentiel
L’une des innovations de la manufacture Zenith parmi les plus marquantes est certainement son système de remontage à différentiel. Dans ce calibre, la masse oscillante au lieu de ne remonter que le barillet, agit directement sur les rouages et seul le surplus d’énergie est emmagasiné dans le barillet. Le différentiel équilibre les forces et évite le rebat.
L’idée développée dans un brevet déposé le 10 décembre 1964 (à 22 heures !) par ZENITH avec Fred Guyot comme inventeur, est enregistrée sous le numéro 426 651 par le bureau Fédéral de la propriété individuelle. Il faut attendre le 15 mai 1966 pour que soit délivré le brevet. L’idée est originale. Elle consiste à monter un différentiel directement dans le barillet d’une montre et, mentionne l’acte d’enregistrement du brevet, « ce différentiel étant commandé par la masse et entraînant d’une part directement le rouage de finissage et d’autre part le barillet, le tout dans le but de faire absorber ou délivrer à ce barillet la différence entre l’énergie produite par la masse et l’énergie consommée par le rouage. » Le dispositif est intéressant en ce qu’il permet une simplification du rouage car le différentiel participe à la démultiplication du rouage de remontage et parce que le rouage reliant le différentiel au barillet est commun au remontage comme au finissage (le finissage est le rouage de la montre). En outre, il est possible d’utiliser des diamètres plus faibles pour le rochet et la denture de barillet. Cela permet un gain de place et donc autorise à la fois le recours à une masse plus lourde, un barillet et un organe réglant de plus grand diamètre améliorant par conséquent, la réserve de marche et la précision. Le barillet n’est plus dans le système, qu’une source d’énergie d’appoint et le rendement du rouage est meilleur puisqu’on réduit les frottements. Par ailleurs, l’alourdissement de la masse oscillante en augmente la sensibilité aux mouvements et la moindre secousse donne de l’énergie au rouage. Le système ne puise l’énergie dans le barillet que si la montre est totalement immobilisée.
Ce calibre est complexe et c’est l’équipe des régleurs de précision dirigée par René Gygax qui contribue énormément à sa mise au point. Ce type de développement montre à quel point la manufacture poursuit la recherche d’innovations et s’exerce à adapter des technologies élaborées à ses calibres.
C’est sous les références de calibres 1724 et 1725 que cette technologie sera présentée. La famille de mouvements pour dames avec ou sans seconde centrale fait recevoir à la Fabrique des Montres Zenith SA un prix d’honneur décerné le 12 décembre 1966 par la Fédération Suisse des Associations de fabricants d’Horlogerie dans le cadre de la participation de l’industrie Horlogère suisse à l’exposition universelle et internationale en 1967. Oscillant à 19 800 alternances par heure avec un angle de levée de 50° pour une réserve de marche de 43 heures. Une version 1724 C et 1725 c adaptant un dispositif de calendrier à saut instantané sera présentée un peu plus tard.
ZENITH associé à Movado dans les étapes de présentation de ce calibre présente ainsi son invention.
« Il s’agit de la première montre automatique à action directe, en ce sens que le rotor transmet directement son énergie à l’organe réglant à travers un dispositif différentiel lié d’une part au rouage de finissage, d’autre part au barillet. La fonction du différentiel consiste à ne faire absorber ou délivrer par le ressort, que la différence entre l’énergie produite par le rotor et l’énergie consommée par la montre. Le barillet va ainsi tourner, tantôt dans un sens, tantôt dans l’autre selon que l’énergie produite par le rotor est supérieure ou inférieure à l’énergie nécessaire à l’entretien des oscillations du balancier. Il restera immobile en cas d’égalité de ces deux quantités d’énergie. Le dispositif différentiel étant inséré après le barillet et avant l’échappement, certains éléments du rouage de finissage vont servir aussi bien à l’armage du ressort qu’à l’entretien de l’oscillateur, rendant le remontage manuel totalement indépendant de la fonction de remontage automatique.
Par sa construction ingénieuse, le dispositif différentiel, dont toutes les pièces une fois assemblées ne forment qu’un seul mobile, se met en place dans le mouvement aussi facilement qu’une roue de finissage. »
Les avantages en sont largement développés car l’innovation est d’importance et si la percée du quartz n’était pas venue contrarier le développement de l’horlogerie mécanique on peut présumer du succès qu’elle aurait rencontré. Les atouts du mouvement sont ainsi décrits :
« La montre automatique dames ZENITH-Movado bénéficie en outre, des derniers perfectionnements de la technique à savoir :
a- Un organe moteur à grande réserve de marche, équipé d’un ressort inoxydable autolubrifié et d’un dispositif limitateur de couple à encoches (système ZENITH-Movado)
b- Un balancier de grande dimension assurant un réglage précis et stable. D’autre part, l’organe réglant, dont la fréquence a été étudiée spécialement en fonction de ce calibre, est équipé d’un porte-piton mobile et d’une raquette à réglage micrométrique.
c- Un pont d’ancre à parois de limitation indéformables garantit la régularité des fonctions de l’échappement.
d- Un rotor en carbure de tungstène, monté sur roulement à billes permet un remontage rapide et sûr (le mécanisme de remontage automatique proprement dit ne comprend que le rotor et un dispositif inverseur à pignon baladeur).
e- une tige de remontoir à fixation automatique (système ZENITH-Movado) »
Ce système de différentiel ne nécessite en théorie aucun entretien et seuls les pivots et dentures extérieures doivent selon ZENITH être nettoyés à l’aide d’un bâton de sureau imbibé de benzine rectifié. Le système qui ne doit en aucun cas être passé en machine à laver par l’horloger n’est en fait pas sujet à interventions et ZENITH recommande son remplacement pur et simple, en cas de problème.
L’invention est assurément innovante et si la mise au point fut plus longue et fastidieuse que prévu, l’équipe de chronométriers/régleurs de ZENITH fut particulièrement sollicitée pour contribuer à sa fiabilisation et à la mise en fabrication. Cette technologie fut un pari tant technique qu’économique à un moment où l’avenir des mouvements mécaniques est incertain face à l’apogée du quartz. Le calibre à remontage différentiel fut fabriqué pendant deux ans puis abandonné. Outre la vague déferlante des montres à quartz, la complexité de son réglage, alors que l’électronique n’est pas encore entrée dans les outils courants des horlogers, laissait peu de chance à cette technologie de prospérer. Ce mouvement demeure l’une des concrétisations du souci d’innovation qui animait la manufacture à l’heure où d’autres avaient déjà abandonné le terrain de la création mécanique.
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Sujet: La dernière pièce Zenith lauréate du dernier concours de chronomètrie de 1968 25/04/17, 09:25 am
En 1968, pendant que Paris s'enflamme et que la France tourne au ralenti pour cause de grêve générale, l'observatoire de Neuchâtel va vivre son dernier concours de chronométrie.
Rattrapée par le quartz venu d'Asie, l'horlogerie suisse peine et les manufactures qui participaient aux concours ne voient plus dans les derniers règlements l'intérêt qu'elles trouvaient antérieurement pour soigner leur image. Les projets de règlements de concours ressemblent à une distribution générale de prix et Zenith est l'une des premières manufactures à dénoncer la perte de crédit scientifique des épreuves par l'intermédiaire de son chronométrier René Gygax.
Les causes de cet arrêt font l’objet d’une note de René Gygax datée du 5 avril 1970. Il y reprend l’historique des concours et leurs principes fondateurs avant d’exprimer son sentiment (celui de ZENITH) au sujet des changements de règlement intervenus.
Il rappelle que l’ancien règlement ouvrait la voie aux résultats expérimentaux et laissait « toute liberté aux fabricants déposants de se servir techniquement et commercialement des déductions à tirer des travaux de leurs services chronométriques. » Il rappelle que c’est la valeur intrinsèque des mouvements qui était testée et que ces concours étaient d’avant-garde pour autant que l’on veille bien se servir des enseignements fournis par le comportement de divers éléments fonctionnels des pièces déposées.
L’auteur met en opposition ces principes avec les conséquences de l’application du nouveau règlement qui « est un contrôle statistique des éléments fonctionnels et de ceux qui leur conservent, dans différentes conditions, leurs propriétés, en test de positions, thermique, dynamique, d’influence dans un champ magnétique, de reprise de marche, opéré sur la production de montres de même fabrication que celles à disposition du client chez le détaillant. » René Gygax ajoute « Ce n’est plus un concours, ce sont des épreuves auxquelles celui qui s’y soumettra, connaîtra la situation de ses propres résultats par comparaison à ceux obtenus par d’autres firmes sans connaître les noms de ceux qu’il précède ou qui l’auront précédé. »
L’auteur met en exergue quelques dispositions du règlement tels le rendu des résultats sous forme de tableau anonyme et donc sans nom de fabricant. Il cite une phrase qui précise que « Le Conseil d’Etat peut décerner un prix à un participant particulièrement méritant » et que « le prix est attribué sur préavis d’une commission constituée de membres de la commission de l’observatoire qui se prononce sur la base d’un tableau de résultats anonymes. »
Le propos d’une personnalité en séance quant à la façon dont les régleurs venaient apporter avec soins leurs pièces à l’observatoire, « en marchant très lentement et en recommandant de ne pas souffler sur les mouvements de crainte qu’elle ne s’arrêtent ou soient perturbées dans leur marche » semble avoir ajouter à la « fâcherie ».
La note conclut sur l’interdiction faite aux régleurs pour les exercices 1969 et 1970 de ne pas participer aux concours et mentionne l’intérêt constant conservé par la manufacture pour la précision. La note mentionne « le maintien de l’effectif complet dans son atelier de réglage de précision et le comblement des temps impartis aux concours par des travaux de chronométrie commerciale et la recherche pratique qui est devenue mieux adaptée aux problèmes urgents posés par la fabrication moderne.
Depuis 1963, chaque année Zenith ne présente pas moins d'une cinquantaine de montres aux concours annuels de Neuchatel, essentiellement des mouvements 707 (707 mm2 étant une surface figurant dans le règlement), des 5011 et des 261 pour la catégorie "Bord". 1968 sonne le glas des concours et pour la dernière fois du siècle, Zenith présente ses légendaires chronomètres. Depuis 5 ans on ne parle plus de premiers prix mais de prix de Chronométrie. Le calibre 261 voit sa carrière dans les concours s'étaler de 1930 à 1968.
Parmi les montres présentées, ce chronomètre exceptionnel dans son contour en bois qui a la taille d'un pavé et qui va remporter le prix de chronométrie dans la catégorie "Bord"...
Le calibre est un 261... Le 261 imaginé en 1928 et fabriqué dès 1930 connaît jusqu’en 1968 une longue carrière au titre des concours de chronométrie. Ce mouvement de montre d’observatoire d’un diamètre de 65 mm avec une platine petit modèle est muni d’un remontage et d’une mise à l’heure arrière, d’un indicateur de développement du ressort par engrenage sans arrêt du balancier Guillaume qui lui apporte sa précision. Ce mouvement fut exclusivement emboîté, montre de concours oblige, dans des coffrets en bois vitrés, parfois des deux côtés, pour satisfaire aux épreuves. Destiné aux compétitions dans la catégorie des chronomètres de bord , le calibre 261 a deux variantes non destinées aux concours.
La première qui porte la référence 260 est munie d’un remontage et d’une mise à l’heure par la lunette, d’un indicateur de développement du ressort par engrenages, d’un système d’arrêt du balancier bimétallique ou glucydur.
Assemblé dans des coffrets bois munis de suspensions et de systèmes dits à cardans, on le retrouve exploité dans des chronomètres de vitrines et des chronomètres de bord dits de marine.
Une seconde variante aux qualités chronométriques existe sous la référence 262. Ses caractéristiques sont plus proches du 260 avec un emboîtage différent de la version réservée au concours. Le 262 est muni d’un arrêt de balancier. Certains des calibres de cette famille sont dotés à partir de 1924 d’une raquette particulière, mise au point en 1923 et réservée aux montres de concours. L’objectif poursuivi par ses créateurs est de favoriser le réglage fin des oscillations du balancier par l’écartement de deux goupilles agissant sur l'isochronisme aux faibles amplitudes.
Ce calibre bénéficie d'une raquette tout à fait spéciale qui permet de préserver l'isochronisme dans toutes les positions grâce à un système d'écartement strictement parallèle des goupilles. L'ébat du spiral est ainsi identique quelle que soit la position de la montre et donc du spiral qui a tendance à se positionner vers le bas, gravité oblige.
On notera ici que ce type de raquette n'existe qu'en un exemplaire unique dans une montre de poche sur un calibre de 20,5 lignes qui fut lui aussi premier prix du concours de l'observatoire de Neuchâtel en catégorie Poche, puis Bord en 1924 et 1925.
Les chronométriers comme on peut le voir sur ces images avaient dû adapter cette raquette pour le calibre 20,5 lignes et la fourchette écarte goupilles est disposée de manière différente de ce que l'on peut voir sur le 261.
Cette pièce lauréate du dernier concours international de chronométrie organisé par l'Observatoire de Neuchâtel fut préparée par René Gygax et Paul Favre qui étaient deux des chronométriers les plus talentueux de la manufacture. Une pièce comme celle-ci porte l'histoire des concours de chronométrie dont elle ponctue la disparition par un glorieux point final signé Zenith. L'année 1968 est pour Zenith un véritable millésime, la manufacture y enregistre une fois de plus un record absolu pour un chronomètre de bord avec un résultat N=1,54 ce qui représente le meilleur résultat des pièces à balancier spiral réglées dans les positions de concours, jamais déposées à ce jour.
Sans nul doute, les chronométriers de Zenith et les horlogers de la manufacture, tout comme les cadres de direction qui soutenaient leurs équipes, ont vibré dans l'attente des résultats de ce dernier concours et cette pièce était forcément le dernier rempart avant la déferlante du quartz et d'une autre époque qui allait balayer l'horlogerie mécanique.
Terminer les concours en pleine gloire, laisser pour l'éternité l'image du savoir-faire et clore un chapitre long de plus d'un siècle, celui du premier siècle de la manufacture, était une lourde responsabilité pour les chronométriers de Zenith. Leur réussite est le plus bel hommage à la pugnacité de tous les chronométriers et horlogers qui ont fait la manufacture et l'ont hissée au premier rang des maisons horlogères lauréates des concours de chronométrie.
Cette pièce fait honneur à la manufacture Zenith et la redécouvrir fait vibrer le coeur des amateurs à plus de 36 000 alternances, cette fréquence extraordinaire qui ouvrira le second chapitre de l'histoire de la manufacture du Locle. Fait troublant d'ailleurs, ce sont les chronométriers, héros des concours qui vont prêter main forte aux derniers développements du El Primero qui ouvrira pour Zenith une nouvelle période de gloire.
Les pièces de concours sont toujours porteuses de magie et d'histoire, celle-ci n'échappe pas à la règle et la voici maintenant connue de tous !
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Sujet: L'histoire folle d'un double premier prix de chronomètrie - L'intégrale 25/04/17, 09:27 am
On a retrouvé un double premier prix de chronométrie !
« Il n'y a point de hasard » (Voltaire)
. Il est des rencontres qui ne se produisent jamais parce que leur probabilité est si faible qu’elle flirte avec le 0 chez les montres. La distance qui sépare les individus, leur tissu de relation qui diffère et l’absence de motifs pour se retrouver font que des milliers d’êtres se croisent sans se voir et s’ignorent au point de ne même pas s’en rendre compte. Internet a fait exploser les barrières entre les hommes et même si les distances demeurent, permet des rencontres improbables entre les détenteurs d’objets rares et leurs amateurs aux aguets.
Un collectionneur de montres qui découvre une jolie pièce auprès d’un marchand ou d’un autre collectionneur, c’est une aventure heureuse mais terriblement logique et commune. Ce qui l’est beaucoup moins, c’est la pièce rare et unique qui passe sous les yeux d’un véritable amateur parmi des centaines, au milieu d’un site internet d’enchères et que par pur instinct, cet amateur se sente comme poussé à en faire l’acquisition.
Que ce collectionneur chanceux fasse ensuite des recherches sur les origines de la montre et les dates de sa fabrication n’a rien d’étonnant. De même, que la manufacture qui a fabriqué cette montre apporte les précisions demandées est un gage de son sérieux et du bon classement de ses archives. Par contre, que cet amateur se convainque seul, à la lecture d’ouvrages sur les concours de chronométrie organisés jusqu’en 1968 par les observatoires et en particulier celui de Neuchâtel, que sa montre est une pièce de concours et s’en fasse une certitude au point de faire mener une recherche approfondie par la manufacture est un cas beaucoup plus exceptionnel.
Lorsque la manufacture ZENITH reçut la demande de procéder à une recherche sur le chronomètre en argent numéro 2583321, l’archiviste ne fut guère convaincue que la recherche put être fructueuse dans le sens attendu de son interlocuteur. Les pièces de concours sont rares, très rares et si quelques-unes furent exceptionnellement vendues, leur nombre fut si faible qu’elles font très rarement l’objet de transactions.
La qualité première chez un collectionneur est la pugnacité. Jamais il ne doit abandonner ses objectifs de reconstitution de l’histoire des objets. Chaque pièce a pour lui une véritable histoire qui la marque à jamais. Il fallait donc impérieusement la bienveillance de ZENITH pour lancer une recherche dans les archives pour recouper les informations entre les cahiers de production des montres et les indications d’entrées et de sorties des pièces. Dans le registre général des archives de ZENITH, la mention « Chronomètre spécial » reste très énigmatique quant à la spécificité de la montre.
Après un peu plus de deux heures de recherches, c’est dans un cahier réservé aux montres présentées à l’observatoire retraçant le suivi des « mouvements » des montres depuis leur fabrication jusqu’à leur sortie de la manufacture que les premières traces non équivoques de l’appartenance de la montre aux pièces de concours furent retrouvées.
Dans ce cahier, chaque colonne donne en référence d’un numéro de calibre, les caractéristiques de celui-ci et trace son devenir jusqu’à son expédition en vue de sa vente. En regard du numéro 2583321, il est mentionné dans l’une des colonnes, sous la rubrique "Pièces déposées à l’Observatoire", "Pièce sortie le 13 août 1924, rentrée le 27 septembre 1924" et dans la colonne suivante "1ère Poche", puis immédiatement en dessous un second cycle mentionne la nouvelle sortie de la montre le 17 octobre 1925 et sa rentrée le 31 décembre 1925. Cette fois, c’est la mention "Bord 1er Prix" qui interpelle. La montre aurait-elle donc obtenu deux premiers prix de chronométrie ? Le phénomène ne semble pas totalement isolé et les registres mentionnent pour une autre montre de la même veine et d’un numéro approchant, une expédition à un particulier américain, le 17 avril 1930 et pour un troisième modèle, un don au Conseil d’Etat suisse pour un prix de tir fédéral, le 24 mai 1929.
Pour le modèle numéro 2583321, il est simplement mentionné « 31 - III - 1930 -Commande 302 - France » ce qui signifie que la montre fut commandée par ZENITH France à Besançon, non pour être vendue mais plus probablement pour être exposée lors de l’exposition coloniale de 1931 à Paris.
Ces informations en main, il ne restait qu’à retrouver les « diplômes » de la montre attestant de ses premiers prix de chronométrie de l’observatoire de Neuchâtel. Si le précieux document de 1925 a probablement accompagné la montre dans son périple, celui de 1924 est bel et bien présent dans les archives de ZENITH pour attester des résultats exceptionnels de la montre qui, deux années consécutives, a remporté dans la catégorie « Poches » puis « Bord », le premier prix de chronométrie de l’Observatoire Cantonal de Neuchâtel.
Les archives de la manufacture ZENITH permettent de connaître de manière encore plus précise l’histoire de cette pièce et de la replacer dans son contexte de l’époque depuis les premiers instants de sa fabrication en 1920.
Au Locle comme partout dans le monde, on prépare Noël ce 21 décembre 1920 dans l’ambiance burlesque et insouciante des années dites folles. La guerre terminée, le monde panse ses plaies et au sein de l’atelier de ZENITH qui produit les ébauches, ouvriers et ouvrières s’affairent sur une série de 200 calibres de montres de 20 lignes et demie. Comme d’habitude, personne ne sait dans quelles montres ces ébauches seront assemblées. On ne peut pas plus imaginer que l’une d’entre elles, celle qui va porter le numéro 2583321, va avoir une destinée particulière, hors du commun et fera partie des quelques dizaines des meilleures montres jamais fabriquées par la manufacture du Locle. Sans aucun doute, la prémonition d’avoir une pièce si exceptionnelle dans le lot d’ébauches fabriquées aurait conduit à arracher prématurément la pièce du panier où elle était noyée parmi ses sœurs et frères.
On ne peut imaginer qu’identifiée dès sa naissance, elle aurait encore attendu 11 mois de plus pour passer le 22 novembre 1921 entre les mains des ouvriers de l’atelier de dorage, à l’heure de grosses gelées au Locle, dans un mois de novembre qui fut le plus froid enregistré depuis le 18ème siècle.
L’heure du choix
Pourquoi Charles-Ferdinand Perret, chronométrier chez ZENITH a-t-il choisi aux alentours du 10 avril 1924, ce calibre pour lui donner une prestigieuse destinée ? Comment ce régleur qui établit en 1923, un record de précision qu’il fallut vingt ans pour faire tomber, mit-il la main sur cette ébauche terminée ou en voie d’assemblage en ce début d’année 1924 pour en faire une montre de compétition destinée au plus prestigieux des concours ?
La raquette très spéciale dispose d'un système d'écartement des goupilles qui préserve un isochronisme optimal
Pour le savoir, il faut d’abord appréhender les modalités du choix du type de mouvement. Le 20 ½ lignes est un mouvement conçu fondamentalement pour atteindre des niveaux poussés de précision. Il s’est d’ailleurs déjà illustré par de brillants résultats lors des années antérieures. Les calibres de grand diamètre aux balanciers larges et bimétalliques dits « Guillaume » sont pour les régleurs de précision des pièces de premier choix. Peu sensibles aux variations de températures, la taille surdimensionnée des pièces qui les composent les rend aussi fiables que performants. Une fabrication soignée et parfaitement au point au sein des ateliers de la manufacture permet en outre, grâce à des fraisages et des perçages précis, de tabler sur une continuité de qualité de toutes les pièces d’une même série. Il faut sans nul doute considérer qu’aucun choix n’est le fruit du pur hasard et que la pièce prélevée n’est pas isolée, mais appartient à un groupe de plus de 6 montres. En effet, les prix de série ne sont attribués aux fabricants que sous réserve de présenter au moins 6 montres aptes à passer les épreuves avec succès.
Il est donc plus que probable que Charles-Ferdinand Perret ait dû tester une dizaine de pièces au moins et sélectionner les meilleures de celles bénéficiant de la plus parfaite finition. Peut-être a-t-il engagé la sélection avant assemblage complet des pièces du mouvement, en réalisant lui-même une partie des opérations par exemple de sertissage ou de finition. Cela reste incertain. Il est plus probable qu’il ait sélectionné pièce par pièce les composants des mouvements réservés au concours et en particulier, celles de ce calibre numéroté 2583321. L’habitude était au sein de la manufacture de « mettre de coté » ou de remarquer des mouvements présentant des caractéristiques de précision exceptionnelle au sein d’une série de pièces dites de qualité supérieure. De 1921 à 1924, le mouvement a donc séjourné à l’abri de la poussière dans les réserves de l’atelier des régleurs de précision en attendant le jour ultime de la sélection.
Lorsqu’on examine la montre, on acquiert rapidement la certitude que son mouvement n’a pas connu une finition classique, ni même luxueuse mais bel et bien que toutes les pièces qui le composent on fait l’objet d’un traitement particulier pour en parachever la finition jusqu’à se rapprocher de la perfection absolue, raison d’être de la chronométrie de compétition.
La dorure sans faille à la fois chaude et mate, la finesse du grain de finition, le velouté exceptionnel de l’aspect du laiton, l’anglage des ponts, le pont d’ancre particulier associant acier et laiton, l’empierrement généreux de 21 rubis, le balancier Guillaume compensé coupé à vis avec ses vis de réglage en or et en platine, le spiral Breguet, le contre pivot à l’échappement, le polissage des pivots sur les deux faces pour ne laisser aucune aspérité, la qualité des pierres et celle des palettes de l’ancre en particulier, les vis polies à l’extrême pour éviter la corrosion, la netteté des traits, les roues à la finition presque sablée sont autant de gages de la qualité exceptionnelle de la montre qui la font basculer de pièce de série, à celle de l’exception. On ne parle pas encore à l’époque de la haute horlogerie mais cette pièce en serait digne tant aucun élément n’en a été négligé. La gravure de la mention « Chronomètre » rappelle que ce mouvement n’est pas à classer dans les calibres courants mais correspond dès le stade de la mise en fabrication à des critères et des contrôles de qualités réservés à l’élite horlogère.
Evidemment, les choses ne s’arrêtent pas là car cette montre est dotée d’un spiral Breguet assez particulier et d’une raquette créée en 1923 pour les calibres chronomètres 260, 261 et 263 et exceptionnellement astucieuse. Le système est plus qu’ingénieux et rare. Il permet le réglage fin des oscillations du balancier par l’écartement de deux goupilles agissant sur l'isochronisme aux faibles amplitudes. Les oscillations d'un « balancier spiral » sont dites isochrones lorsque leur durée est indépendante de l'amplitude. L’isochronisme signifie que ces oscillations se produisent à intervalles de temps égaux. L’isochronisme est donc fondamental dans la précision de la montre.
Par un écartement du jeu de lames de quelques centièmes de millimètres, l’ajustement donne un ébat du spiral plus ou moins important entre les deux goupilles qui permet ainsi de se rapprocher au plus près de l’isochronisme et par un réglage ultime de la montre, de la préparer pour la compétition. Sur ce mouvement réservé aux concours, la raquette faite à l’unité dispose d’un système original qui permet par le serrage ou le desserrage d’une vis de moduler l’écartement des goupilles en maintenant le parallélisme parfait de celles-ci. L’ébat du spiral reste ainsi identique quel que soit le plat dans lequel la montre est positionnée alors que dans un système classique, où l’écartement des goupilles serait réalisé avec des pinces brucelles, l’ébat du spiral ne resterait pas constant quelle que soit la position de la montre. En effet, la gravité fait plus ou moins descendre le spiral et dans un système où le parallélisme ne peut être assuré, le réglage est d’autant plus aléatoire que l’ébat du spiral diffère en fonction du positionnement du mouvement. Avec ce dispositif de raquette, la montre à plat sur le cadran ou à plat sur le fond conserve un réglage garanti et fiable ce qui est fondamental pour assurer les qualités chronométriques de la pièce.
Charles-Ferdinand Perret travaillera ainsi à parfaire le réglage de cette montre et de plusieurs autres du même type pendant des mois jusqu’à sortir celle-ci et cinq autres de la même famille du lot sélectionné, en vue du concours de chronométrie organisé par l’observatoire de Neuchâtel en 1924. Les montres pouvaient en effet, ne pas être toutes livrées en même temps à l’observatoire, laissant aux chronométriers le temps d’optimiser tous les modèles présentés au concours dans la catégorie poche ou bord des prix de série. Il n’est pas établi que les cinq autres mouvements eussent été dotés de la même raquette et c’est même fort peu probable. Les calibres pouvaient en effet, être présentés avec des variantes.
Le temps de l’épreuve
Le 13 août 1924, la montre numéro 2583321 est emmenée méticuleusement par Charles- Ferdinand Perret à l’Observatoire de Neuchâtel pour subir les épreuves du concours dans la catégorie des montres de poche. Elle est alors enfermée dans son « contour » en bois, sorte de boîtier transparent sur les deux faces, destiné à protéger le mouvement livré aux tests.
Le règlement en vigueur depuis 1922 classait les chronomètres d’après la somme de leurs défauts et le chiffre 0 rapprochait ainsi la montre notée de la perfection. Les montres de poche devaient subir des contrôles dans les 5 positions et à 3 températures durant 45 jours (hors premier jour d’essai) répartis en 10 périodes d’abord de 5 fois 4 jours à 18 degrés en position verticale pendant en haut, à gauche et à droite, puis 4 périodes de 5 jours en position horizontale cadran en haut à 4, 18, 32 et 18 degrés enfin une période dans la position et à la température initiale.
Les quatre principaux critères de sélection pour apprécier la précision des montres présentées reposaient sur les points suivants :
-l’écart moyen de la marche diurne -l’écart moyen correspondant à un changement de position (sauf pour les chronomètres de marine), -la compensation au regard du coefficient thermique (variation de la marche correspondant à une augmentation d’un degré de température), l’erreur résiduelle (soustraction aux résultats de la marche dans l’étuve et dans la glacière de ceux relevés à la température ambiante). -la reprise de marche (différence entre le premier et le dernier relevé de la marche d’une pièce dans la même position et à une température semblable.)
Tous ces résultats étaient pondérés par des coefficients avant classement définitif.
Le chronomètre 2583321 est donc pris en charge dans ce cadre réglementaire par l’observatoire et il est, sans attendre, engagé dans les épreuves. Son mécanisme est remonté avec précaution par le technicien en charge de ceux-ci. Il en sera de même régulièrement pendant les 45 jours d’épreuves afin de lui donner la réserve de marche optimale et de pouvoir s’assurer de la continuité de la qualité du réglage à tous les stades d’avancée dans la réserve de marche. Le déplacement des aiguilles est alors mesuré, enregistré, scruté, étudié et la montre est mise à l’épreuve. Sa précision est comparée aux indications horaires des régulateurs de l’observatoire dans les implacables phases du programme d’épreuves imposées par le règlement du concours. Tout au long des épreuves, Charles Ferdinand Perret se tient au courant des résultats obtenus par son chronomètre, celui là même qu’il a préparé tel un cheval de course surentraîné pour faire la conquête du meilleur temps. Pratiquement chaque jour, il interroge pour se rassurer le technicien de l’observatoire avec lequel tous les régleurs déposant des pièces ont sympathisé à force d’interrogations fébriles sur les performances de leurs poulains. Jamais livré à lui-même, le chronomètre 2583321 ne faiblit pas, il se montre digne de la confiance que lui a portée son préparateur et dès les premiers résultats, les mesures exceptionnelles faites dans les ateliers de ZENITH sont confirmées par celles de l’observatoire. On file dès les premières heures vers le parcours sans faute, celui des as des as, celui des pièces d’exception qui sont aptes à devenir les icônes des manufactures qui les ont pensées et des chronométriers qui les ont domptées. Charles Ferdinand Perret est confiant. Déjà dans son atelier, il avait repéré ce chronomètre dont il pressentait qu’il allait le conduire vers la victoire, vers la place de premier, celle du meilleur, celle qui fait oublier les suivants et récompense le talent, le savoir-faire et la maîtrise la plus parfaite du temps.
Quand après avoir satisfait aux épreuves, le chronomètre est rendu à Charles Ferdinand Perret, le 27 septembre 1924, ses résultats exceptionnels lui ouvrent la voie du premier prix de chronométrie de l’année 1924 avec un nombre de classement de 6,3. La certitude de la victoire n’est bien entendue pas encore acquise mais on sait d’expérience que la prouesse sera difficile à dépasser avant la fin de l’année. Une autre inquiétude commence alors, alimentée par l’observation des pièces des autres candidats et des scores obtenus par les chronomètres qu’ils ont préparés avec autant de fébrilité, de savoir faire et de certitudes. Rien pourtant ni personne ne semble capable de venir dépasser le chronomètre présenté par ZENITH qui va pouvoir conforter sa position d’expertise dans la chronométrie.
Les résultats proclamés le 10 février 1925 font mention pour le chronomètre de poche N° 2583321 d’un écart de marche diurne de 0,18 secondes et un écart moyen correspondant à un changement de position de 0,21 secondes. Le coefficient thermique de – 0,024, une erreur moyenne de la compensation de + 0,25 et une reprise de marche de +0,42 démontrent des qualités hors du commun justifiant le premier prix décerné à la « Fabrique des Montres ZENITH ».
Souvent à l’issue des résultats du concours, les montres victorieuses ont quatre destinations possibles. Soit elles regagnent la nuit des cartons et des réserves de la manufacture dans lesquels les montres vieilliront dans l’oubli, soit le chronométrier la conservera en souvenir de son exploit, soit la montre sera réemboitée dans une carrure classique pour être vendue, soit enfin la montre sera conservée pour d’autres épreuves. La montre chronomètre aurait pu voir ainsi s’arrêter sa carrière d’athlète en pleine gloire, mais sa fabuleuse destinée ne s’arrête pas là. Charles Ferdinand Perret n’aura pas la chance de poursuivre avec cette montre la démonstration de son talent. Lui qui a passé des centaines d’heures avec cet instrument qui lui est devenu si familier qu’il en capte intuitivement l’anomalie du moindre son, lui qui en décèle le moindre dérapage et est entré en communion avec cette mécanique qu’il a élevé au premier rang, voit l’horloge de son destin s’arrêter prématurément.
Il décède trop tôt, arraché aux siens, à la vie et à ce métier qu’il aimait tant. C’est un autre chronométrier de 42 ans qui le remplace chez ZENITH en la personne de Charles Fleck. Ce dernier tiendra pendant trente ans le flambeau du rôle prestigieux de chronométrier pour la manufacture du Locle.
Les vis en or et platine du balancier
L’une des premières missions confiées à Charles Fleck est de préparer pour le concours de 1925 les montres de la marque et de placer celles-ci au sommet atteint par son prédécesseur. Marchant sur les traces de Charles Ferdinand Perret, il choisit à nouveau parmi les mouvements victorieux en 1924, le modèle identifié sous le numéro 2583321. Comme le règlement interdit de faire concourir plusieurs fois la même montre dans la même classe, c’est dans la catégorie des chronomètres de bord qu’il décide de la présenter au concours. Retouchant le réglage jusqu’à la dernière seconde, Charles Fleck soucieux de ne pas décevoir ses nouveaux patrons et au-delà du personnel de ZENITH, une bonne partie de la population du Locle suspendue aux résultats de la marque, estime son calibre de compétition « prêt pour le concours » le 27 octobre 1925, date à laquelle il le livre lui-même à l’observatoire Neuchâtelois. A cette période, la montre n’est pas encore emboîtée dans autre chose que cette sorte de carrure parée de verre, insérée dans un coffret en bois qui a déjà servi à présenter la montre un an plus tôt dans la catégorie réservée aux chronomètres de poche.
Charles Fleck au milieu des années 20
Les épreuves prévues pour la catégorie des montres de bord sont plus longues que celles de la catégorie « Poche ». Elles durent 65 jours divisées en 14 périodes dont 5 fois 4 jours à 18 degrés en position verticale pendant en haut, à gauche et à droite puis en position horizontale cadran en bas et en haut ainsi que 9 périodes de cinq jours en position horizontale cadran en haut à 32, 25, 18, 11, 4, 11, 18, 25 et 32 degrés. Pour la seconde fois, la montre numéro 2583321 subit donc des épreuves destinées à détecter la moindre faille, le moindre défaut qui pourrait faire vaciller le mouvement, le faire trébucher et le renvoyer au rang déjà extraordinaire des chronomètres victorieux une fois de l’un des concours organisés par l’observatoire. Placé dans toutes les positions et conditions de température, jaugé, mesuré à nouveau, il se sort pourtant à merveille des 65 jours d’épreuves honorant son nouveau « pilote » et régleur. La montre paraît infaillible, insensible aux éléments, comme hors du temps qu’elle mesure avec une optimale précision.
Le chronomètre est restitué après les épreuves, le 31 décembre 1925 et ZENITH sera à nouveau pour cette année lauréat du concours avec un premier prix de chronométrie, cette fois dans la catégorie « Bord » avec un nombre de classement de 8,6. La destinée de la montre est hors norme, rare et relève de l’exploit. A la fois montre de poche et montre de bord, la pièce ne s’est pas contentée d’afficher un résultat exceptionnel une fois dans sa carrière de pièce de concours mais a confirmé ses performances sur la durée, en offrant non pas un seul mais deux premiers prix.
Le chronomètre de compétition est ainsi passé dans l’histoire et aurait sans doute d’autres exploits à nous conter en particulier lors de ses séances de préparation et d’essais en chambre au sein des ateliers de la manufacture. L’insistance des régleurs à vouloir présenter cette pièce deux fois aux concours est sans nul doute révélatrice de performances exceptionnelles lors des essais. On peut même affirmer sans risque d’erreur que le chronomètre a certainement atteint des niveaux de performances supérieurs en phase d’essais à ceux atteints lors du concours. Malgré ces exploits chronométriques, la pièce est dès son retour dans les murs de la manufacture, soigneusement rangée dans un carton réservé aux montres de qualité. Elle n’est nullement ajoutée au stock mais simplement mise de coté avec cette conscience qu’elle pourrait encore emporter d’autres prix ou équiper des montres réservées à des usages spéciaux. Les registres de la manufacture mentionnent d’ailleurs « Chronomètre spécial ». Fierté de son premier entraîneur disparu trop vite, choyé par son second mentor, ce chronomètre est ensuite commandé d’après les grands livres de la manufacture par ZENITH France à Besançon, destination pour laquelle il quitte le Locle le 30 mars 1930. La montre n’est pas commandée pour être vendue mais elle sort de Suisse pour être exposée.
C’est à ce moment que le mouvement est assemblé dans sa carrure définitive qui laisse présumer davantage une exposition que la soumission à de nouvelles épreuves scientifiques. Sans doute par ses performances, le calibre aurait-il mérité l’or mais c’est l’argent qui l’habillera, de cet argent chaud au toucher, titré à 925 millièmes, des boites fabriquées par la manufacture elle-même qui se fait livrer l’argent en barre et fait assez rare pour être souligné, réalise dans ses ateliers les coulées et tout le travail si spécifique à l’art des boites. Le cadran est lui aussi fabriqué dans les ateliers ZENITH où l’on maîtrise tout de la fabrication de l’étampe jusqu’à l’émaillage, la peinture des chiffres et du cadran de trotteuse, la cuisson et la finition. Ce cadran est choisi parmi les plus beaux à la fois simple et sophistiqué. Elaboré en trois pièces à savoir un disque périphérique brillant comportant les chiffres et un marquage des minutes de type rails de chemin de fer, un second disque central légèrement sablé simplement décoré du nom de la marque et de l’inscription « Fab Suisse » et à six heures, un disque excentré pour le compteur des secondes. Enfin les aiguilles, soigneusement sélectionnées parmi les plus belles disponibles, sont bleuies par échauffement. Celles des heures et minutes, de type « Pommes » parfois appelées « Breguet », couramment utilisées dans les années 20 par la manufacture sur ses plus belles pièces, ont ce reflet délicat qui leur donne grâce et volume. La trotteuse avec son contrepoids évidé lui donne un équilibre parfait pour assurer une rotation optimale, indispensable à une pièce certifiée chronomètre.
On imagine sans peine le plaisir pris par ceux qui ont acquis et manipulé au cours du temps cette montre dodue et aux galbes avantageux qui se démarque des autres pièces habituelles de l’époque.
Tandis qu’on croyait ces montres oubliées avec des prix sur papiers parcheminés voués à l’archivage, on retrouve présentées au concours de 1952 les sœurs de cette montre alors trentenaire. Les chronomètres voisins du 2583321 avec simplement un chiffre d’écart dans le numéro de série afficheront à nouveau des performances exceptionnelles et sont lauréats du deuxième prix de chronométrie dans la catégorie poche avec un nombre de classement de 9,5. Sans aucun doute, le panier d’ébauches a-t-il servi au début des années 20 de mine pour Charles Ferdinand Perret et son successeur puisque le livre ZENITH fait état parmi les pièces sélectionnées par l’atelier de chronométrie, des numéros 2583320, 2583321 et 2583322 et d’autres numéros de séries éloignés de quelques dizaines probablement issues du même panier.
Tous les autres modèles de la même famille présentés à l’observatoire ne reçurent bien évidemment pas de premier prix lors de leur participation aux concours successifs. Certains ne réussirent l’ultime exploit que dans l’une ou l’autre des catégories ou n’obtinrent qu’un deuxième ou troisième prix.
Les calibres 20 lignes et demie millésimés 1921 furent comme les bons vins, l’objet d’une cuvée spéciale en vue des concours de chronométrie. Les chronométriers magnifièrent leurs qualités et leurs performances. Charles Fleck reprit en 1925, les mêmes montres que son prédécesseur avait présélectionnées et présentées dans la catégorie « Poche » pour les présenter à nouveau dans la catégorie « Bord ». Il semble que la participation successive des mouvements dans plusieurs catégories fut une habitude conforme au règlement des concours. Charles Fleck ne pouvait guère élargir son choix à d’autres mouvements dès lors que les 20 lignes et demi étaient en conformité avec ces règlements et de toute évidence, les plus à même de les remporter. En effet, la taille du mouvement est en l’espèce un atout majeur pour la précision et il n’eut été d’aucune utilité de prendre avec d’autres mouvements de moindre diamètre fussent-ils chronomètres, le risque de ne pas atteindre un tel niveau.
Ces calibres conçus pour les concours et pour atteindre les limites hautes de la précision continueront tout au long des années vingt, trente et au début des années quarante à participer à des compétitions pour lesquelles Charles Fleck reste le chronométrier de ZENITH ayant tenu ce poste avec une longévité inégalée.
René Gygax à l'établi
En 1952 et 1953, René Gygax, chronométrier en charge de la préparation des montres pour les concours, présente à son tour certains de ces mouvements aux concours de l’Observatoire. La juxtaposition, dans les livres tenus par ZENITH, des performances obtenues en 1924 et celles de 1952 démontre leur parfaite comparabilité. Si chaque régleur de précision avait ses recettes pour optimiser le réglage des montres, il est probable que les chronométriers aimaient à se mesurer par rapport à leurs prédécesseurs. Reprendre une montre réglée en 1924 par Charles-Ferdinand Perret puis à partir de 1925 par Charles Fleck était dans les années 50 pour René Gygax une évidente forme de défi à travers le temps à l’égard de la mécanique et une sorte de compétition ludique qualifiant à égalité trois générations de chronométriers de génie transcendant les années pour affirmer leurs talents. La démarche de René Gygax magnifie le travail de ses prédécesseurs en les qualifiant pour l’éternité comme étant capables de frôler la perfection et de l’inscrire dans les records de l’observatoire.
La croisée du destin
La trace de la montre s’égare ensuite. Son état de conservation exceptionnel avec juste quelques micro-rayures sous le drageoir du couvercle laisse présumer qu’elle fut ouverte plusieurs dizaines de fois pour en admirer le mouvement. L’état général de la boite dénuée de rayures externes confirme une faible utilisation. La montre, pièce de collection suprême, envie de tout amateur averti, a certainement longtemps séjourné dans un écrin à l’abri des agressions des poussières et des objets anguleux et hostiles. Sans révision particulière, lorsqu’elle émerge à nouveau en 2006, elle a conservé sa précision chronométrique. Sortie de nulle part, cédée comme une montre commune scellée par sa marque à la manufacture qui l’a vu naître et s’élever, elle réapparaît un dimanche matin au gré d’une vente, au milieu de ces objets qu’on abandonne quand, déchargés de souvenirs, ils ne représentent rien d’autre que la valeur vénale qu’on leur consent. C’est son galbe, la mention de chronomètre sur la dorure parfaite de son mouvement et sa raquette inhabituelle qui vont trahir pour son acquéreur, l’apparente banalité que d’autres yeux lui attribuent. Il la revendra sur le net. L’acquéreur suivant est un amateur de la marque.
L’intuition est devenue histoire, la réalité d’un double premier prix dépasse les espérances. Pièce de musée, cette montre rappelle que ZENITH a une véritable tradition de recherche de la précision ultime. Elle signifie aussi que la qualité chronométrique n’est pas être une simple mesure fugace de l’aptitude d’un mouvement à entrer dans une norme de précision à un instant T, mais une garantie de qualité durable et contrôlable dans la durée, conservant de décennies en décennies, le témoignage de l’art horloger qui a présidé tant à la conception qu’à la fabrication des mouvements. Ce garde temps 2583321 chargé d’histoire, de cette histoire si riche de la chronométrie et de la manufacture ZENITH, icône du temps, transmet en son sein les gènes de la conquête ultime de la précision et des victoires universelles qui ont placé pour l’éternité ZENITH au Zénith.
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Sujet: Une perle de Zenith : Le calibre 68 25/04/17, 09:34 am
Une perle de Zenith : Le calibre 68
Au début du 20ème siècle, les ingénieurs de Zenith multiplient les conceptions de nouveaux calibres. Concrètement la manufacture produit d'énormes séries et fabrique plus de 150 000 mouvements chaque année. La montre de poche à mouvement à ancre est en train de conquérir le monde et avec elle l'heure juste devient accessible à tous. Auparavant, les montres à cylindre souvent assemblées par des horlogers à partir de pièces achetées chez des fournisseurs permettaient d'accéder de manière aléatoire à l'heure avec des variations qui pouvaient dépasser largement le quart d'heure sur la journée.
La détention individuelle de l'heure juste devient essentielle avec le développement de l'industrie car elle conditionne le temps de travail en commun des équipes et donc la productivité. La grande force de l'horlogerie est d'avoir convaincu chacun que posséder une montre de qualité est un besoin mais aussi un plaisir. La publicité, on dit alors réclame, ne cesse de marteler le message du plaisir avec la montre "cadeau" et référence du bonheur partagé.
Au sein du bureau d'étude de la manufacture, on dessine des mouvements qui vont équiper les montres de demain. Les objectifs assignés sont de cultiver l'interchangeabilité des pièces, ce qui allège le coût des services de maintenance des montres et en facilite la fabrication en volumes mais aussi d'abaisser les coûts de revient des calibres.
On voit ainsi des mouvements apparaître avec un pont en moins mais des demi-platines, plus de numéro de série, une décoration allégée, etc.
En 1906, le bureau d'étude conçoit un calibre référencé 68. Doté d'un large balancier, ce 19 lignes, soit 41,30 millimètres, vise la précision ultime. Les ingénieurs aimeraient bien en faire une bête à concours. Hélas les chronométriers de Zenith chargés de préparer les montres pour les concours internationaux de chronométrie, notamment de l'Observatoire de Neuchâtel, voient les choses autrement et préfèrent travailler sur des calibres de 20 1/2 lignes dont le réglage est facilement domesticable. Coincé "entre le calibre dit "Zenith" 18-28 et le 20 lignes, ce 19 lignes ne sera pas finalement fabriqué immédiatement et va rester près de 40 ans dans les cartons ! En effet, ce n'est qu'en 1943 que la manufacture va lancer la fabrication d'une petite série de ces mouvements haut de gamme sous la référence 69. Quelques montres en sont équipées notamment pour l'exportation vers les marchés nord-américains. Le mouvement est ensuite ré-enfoui dans les cartons et il faudra attendre 13 ans pour qu'il retrouve une destination.
Zenith se concentre sur le 18-28 avec des finitions haut de gamme
Il faut en effet attendre 1956 pour que Zenith se détermine à exploiter ses ébauches après que les Chemins de fer canadiens aient passé une commande à la manufacture du Locle. Ainsi sur la base des ébauches fabriquées au début des années 1940, c'est donc en 1956, que Zenith termine les mouvements avec une finition exceptionnelle déclinée en deux fois 500 exemplaires. Le mouvement est qualifié d'Extra. La version livrée aux Canadiens en 2 temps est re-décorée et le mouvement rebaptisé RR 56.
Il réapparait plus tard sous la référence 68-2 en 1961 cette fois en 6000 exemplaires livrés en 1961 et 1962 sur la base des ébauches de 1943. Avec les version RR 56 c'est un peu plus de 7000 exemplaires qui sont ainsi distribués. Sa finition est lisse, rhodiée et le mouvement est doté d'un antichoc.
Par comparaison la version Prima
Sa plaque de contre-pivot à l'ancre est quasi dans sa surface originelle, à peine ajustée sur le bord de la demie platine. On y retrouve le même col de cygne que sur la version du RR 56 mais de Prima, le mouvement est devenu Extra Prima, c'est à dire le plus haut de gamme dans le référencement Zenith.
Plutôt rare, ce calibre 68-2 toutefois plus aisé à trouver que le RR56 partage avec son mouvement frère, une précision extrême et une beauté architecturale particulière. Malgré cela en 1962, les montres de poche se vendent beaucoup moins bien et Zenith en conservera un nombre conséquent dans ses réserves.
Zenith est si fier de son calibre que la manufacture affiche sur le cadran la qualité du mouvement
En 1983, ZENITH est revenu depuis 5 ans sous capitaux suisses depuis que les Américains ont revendu la marque à un consortium de trois industriels suisses dont Paul Castella propriétaire de DIXI. C’est sans conteste pour ne pas voir une marque qui fait partie du patrimoine national que ses nouveaux propriétaires ont cédé à la tentation d’en reprendre possession. La production d’un modèle de prestige renouant avec la tradition est à l’époque pour ZENITH, une excellente occasion de prouver qu’après des années noires au plan horloger, la marque a conservé tout son savoir-faire.
C’est Thomas Engel qui va donner à la manufacture l’occasion de faire une grande démonstration de celui-ci. Cet ingénieur chimiste spécialisé dans les polymères et dont les montres sont le hobby de longue date pratique l’horlogerie de haut niveau en amateur averti. Thomas Engel s’est essayé à diverses complications dont le tourbillon et propose cette fois à ZENITH d’adapter un calibre de montre de poche pour réaliser une petite série, sur une base de calibre 68 de 19 lignes (41,30 mm) pour une hauteur de 6,45 mm et de 17 rubis produit seulement à 6 000 exemplaires en 1961 et 1962 mais de conception infiniment plus ancienne puisqu’elle remonte à 1906. Il travaillera sur le projet avec Jean-Pierre Guerber directeur technique de la manufacture que l’arrêt de la production de mouvements mécaniques ordonné par les Américains avait rendu impatient de retrouver des pièces à la hauteur de son engagement dans l’horlogerie. Cette production de pièces en nombre limité sera d’ailleurs un avant goût de la relance d’une activité de production de pièces mécaniques avant que le mouvement de chronographe El Primero ne soit lui-même, à nouveau remis en fabrication.
Sans cette série de montres qui fait le lien entre les années « quartz » et la relance de l’horlogerie mécanique, il est fort à craindre d’ailleurs que la manufacture n’aurait plus bénéficié du savoir faire de Jean-Pierre Guerber dont d’autres manufactures n’auraient pas hésité à s’attacher le talent. Les trois petites séries de 25 pièces de haute horlogerie par la technicité qu’elles mobilisent sont donc probablement salutaires quant à la suite de l’histoire de ZENITH. Les pièces non assemblées des calibres 68 sont ressorties des réserves où elles dormaient depuis plusieurs années pour bénéficier d’une nouvelle finition avec côtes de Genève et d’une raquetterie avec col de cygne et antichoc. Thomas Engel passionné par les complications horlogères et par les montres ZENITH dont il apprécie la qualité des mouvements est très inspiré par les dessins des montres Breguet d’où un design qui rappelle la production de l’illustre horloger dont on dit qu’il séjourna au Locle avant de rejoindre Neuchâtel lorsqu’il dut se réfugier en Suisse après la révolution. Le style Breguet est d’ailleurs revendiqué haut et fort dans les dépliants qui font la promotion des modèles.
Au total la collection comportera trois séries de 25 montres dont les clients sont prévenus dès la commande qu’elles se feront attendre au moins trois mois. Une version simple à phase de lune, une version phase de lune, jours de la semaine et thermomètre et une version heure décentrée, phase de lune et jour de la semaine. Boites en or et cadrans en argent massif équipent ces montres magnifiques qui sont livrées dans un coffret en acajou numéroté comme les montres et qui contiennent, raffinement suprême, un ressort de barillet et des aiguilles de rechange « comme autrefois ».
Chaque fond est différent, unique et chaque cadran est doublement signé par ZENITH et Thomas Engel. Boites et cadrans sont guillochés grâce à des machines ancrées dans la tradition et de plus de 150 ans d’âge. Les fonds des boites en or 18 carats sont au choix guillochées et le cas échéant émaillées avec ou sans incrustations de décors or. La patine des boites irrésistible et exceptionnelle n’a d’équivalent que celle des cadrans gravés à la main. Tous les calibres sont non seulement certifiés chronomètres et réglés dans 5 positions mais bénéficient en plus de la mention exceptionnelle de « Résultats particulièrement bons », une véritable performance en 1983 pour des mouvements fabriqués 20 ans plus tôt mais de conception bien plus ancienne. Ces montres vendues dans un processus proche de la souscription ont évidemment remporté un grand succès et sont aujourd’hui dispersées dans les collections d’amateurs éclairés. L’histoire ne dit pas si lors des révisions ces derniers feront usage des aiguilles de rechange mais reconnaissons la grande intelligence et la finesse de l’idée qui a consisté à doter les propriétaire de ces montres des moyens d’en assurer l’entretien en leur évitant le souci de retrouver des aiguilles conformes au modèle originel. Certainement ces montres sont-elles avant tout des modèles de pure collection et sortent-elle de l’esprit qui a présidé à la destinée de la manufacture de toujours produire des pièces fonctionnelles mais elle furent pour la marque un moyen habile de se replacer dans la course des manufactures auxquelles « les années quartz » n’ont pas fait perdre la main.
Le calibre 68 est finalement l'un des plus beaux mouvements de montres de poche brillant par son esthétique et sa fiabilité. La version RR 56 des chemins de fer Canadiens est la plus rare mais les autres versions ne manquent pas d'intérêt au regard du savoir faire accumulé par plusieurs générations d'horlogers qui ont contribué à élaborer ce calibre.
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Sujet: Les premiers chronographes Zenith et les expériences secrétes de la manufacture 25/04/17, 10:56 am
Exclusif ! Le travail secret de Charles Rosat sur les balanciers des montres Zenith
On est en 1913, Zenith vient de faire venir en son sein Charles Rosat qui deviendra Directeur des ateliers que Zenith détient à Boudry. Charles Rosat, antérieurement régleur et chef d'atelier chez Jaeger LeCoultre, est un horloger brillant qui fait des recherches sur la précision autant au plan des matériaux nouveaux qui peuvent la favoriser que sur des modes d'énergie nouveaux comme l'électricité pour les pendules. Créateur d'une raquette qu'il a brevetée et posera sur quelques pièces Zenith, Rosat s'illustre par des recherches sur l'Invar et l'Elinvar, alliages peu sensibles aux variations de température et donc peu déformables pour cette raison. Ces matériaux furent et sont toujours d'une grande utilité dans l'horlogerie. Ils permirent de concevoir des balanciers et des spiraux et donc intéressèrent directement la précision des pièces.
Charles Rosat
Rosat travaillait un peu en solitaire, à heures perdues tout en faisant profiter Zenith de ses découvertes. En 1915 et pour longtemps encore, le meilleur moyen de fabriquer un balancier précis est de recourir à un système bimétallique, coupé avec des vis de compensation et une raquette de qualité pour le réglage fin. Zenith a recours pour ses raquettes à un système breveté en 1903 dont la manufacture s'est garantie l'exclusivité. Le système repose sur un disque excentrique et une flèche courbe poussée par une vis micrométrique avec un ressort de contrefort.
Rosat qui excelle d'inventivité sur les raquettes se dit qu'il faudrait trouver le moyen de produire un balancier non coupé et donc plus facile à fabriquer de manière industrielle et dans un premier temps d'y maintenir des vis de compensation puis à terme de les supprimer purement et simplement. L'idée du balancier sans vis n'est pas nouvelle par elle-même puisque les montres à cylindre, très souvent, comportaient des balanciers en laiton non coupé sans vis. Toutefois, ces montres étaient aléatoirement précises et les montres à ancre ne pouvaient se satisfaire d'un composant aussi instable.
Les recherches de Charles Rosat sont donc de la plus grande importance car elles visent à faire évoluer une production industrielle dans le sens d'une qualité meilleure avec des garanties de fabrication en volume et donc de dupliquer la précision et la rendre accessible à tous en réduisant les coûts de fabrication. Selon Rosat, il faut réussir à supprimer le balancier coupé. Les coupures du balancier visent à en laisser "libre" la déformation due aux écarts de température. Grâce aux coupures, la variation en longueur des matériaux est mieux contrôlée, ceci d'autant que le recours à deux métaux soudés l'un sur l'autre, métaux de composition différente, réduit cette variation de forme. Rosat voit dans l'Invar et l'Elinvar une solution onéreuse au plan du prix de revient du matériaux mais économique au plan des interventions de main d'oeuvre si les balanciers sont monoblocs et d'un seul composant.
Après des mois d'essais et de tentatives, il aboutit en 1917 à une solution alternative au balancier coupé. Charles Rosat réussit en effet à fabriquer un balancier non coupé en Elinvar. Mieux, il réussit à le produire avec les outillages de la manufacture et à fiabiliser son invention en donnant aux pièces qu'il équipe une précision chronométrique. Loin de se contenter de produire une montre tenant l'heure dans de bonnes conditions, il lui faut, perfectionniste dans l'âme, démontrer que les résultats obtenus sont performants. Sans doute équipe-t-il quelques montres de poches mais à ce jour aucune n'est connue. En revanche, il va équiper de son invention une douzaine de chronographes (deux boites de six pièces). Ces pièces sont marquées au sein des cahiers de la manufacture, de la mention "chronomètre spécial". A Boudry, en 1917, les ateliers fabriquent des chronographes de poche, pièces un peu plus complexes que les classiques montres et les ateliers de Boudry sont réputés pour avoir en leur sein d'excellents horlogers et techniciens. Le choix de faire des chronographes ayant la qualité de chronomètres est à l'époque assez osé car peu de chronographes réussissent cette performance que Zenith dépasse pourtant. Son calibre de chronographe 19 CHRO est sans conteste l'un des meilleurs de l'époque avec celui de Longines.
Rosat réussit son pari. pourtant la manufacture ne va pas réserver une suite industrielle immédiate à cette invention qui reviendra bien plus tard révolutionner l'horlogerie dans les mouvements de montres bracelets. Zenith oppose à l'industrialisation de ce balancier son coût de revient élevé lié aux finitions qui restent nécessaires. En outre, l'Elinvar est cher et comme toute l'industrie en "consomme", ses cours sont incertains et variables tout comme les livraisons. La manufacture, dont le concept de Georges Favre Jacot était bâti sur l'indépendance d'approvisionnement, ne pouvait se satisfaire de cette dépendance. En outre, Rosat doit admettre le temps qui a été nécessaire pour terminer de manière satisfaisante ces balanciers. Les heures cumulées sont infiniment plus lourdes que ce que requiert un balancier classique.
Dans les 12 pièces produites, il y eut trois savonnettes. Le temps a dispersé ces pièces dont la probabilité d'en retrouver une seule est infime. Par chance et fruit d'un hasard absolu, celle-ci fut retrouvée près de Paris chez un Horloger qui la tenait de son père lui-même horloger qui enseigna son art en Suisse. Rosat ayant lui-même eu des activités d'enseignement, il est difficile d'établir si cette pièce lui fut transmise par hasard.
L'unique exemplaire retrouvé de chronographe travaillé par Charles Rosat
Un balancier classique de chrono Zenith
Le balancier de Rosat
On remarque bien entendu la structure différente du balancier mais aussi plus accessoirement de la raquette dont le contre ressort évolua dans le temps. La forme arrondie de ce contre ressort est plus ancienne et cela témoigne en fait du temps pendant lequel Rosat travailla directement sur ce type de pièce avant de les laisser quitter ses ateliers de Boudry. Cette pièce est évidemment devenue unique avec le temps et elle constitue un ultime témoignage de l'immense travail de recherches menées par la manufacture sur les tout premiers chronographes qui en ont construit la réputation et l'histoire.
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Sujet: Une histoire d'amour secrète hante l'histoire de la manufacture ZENITH 25/04/17, 10:57 am
Zenith - Une page d'histoire d'amour cachée
Georges Favre Jacot est né le 12 décembre 1843 dans une famille sans fortune peuplée d'horlogers. Très tôt, à l'âge de 9 ans, on lui fait quitter l'école et affronter la vie par l'apprentissage du métier de tourneur pivoteur. De l'enfant élevé avec dureté naitra un adolescent indépendant au caractère trempé quand, à l'âge de 13 ans, il commande déjà d'autres apprentis et impose ses vues à un patron dont il claque la porte pour cause de désaccord. Sa décision est prise, il travaillera "en indépendant".
Sa force de caractère, son tempérament d'entrepreneur et son charisme séduisent une jeune horlogère, fille elle-même d'horloger qu'il épouse à 20 ans en 1863 alors qu'il n'est pas encore majeur. De cette union, naitront 5 filles et un garçon, Adrien, qui disparaitra très jeune en 1916.
Fernande, la seconde fille du couple voit le jour en 1870. Son caractère est tout à l'opposé de celui de son père. Ce dernier a créé en 1865 une fabrique horlogère sur le lieu dit des Billodes. D'abord assembleur de mouvements achetés à des sous-traitants, il conceptualise rapidement ce que sa manufacture doit devenir et met au point des calibres qu'il fabrique de manière autonome.
Le concept même de manufacture, il le tient d'expériences naissantes en Suisse et de l'exemple américain qui occupe les conversations des horlogers suisses qui découvrent des montres très bien finies par des manufactures qui maitrisent l'interchangeabilité des pièces.
Georges Favre Jacot n'est pas un gestionnaire d'entreprise, c'est en fonceur qu'il avance, jouant de son instinct pour orienter son entreprise vers le succès. Le patriarche qu'il est règne sur le canton de Neuchâtel où il accumule les propriétés foncières et aime à réunir toute la famille le dimanche, unique jour de repos de la semaine.
Des enfants qui jouent il ne voit pas grand chose, pas plus qu'il ne s'aperçoit que sa fille adolescente a l'œil qui s'illumine quand elle retrouve son cousin germain James Favre, à l'occasion des rencontres familiales. Les deux adolescents s'ouvrent en même temps à la vie et du tendre sentiment qui les unit naît un amour profond qui en fait fusionner les âmes.
Georges Favre Jacot embauche en 1882 son jeune neveu au sein de la manufacture. Il est à l'époque d'usage de faire travailler toute la famille auprès de soi. Georges Favre Jacot ignore tout de ce qui relie James et Fernande et quand il l'apprend de la bouche même de sa fille, c'est la fureur qui l'envahit. Il n'est pas question que sa propre fille, celle qu'il chérit par dessus tout, épouse son cousin. On est dans les dernières années du siècle et les mariages entre cousins sont déjà des choses que la société tend à refuser. On ne sait pas grand chose des échanges entre James et Georges, sinon que la colère a dominé leurs rapports et que James a contenu beaucoup de sa personnalité, elle aussi trempée, pour éviter la rupture avec son oncle dont il craignait qu'elle ne l'éloigne de Fernande.
Le couple se voit en secret et échange de tendres lettres dans lesquelles Fernande déclare inlassablement sa flamme à James qui supporte de plus en plus difficilement l'autoritarisme de son oncle.
« Mon attachement devient si grand pour vous que la séparation sera toujours plus pénible, ma seule consolation est de penser qu’un jour je vous appartiendrai…./ …Vous connaissez maintenant mes sentiments, que mon seul but est de vous rendre heureux, je serai pour vous la femme aimante et dévouée, je supporterai toutes les peines et me sacrifierai entièrement pour vous, ayez confiance en l’avenir, toute votre affection vous sera rendue. Je suis à vous pour la vie et vous donne ma parole la plus sacrée !! »
C’est Fernande qui souligne elle-même ses propos. Le 6 février soit 5 jours plus tard, elle laisse sur un carton ces quelques mots :
«N’abandonnez jamais celle qui vous aime et qui n’attend plus le moment de pouvoir créer une nouvelle vie à son bien aimé ! Votre fidèle Fernande ».
Georges Favre Jacot refuse de partager un quelconque pouvoir sur la manufacture avec son neveu. Malgré tout, il se préoccupe davantage de la production et délègue à son neveu la charge de développer la diffusion commerciale des montres de la manufacture.
Il est plus que probable que le souci de Georges fut d'éloigner James de Fernande. En envoyant son neveu parcourir le monde à une époque où les voyages sont longs et où les délais d'acheminement du courrier rendent impossibles d'épistolaires échanges romantiques, Georges a la certitude que sa fille oubliera cet amour et que son neveu, à l'autre bout du monde, aura en tête d'autres idées que l'amour de sa cousine.
Le couple a pourtant décidé de se rapprocher et, dans une fronde amoureuse, de s'aimer malgré tout malgré un contexte familial hostile, malgré un environnement sociétal défavorable et un lien de sang réputé propre à rendre cette union insurmontable.
Ni le silence imposé par la séparation organisée par Georges, ni la distance due aux voyages qu'entreprend James ne vont séparer le couple. On croit souvent, à tort, que le silence et la distance éloignent les êtres alors qu'il n'en est rien, bien au contraire ils les rapprochent jusqu'à la fusion des esprits.
En 1904, c'est à Francfort puis aux Etats-Unis que Georges expédie son neveu pour y explorer et développer le marché allemand puis américain et y observer les techniques de travail des manufactures d'outre Atlantique. Ce voyage marquera un tournant dans l'histoire de ZENITH car James en ramènera des techniques de fabrication et un agencement des ateliers améliorant sensiblement la rationalisation des tâches et donc la rentabilité de l'outil industriel développé par Georges.
Ces voyages sont durement vécus par le couple que la longue séparation affecte. Fernande écrit à James :
« Billodes 21 mars 1904, Lundi soir
Mon James !! mon seul amour !!
Les heureux moments passés ensemble avant votre départ restent gravés dans mon cœur, le tendre souvenir de votre premier baiser est ineffaçable… Je vis heureuse du doux sentiment de votre amour lequel me soutient et me donne du courage. De plus en plus je sens combien je dois apprécier votre âme noble, votre bon cœur ; vous êtes toute ma joie et mon bonheur ! Je vous dois toute ma reconnaissance de posséder votre amour ! Votre dernière parole en me quittant était : nous nous aimons bien. James !! Mon cœur, je ne pourrai plus vivre sans vous. La mort seule peut nous séparer, votre vie est la mienne… Je veux vous aimer comme votre tendre mère désirait que son cher fils soit aimé !! Vous pouvez compter sur moi, je vous donne ma parole la plus sacrée. Je ne puis me faire à l’idée que vous êtes loin de moi ; je sens que j’en souffrirai beaucoup, ma seule consolation est de toujours penser à vous, à vous amour. Je n’attends plus le moment de pouvoir causer à papa, quel soulagement ce sera pour moi de lui faire connaitre nos sentiments ; Dieu veuille que papa consente à notre union, je veux lui parler très ouvertement ; je veux que papa reconnaisse tous les torts qu’il a eus vis-à-vis de vous ; par moi il entendra tout [sic] l’estime que vous devez mériter, enfin comptez sur moi, je veux tout sacrifier pour vous...
Dans l’espoir que vous recevrez ma lettre à temps et que vous aurez fait bon voyage jusqu’à Francfort, votre pauvre isolée vous envoie le plus doux, le plus tendre baiser. Votre fidèle Fernande. »
L’idée du mariage de James avec sa plus jeune fille Fernande vient très vite après 1904 et provoque la colère de Georges Favre Jacot, non seulement parce qu'il a échoué dans la tentative de séparation des jeunes amoureux, mais encore parce qu'il sait qu'il ne refusera pas à sa fille le bonheur qu'elle trouve avec James qu'il voit prendre du poids dans la gestion de la manufacture face à un conseil d'administration qui entend de plus en plus les recommandations du jeune homme et de moins en moins les colères du fondateur de la maison horlogère.
De refus en tergiversations, Georges finira par accepter cette union pour le bonheur de sa fille sans nul doute et aussi probablement avec la perspective de mieux cerner au sein de la famille les intérêts de la manufacture.
En 1911, James succède à son oncle à la tête de Zenith dans un tonnerre de déchirements d'intérêts divergents et dans une dispute familiale que seule cette belle et exceptionnelle histoire d'amour permet d'effacer.
Cette histoire totalement tirée des faits de l'époque permet de constater que l'amour triomphe de tout et même de la raison des autres, quand le cœur prend les commandes et laisse à leur juste place ce que les sentiments doivent ignorer.
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Sujet: Quand Zenith équipait les avions de l'armée Française 25/04/17, 11:11 am
Quand Zenith équipait les avions de l'armée Française
Le 10 mai 1940, les attaques allemandes sont concentrées sur les bases aériennes françaises et cette déferlante anéantit les forces aériennes de la France. Etampes accueille à l'époque un important centre d'instruction militaire dédié aux avions de chasse, le CIC. La base aérienne d'Etampes constitue alors une patrouille DAT (Défense Aérienne du Territoire) avec des chasseurs et des moniteurs du CIC. L'unité est renforcée avec trois pilotes tchèques venus de Chartres et quatre pilotes polonais venus de Lyon. La nouvelle unité aérienne est dotée de deux types d'avions "chasseurs" : des Morane 406 d'une part et des Bloch 151/152 d'autre part. Leurs missions sont de couvrir la région en cas d'alertes et d'agir en reconnaissance.
-Le 3 juin 1940, la Luftwaffe lance une opération de grande envergure dite "Opération Paula" ceci sur toutes les bases française de la région parisienne. Cette opération vise à asphyxier l'aviation française avant l'offensive allemande prévue sur la Picardie en l'occurrence essentiellement la Somme et l'Aisne. Dès le début d'après-midi, le terrain d'Etampes est la cible de tirs nourris et la patrouille surprise décolle au moment même où les bombes détruisent le terrain. Les systèmes d'alerte ont une fois de plus été défaillants et la débâcle n'est pas loin. Tandis qu'un avion français en feu et un autre touché moins significativement parviennent à atterrir, un troisième réussit à abattre un bombardier allemand. Les dégâts sur le terrain d'Etampes se résument à des avions détruits et des pistes faiblement endommagées.
-A partir du 10 juin, la patrouille est dépêchée sur la base de Villacoublay qu’il vont protéger. Cette journée sera marquée par de violentes attaques des avions français au dessus de Rennes.
-Le 14 juin, la patrouille est contrainte de quitter face au raid allemand.
A bord des avions Morane 406, les montres embarquées sont des Zenith d'Aéronef type 20 fabriquées sur la base d'un cahier des charges militaire mis au point par l'armée Française en 1939 et livrées dès le mois d'octobre de cette même année par Zenith.
Le Morane 406 de l'armée Française
La type 20 Zenith
D’un diamètre global de 65 mm, elles sont équipées d’une trotteuse à 6 heures et d’un cadran noir mat disposant de chiffres arabes peints avec une matière incluant du radium pour en optimiser la lecture de nuit. Les aiguilles larges et également revêtues de radium confortent cette lisibilité instantanée indispensable en vol. Les pilotes lors du check up précédant le vol, remontent le mouvement en tournant la lunette crantée dans le sens des aiguilles d’une montre puis soulèvent celle-ci pour la mise à l’heure en prenant soin de placer le repaire situé sous le verre plat de manière à identifier l’heure de départ afin de sécuriser par un instrument supplémentaire, l’autonomie de leur appareil. D’une simplicité évidente l’instrument a été conçu avec une infinie intelligence pour les pilotes qui peuvent le manipuler avec leurs gants et disposer instantanément d’une lecture fiable de l’heure. Les mouvements auraient pu être certifiés chronomètres tant ils sont précis mais pas question d’encombrer le cadran avec des mentions inutiles.
Au dos de la pièce horlogère, la mention Zenith Type 20 est rappelée ainsi que le numéro de série et la date de fabrication. La plupart des pièces sont datées des mois d’octobre et novembre 1939 mais on en rencontre avec d’autres dates.
Ce sont ces montres de bord Type 20 qui équipaient les bombardiers Français, les Morane 406 et les Bloch 151/152 ainsi que les Dewoitine de l’armée de l’air Française.
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Sujet: La "ZENITH Vox" qui sonne ... Montre réveil . 25/04/17, 04:11 pm
ZENITH a produit au début du 20ème siècle plusieurs calibres de montres de gousset assurant une fonction réveil. La couronne de ces montres remonte normalement le mécanisme dans un sens et dans l'autre assure le remontage de la sonnerie. Le poussoir situé à droite de la montre permet le réglage de l'heure et celui de gauche assure le réglage de l'heure de sonnerie. La sonnerie est obtenue par un marteau qui frappe sur un timbre isolé de la carrure. Le son est donc net et musical.
La production fut assez limitée mais ces montres ont souvent été conservées par leur propriétaires et transmises de générations en génération en raison de leur particulière fiabilité.
La montre peut être posée verticalement en ouvrant par le bas le deuxième fond , ce qui assure une sonorité plus forte. Livrées en or, assez rare, en argent, argentan, acier ou plaqué or, ces montres ont conservé le charme d'objet facilement transportables pour les voyages qui à l'époque de leur construction étaient moins confortables qu'aujourd'hui.
Ici une autre version de montre réveil ZENITH :
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Sujet: La rencontre de deux passionnés d'art nouveau : G.F Jacot et Pierre Frainier 16/05/17, 03:41 pm
Témoignage : La rencontre en 1905 de deux passionnés d'art nouveau : G.F Jacot et Pierre Frainier
Pierre et Alfred Frainier (Pierre 1840-1927, Alfred 1869-1937) Père et Fils, furent les pionniers de l’horlogerie à Morteau. Fondateurs de la « Manufacture de boites de montres » qui se situait rue de la Chaussée à Morteau, ils spécialisèrent leur entreprise dans la fabrication de boîtiers de montres travaillés, les médailles notamment pour les prix et décorations et les clochettes en métal. En 1905, ils créèrent au sein de leur entreprise une école de graveurs. Le bâtiment est occupé aujourd'hui par l’école Sainte Jeanne d’Arc de Morteau.
Les Frainier étaient originaires de Porrentruy en Suisse où le père avait créé une entreprise de fabrication de boites de montres. Rapidement, il sut créer un style en plein art nouveau avec des méthodes de fabrication très artisanales et de haute qualité. Les Frainier frappaient (c'est le terme donné à la gravure des médailles et boites) au balancier. Leur art s'exerça sur deux générations de 1864 à 1930.
Le musée de Morteau conserve aujourd'hui un atelier de production de boîtiers de montres qui n'est autre que celui de la fabrique Frainier & fils. L’atelier est doté d’une machine à guillocher et la collection de fonds de boîtes qui l’accompagne illustre le travail à l’époque de l’Art nouveau. Comme une montre n'est pas complète sans son calibre et qu'un mouvement ne serait rien sans sa boite, il fallait bien que la maison Frainier ait un jour rencontré la manufacture la plus imposante dans un rayon de 25 kilomètres. Cette manufacture, c'est évidemment Zenith.
Précisément l'année ou Frainier crée un atelier de gravure, la manufacture horlogère Zenith présente un nouveau calibre qui répond au nom fraichement déposé de "Défi" . Les années 60 feront réapparaitre ce nom en lui donnant une consonnance anglo-saxonne et en lui substituant "Defy" cette fois pour une montre bracelet. Le nom de Defy sera réactualisé avec une collection aujourd'hui disparue et crée en 2006. Mais revenons à 1905, année de cette rencontre de Zenith manufacture créatrice d'horlogerie avec à sa tête un grand amateur d'art nouveau en la personne de Georges Favre Jacot qui avait signé avec Mucha une collection rarissime de montres sur le thème des quatre saisons, et de Pierre Frainier amateur lui aussi d'art nouveau et qui se fait une réputation mondiale pour la qualité de ses boites.
Georges Favre Jacot passe donc commande de quelques boites pour habiller son calibre Defi ... Le résultat est à la hauteur des ambitions de ses créateurs ... Encore une fois, le nom de Zenith apparait en rouge, expression de l'importance que la manufacture du Locle place dans ces pièces. La montre est une savonnette avec le calibre Defi à ancre dans sa version de 18 lignes.
Le succès de Frainier fut immense et sa réputation mondiale. Sa publicité de l'époque justifie par son succès qu'il ne puisse livrer tout le monde. Il signe toutes ses fabrications et les boites de montres n'y échappent pas ...
Les montres très demandées étaient hélas fabriquées dans de toutes petites séries et Frainier n'avait pas la capacité de livrer davantage. Georges Favre Jacot partagea ses commandes de montres "art nouveau " avec d'autres graveurs mais l'exécution des boites par Frainier reste d'une immense qualité que le temps n'a pas altéré.
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Sujet: Les chronomètres de vitrine Zenith 24/05/17, 01:31 pm
Quand l’heure s’offrait : Les chronomètres de vitrines
Conçus pour convaincre
Dans les toutes premières années du 20ème siècle, les manufactures doivent encore équiper des travailleurs sans montre et dont le temps est ponctué par la sirène de l’usine, la sonnerie de fin de service ou simplement par le beffroi de la mairie, les cloches de l’église voire quelque horloge publique ou de gare. En dehors de cela, il n’est point d'autre salut, pour connaître l’heure, que la pendule de la maison, mais rien d’autre d’individuel si l’on n’a pas la chance de posséder une vraie montre à échappement à ancre. Il faut donc convaincre les clients potentiels de l’intérêt qui est le leur de franchir le pas et de s’offrir ou se faire offrir une montre dont les marchands disent en cœur avec les firmes horlogères qu’elle les accompagnera toute leur vie. Toutes les réclames (on ne dit pas encore publicité) vont à l’unisson vanter l’intérêt d’une montre fiable et précise et les marques jouent dans la surenchère des messages pour faire passer auprès des clients, la précision ultime des pièces de leurs collections. Ce que l’on appelle aujourd’hui la publicité sur le lieu de vente va venir compléter les messages des manufactures donnés dans la presse et les magazines. A l’époque les montres ne sont pas vendues par des boutiques « intégrées » mais essentiellement par des Horlogers-Bijoutiers dans des boutiques très largement disséminées sur le territoire. Il n’est pas rare qu’une ville de quelques dizaines de milliers d’habitants compte deux ou trois détaillants vendant les mêmes produits. Dès qu’une marque est représentée, une autre s’invite à ses côtés dans les petites vitrines de province et il faut donc trouver le moyen de se singulariser dès lors que l’offre de montres est assez large. Sur les rangs des marques les plus populaires, Longines, Omega et Zenith bataillent avec Lip, LeCoultre (Jaeger Lecoultre ne verra le jour qu’en 1937) ou Ulysse Nardin.
Des pièces remarquables
Pour s’imposer, il faut se faire remarquer avec des pièces qui, au-delà des montres, vont frapper la mémoire. Nait ainsi l’idée d’offrir dans les vitrines des détaillants ou dans leurs boutiques non pas des pendules mais des pièces faciles à déplacer. L’idée n’est pas totalement nouvelle car déjà, lors des expositions universelles de 1889 et de 1900, les manufactures avaient présenté des Chronomètres de Marine dans les couvercles en bois desquels elles avaient collé des slogans pour défendre la précision extrême de leurs montres. De ce détournement, semble être né le Chronomètre de vitrine différent de celui de marine monté sur cardans pour être maintenu à plat dans toutes les positions du bateau sur lequel il est sensé être destiné à embarquer.
Le chronomètre de Vitrine est pour ce qui le concerne monté sur une plaque de bois dans un coffret en acajou ou en bois de qualité ; il n’a pas besoin de cardans pour être maintenu à plat car il est réputé ne pas avoir à être sorti de sa vitrine si ce n’est pour que son mouvement soit remonté. D’abord publicitaire, c'est-à-dire destiné à faire de la réclame sur le lieu de vente de la marque qu’il représente, il fait rapidement l’objet d’une demande de la clientèle qui veut l’acheter et soit en faire des montres de bureau, soit le placer dans une vitrine au milieu du salon. Moins onéreux qu’un chronomètre de marine, le chronomètre de vitrine est tout aussi précis pour un prix lors de sa commercialisation d’environ un tiers d’une pièce de marine.
Le culte de l’heure précise
Pour les manufactures, la très bonne idée est de permettre à l’horloger revendeur de pouvoir offrir l’heure précise à ses clients en attirant l’œil sur un cadran large et respectueux d’une esthétique classique et dans le mêmes axe, à chaque fois qu’il vient voir l’heure, de lui faire lire le slogan de la marque jusqu’à l’imprégner de la certitude que celle-ci est bien la meilleure.
L’heure précise est dans les premières années du vingtième siècle, une sorte de culte que les manufactures défendent tous azimuts et à force d’expliquer que seule une montre de telle ou telle marque est capable de précision, c’est dans les vitrines des horlogers bijoutiers que les porteurs de montres (de poche) vont venir chercher l’heure de référence pour régler leur montre. Il n’est pas rare de voir des messieurs entrer dans la boutique d’un horloger ou s’arrêter devant sa vitrine afin, montre en main et parfois chaîne accrochée au gilet, de procéder au réglage hebdomadaire de leur garde temps. Il faut rappeler que si les montres de la meilleure qualité approchaient la précision d’une minute d’avance tous les 3 jours, les montres de qualité courante déviaient de 5 minutes par semaine et rendaient nécessaire un ajustement régulier. Mais comment déterminer l’heure exacte sans radio, ni téléphone ? C’est donc le bijoutier du quartier qui devient qualifié pour offrir celle-ci et les manufactures vont placer chez ces distributeurs ultimes via leurs représentants de commerce, des chronomètres de vitrine publicitaires.
La tentation d’une pièce d’exception
Tout est conçu dans ces pièces pour donner au client l’envie irrépressible de céder à la tentation d’acquérir une pièce de la marque. Non seulement ces chronomètres sont beaux et placés dans un bois vernis qui est soit un acajou, soit un arbre fruitier ou du chêne mais en plus, ils sont extrêmement lisibles par un choix judicieux de cadran soit en émail, soit argenté pour mieux renvoyer la lumière et détacher la lecture des aiguilles. En outre, l’horloger pourra prendre solennellement l’objet et accéder au mouvement souvent protégé par un verre soit en basculant la plaque sur lequel est fixé le chronomètre, soit en ouvrant le couvercle de fond en bois monté sur charnière.
Le coffret de ces chronomètres est, en effet, parfois articulé pour faciliter la démonstration du vendeur et lui permettre d’exposer la technologie renfermée dans le mécanisme de la pièce. Par la même occasion, le détaillant habile muni du bulletin de marche de son chronomètre pourra sensibiliser son client à ce qui fait la différence entre une pièce ordinaire et un chronomètre. L’œuvre pédagogique se mêle ainsi au geste commercial. Les chronomètres de vitrines demeurent, une fois la montre achetée, la première tentation de ces messieurs qui ont compris en les regardant, tout le plaisir qu’ils allaient avoir à posséder une montre issue de la même manufacture que celle qui avait produit cette pièce unique vue chez l’horloger. Il n’en faut pas davantage pour que naisse après la première guerre mondiale, une demande de la clientèle pour ce type de pièce. Certaines manufactures vont y satisfaire tandis que de d’autres produiront spécialement des chronomètres proches des chronomètres de marine pour faire leur publicité. Ces pièces n’étaient en général pas livrées gratuitement aux détaillants qui devaient les acheter ou devaient justifier d’un chiffre d’affaires élevé avec la marque pour les obtenir sans avoir à les payer. Dans tous les cas, il était rare qu’un même détaillant possède ce type de pièces pour plusieurs marques simultanément. Comment d’ailleurs aurait-il pu justifier d’avoir une heure précise pour deux pièces qui auraient nécessairement affiché des heures différentes ?
Le rendez-vous avec la nostalgie
Livrées au soleil et à la chaleur des vitrines, les chronos de vitrines voyaient souvent leurs huiles sécher rapidement et le bois s’abimer à cause du soleil qui en agressait la patine. Peu de ces pièces ont donc traversé le temps, en particulier pour les premières fabriquées avec une vocation publicitaire. Aujourd’hui, les chronomètres de vitrines témoignent du charme indéniable de cette réclame d’autrefois et de cette conviction des manufactures de rechercher en permanence à convaincre de leur aptitude à offrir l’heure la plus précise aux acteurs d’une société qui allait courir après son temps. Jusque dans les années 60, on rencontre ce type de pièces chez les détaillants puis elles se font oublier au profit de pendules électriques publicitaires avant d’être remplacées par des versions de plus en plus perfectionnées de pendules murales. Aujourd’hui, les chronomètres de vitrines ont définitivement cédé la place à des pendules à quartz radio-pilotées, icônes des marques en forme de montres agrandies et garantes d’une précision sans faille. L’heure affichée chez les horlogers-bijoutiers ne pourra guère être plus précise. On se prend pourtant à regretter ces boutiques et leurs chronomètres de vitrines, témoignage d’un savoir-faire et d’une proximité avec le consommateur dans un dialogue qui passait par des objets conçus initialement pour ne jamais leur être vendus.
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Sujet: Une perle de Zenith : Le calibre 68 11/12/17, 10:00 am
Une perle de Zenith : Le calibre 68
Au début du 20ème siècle, les ingénieurs de Zenith multiplient les conceptions de nouveaux calibres. Concrètement la manufacture produit d'énormes séries et fabrique plus de 150 000 mouvements chaque année. La montre de poche à mouvement à ancre est en train de conquérir le monde et avec elle l'heure juste devient accessible à tous. Auparavant, les montres à cylindre souvent assemblées par des horlogers à partir de pièces achetées chez des fournisseurs permettaient d'accéder de manière aléatoire à l'heure avec des variations qui pouvaient dépasser largement le quart d'heure sur la journée.
La détention individuelle de l'heure juste devient essentielle avec le développement de l'industrie car elle conditionne le temps de travail en commun des équipes et donc la productivité. La grande force de l'horlogerie est d'avoir convaincu chacun que posséder une montre de qualité est un besoin mais aussi un plaisir. La publicité, on dit alors réclame, ne cesse de marteler le message du plaisir avec la montre "cadeau" et référence du bonheur partagé.
Au sein du bureau d'étude de la manufacture, on dessine des mouvements qui vont équiper les montres de demain. Les objectifs assignés sont de cultiver l'interchangeabilité des pièces, ce qui allège le coût des services de maintenance des montres et en facilite la fabrication en volumes mais aussi d'abaisser les coûts de revient des calibres.
On voit ainsi des mouvements apparaître avec un pont en moins mais des demi-platines, plus de numéro de série, une décoration allégée, etc.
En 1906, le bureau d'étude conçoit un calibre référencé 68. Doté d'un large balancier, ce 19 lignes, soit 41,30 millimètres, vise la précision ultime. Les ingénieurs aimeraient bien en faire une bête à concours. Hélas les chronométriers de Zenith chargés de préparer les montres pour les concours internationaux de chronométrie notamment de l'Observatoire de Neuchâtel, voient les choses autrement et préfèrent travailler sur des calibres de 20 1/2 lignes dont le réglage est facilement domesticable. Coincé "entre le calibre dit "Zenith" 18-28 et le 20 lignes, ce 19 lignes ne sera pas finalement fabriqué immédiatement et va rester près de 40 ans dans les cartons ! En effet, ce n'est qu'en 1943, que la manufacture va lancer la fabrication d'une petite série de ces mouvements haut de gamme sous la référence 69. Quelques montres en sont équipées notamment pour l'exportation vers les marchés nord-américains. Le mouvement est ensuite ré-enfoui dans les cartons et il faudra attendre 13 ans pour qu'il retrouve une destination.
Zenith se concentre sur le 18-28 avec des finitions haut de gamme
Il faut en effet attendre 1956 pour que Zenith se détermine à exploiter ses ébauches après que les Chemins de fer canadiens aient passé une commande à la manufacture du Locle. Ainsi sur la base des ébauches fabriquées au début des années 1940, c'est donc en 1956 que Zenith termine les mouvements avec une finition exceptionnelle déclinée en deux fois 500 exemplaires. Le mouvement est qualifié d'Extra. La version livrée aux Canadiens en 2 temps est re-décorée et le mouvement rebaptisé RR 56.
Il réapparait plus tard sous la référence 68-2 en 1961 cette fois en 6000 exemplaires livrés en 1961 et 1962 sur la base des ébauches de 1943. Avec les version RR 56 c'est un peu plus de 7000 exemplaires qui sont ainsi distribués. Sa finition est lisse, rhodiée et le mouvement est doté d'un antichoc.
Par comparaison la version Prima
Sa plaque de contre-pivot à l'ancre est quasi dans sa surface originelle, à peine ajustée sur le bord de la demie platine. On y retrouve le même col de cygne que sur la version du RR 56 mais de Prima, le mouvement est devenu Extra Prima, c'est à dire le plus haut de gamme dans le référencement Zenith.
Plutôt rare, ce calibre 68-2 toutefois plus aisé à trouver que le RR56 partage avec son mouvement frère, une précision extrême et une beauté architecturale particulière. Malgré cela en 1962, les montres de poche se vendent beaucoup moins bien et Zenith en conservera un nombre conséquent dans ses réserves.
Zenith est si fier de son calibre que la manufacture affiche sur le cadran la qualité du mouvement
En 1983, ZENITH est revenu depuis 5 ans, sous capitaux suisses depuis que les Américains ont revendu la marque à un consortium de trois industriels suisses dont Paul Castella propriétaire de DIXI. C’est sans conteste pour ne pas voir une marque qui fait partie du patrimoine national que ses nouveaux propriétaires ont cédé à la tentation d’en reprendre possession. La production d’un modèle de prestige renouant avec la tradition est à l’époque pour ZENITH, une excellente occasion de prouver qu’après des années noires au plan horloger, la marque a conservé tout son savoir faire.
C’est Thomas Engel qui va donner à la manufacture l’occasion de faire une grande démonstration de celui-ci. Cet ingénieur chimiste spécialisé dans les polymères et dont les montres sont le hobby de longue date pratique l’horlogerie de haut niveau en amateur averti. Thomas Engel s’est essayé à diverses complications dont le tourbillon et propose cette fois à ZENITH d’adapter un calibre de montre de poche pour réaliser une petite série, sur une base de calibre 68 de 19 lignes (41,30 mm) pour une hauteur de 6,45 mm et de 17 rubis produit seulement à 6 000 exemplaires en 1961 et 1962 mais de conception infiniment plus ancienne puisqu’elle remonte à 1906. Il travaillera sur le projet avec Jean-Pierre Guerber directeur technique de la manufacture que l’arrêt de la production de mouvements mécaniques ordonné par les Américains avait rendu impatient de retrouver des pièces à la hauteur de son engagement dans l’horlogerie. Cette production de pièces en nombre limité sera d’ailleurs un avant goût de la relance d’une activité de production de pièces mécaniques avant que le mouvement de chronographe El Primero ne soit lui-même, à nouveau remis en fabrication.
Sans cette série de montres qui fait le lien entre les années « quartz » et la relance de l’horlogerie mécanique, il est fort à craindre d’ailleurs que la manufacture n’aurait plus bénéficié du savoir faire de Jean-Pierre Guerber dont d’autres manufactures n’auraient pas hésité à s’attacher le talent. Les trois petites séries de 25 pièces de haute horlogerie par la technicité qu’elles mobilisent sont donc probablement salutaires quant à la suite de l’histoire de ZENITH. Les pièces non assemblées des calibres 68 sont ressorties des réserves où elles dormaient depuis plusieurs années pour bénéficier d’une nouvelle finition avec cote de Genève et d’une raquetterie avec col de cygne et antichoc. Thomas Engel, passionné par les complications horlogères et par les montres ZENITH dont il apprécie la qualité des mouvements, est très inspiré par les dessins des montres Breguet d’où un design qui rappelle la production de l’illustre horloger dont on dit qu’il séjourna au Locle avant de rejoindre Neuchâtel lorsqu’il dut se réfugier en Suisse après la révolution. Le style Breguet est d’ailleurs revendiqué haut et fort dans les dépliants qui font la promotion des modèles.
Au total la collection comportera trois séries de 25 montres dont les clients sont prévenus dès la commande qu’elles se feront attendre au moins trois mois. Une version simple à phase de lune, une version phases de lune, jours de la semaine et thermomètre et une version heure décentrée, phase de lune et jour de la semaine. Boites en or et cadrans en argent massif équipent ces montres magnifiques qui sont livrées dans un coffret en acajou numéroté comme les montres et qui contiennent, raffinement suprême, un ressort de barillet et des aiguilles de rechange « comme autrefois ».
Chaque fond est différent, unique et chaque cadran est doublement signé par ZENITH et Thomas Engel. Boites et cadrans sont guillochés grâce à des machines ancrées dans la tradition et de plus de 150 ans d’âge. Les fonds des boites en or 18 carats sont au choix guillochées et le cas échéant émaillées avec ou sans incrustations de décors or. La patine des boites irrésistible et exceptionnelle n’a d’équivalent que celle des cadrans gravés à la main. Tous les calibres sont non seulement certifiés chronomètres et réglés dans 5 positions mais bénéficient en plus de la mention exceptionnelle de « Résultats particulièrement bons », une véritable performance en 1983 pour des mouvements fabriqués 20 ans plus tôt mais de conception bien plus ancienne. Ces montres vendues dans un processus proche de la souscription ont évidemment remporté un grand succès et sont aujourd’hui dispersées dans les collections d’amateurs éclairés. L’histoire ne dit pas si lors des révisions ces derniers feront usage des aiguilles de rechange mais reconnaissons la grande intelligence et la finesse de l’idée qui a consisté à doter les propriétaire de ces montres des moyens d’en assurer l’entretien en leur évitant le souci de retrouver des aiguilles conformes au modèle originel. Certainement ces montres sont-elles avant tout des modèles de pure collection et sortent-elle de l’esprit qui a présidé à la destinée de la manufacture de toujours produire des pièces fonctionnelles mais elle furent pour la marque un moyen habile de se replacer dans la course des manufactures auxquelles « les années quartz » n’ont pas fait perdre la main.
Le calibre 68 est finalement l'un des plus beaux mouvements de montres de poche brillant par son esthétique et sa fiabilité. La version RR 56 des Chemins de fer Canadiens est la plus rare mais les autres versions ne manquent pas d'intérêt au regard du savoir faire accumulé par plusieurs générations d'horlogers qui ont contribué à élaborer ce calibre.
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Sujet: Georges Favre-Jacot (Zenith), Alphons Mucha et Huguenin : Un trio magique ! 29/04/18, 05:06 pm
La coïncidence est rare mais il faut croire quelle peut se produire. En quelques jours, j'ai été interrogé quatre fois sur ce qui unissait Georges Favre-Jacot, fondateur de la manufacture Zenith, et Alphons Mucha. Mes interlocuteurs allemand, australien, autrichien et japonais n'ont manifestement aucun lien entre eux mais partagent un intérêt fort pour l'Art nouveau et son histoire. La convergence des demandes provient sans doute d'un site qui a parlé de ce sujet et renvoyé vers Zenithistoric mais la demande est réelle car souvent renouvelée soit ici par des étudiants, là par des enseignants, des journalistes et l'organisateur d'une exposition. Le sujet est historique et peu connu. Surtout la collection complète des 4 saisons de montres Zenith fabriquées d'après Mucha en 1900 est une rareté et nul ne sait ce qu'est devenue la version en or émaillée présentée à Paris en pièce unique pour chaque saison lors de l'exposition universelle de 1900.
Revenons donc sur ce qui déclencha la création de ces 4 saisons de Mucha dans une collection rare de montres Zenith.
Georges Favre-Jacot (Zenith), Alphons Mucha et Huguenin : Un trio magique !
Alfons Mucha vers 1897
1896 : une année charnière
En 1896, Mucha crée une série de 4 lithographies dédiées aux saisons. Il a dessiné deux ans plus tôt une affiche pour un spectacle où figure Sarah Bernhardt dans le rôle de Gismonda. Sa carrière d'artiste spécialisé dans l'Art Nouveau est lancée. Il participe à Reims à une exposition sur le cirque et y rencontre les directeurs de plusieurs maisons de Champagne qui feront appel à lui pour dessiner leurs affiches publicitaires. L'art Nouveau a le vent en poupe.
Georges Favre-Jacot dépose le 12 mars 1897 à 11 h la marque Zenith. Le conseil d'administration de la manufacture constate un trop gros volume stocké d'anciens calibres de 19 lignes alors que Georges Favre-Jacot voudrait équiper toutes les montres du nouveau mouvement dont le coût de fabrication a été abaissé par rapport aux anciens modèles. Les marchés russes et turcs sont à la peine car les montres Zenith sont devenues trop chères face à une concurrence qui ne cesse de réduire le prix de ses montres. Favre-Jacot est passionné par l'art et l'architecture. Il est en quête d'idées pour déstocker ses mouvements et créer pour l'Exposition Universelle qui approche des modèles originaux qui feront sensation. Le patriarche comme on l'appelle au Locle est en effet un excellent commerçant et un visionnaire. Il sait que faire parler de sa maison par la presse pour ses créations est bien moins couteux que d'acheter des pages de publicité et lui ramène autant de clients. Georges Favre-Jacot sollicite la maison Huguenin, frappeur de médailles et fabricants de boites de montres, pour des créations originales voire exclusivement dédiées à Zenith. Il évoque son intérêt pour des collections plutôt que des modèles isolés comme la manufacture en a déjà produites sur les thèmes classiques de la chasse, des animaux, des métiers voire des pays à la fin du 19ème siècle. Huguenin toujours à l'affut d'idées novatrices évoque avec Georges Favre-Jacot l'intérêt qu'il y aurait à créer une collection de 4 pièces originales avec pour thématique les 4 saisons de Mucha dont tout le monde parle y compris dans les magazines suisses qui ne tarissent pas d'éloges à l'égard d'Alphons Mucha.
Huguenin a pour habitude de signer des contrats avec des artistes et de vendre ensuite les boites réalisées d'après les œuvres de ces artistes à plusieurs maisons dont Zenith, Longines ou quelques autres manufactures suisses. Huguenin noue alors le contact avec Mucha qui se montre intéressé mais ne souhaite pas retrouver ses œuvres n'importe où et refuse l'éparpillement. Georges Favre-Jacot intervient alors personnellement sans doute en utilisant des intermédiaires artistes eux-mêmes pour approcher Mucha et réussit à convaincre l'artiste que d'une part, il ne sera représenté que sur des montres de qualité et que d'autre part, le nombre de pièces sera limité. L'accord est alors passé sur 100 montres. Ce chiffre de 100 a longtemps suscité des questions. Etait-ce 4 fois 25 pièces ou 100 montres par saison ? Diverses recherches et recoupement laissent imaginer 100 montres par saison pour la première édition. La publicité de l'époque mentionne une autorisation unique pour ces montres artistiques. On sait toutefois qu'il y a eu 3 séries de pièces avec 3 boites différentes. Il est peu probable comme l'ont avancé certains auteurs sans pouvoir étayer leurs dires, qu'il y ait eu 100 pièces par variante de la montre (niellée, émaillée, type de gravure en taille douce, etc.).
Plusieurs séries de montres en 1900, 1902 et 1910
Les deux premières séries avec des boites très classiques datent de 1900 et 1902. La dernière date de l'année 1910 et est animée par un calibre Zenith 18 lignes. Toutes les boites ne furent pas en argent. On retrouve à l'Exposition universelle la présentation d'une version en or émaillée de chaque saison et des versions niellées et colorées émaillées. Le métal support est soit en argent à 800 millièmes, soit en argent à plus bas titre non poinçonné, soit en "métal blanc particulier" puisque l'alliage contient de l'argent. Il semble que la recherche d'une "dureté" spéciale du métal ait pu guider ce choix. On sait que les montres ont pu s'acheter en série de 4 pièces et à l'unité. D'aucun constatent la rareté de certaines saisons par rapport à d'autres. Il faut là pondérer cette interprétation car chaque collectionneur a sa propre version de la pièce la plus rare en fonction de ce que le hasard a placé dans ses mains. Malgré tout, il semble que l'hiver moins commandé ne fut pas produit dans la totalité des quantités préannoncées.
Très rare exemplaire en émaillé rouge et jaune de la première série
Le rapport avec Mucha fut sans doute empreint d'exigences réciproques. Il semble que le principe d'une affiche spécialement dédiée à Zenith ait fait partie des discussions mais elle ne vit jamais le jour alors que Mucha signa avec de nombreuses maisons pour des biscuits, vélos ou champagne notamment. On ignore les causes réelles de ce qui limita l'accord avec Zenith. Des exigences financières trop élevées, des contraintes calendaires inaccessibles, un défaut d'inspiration ou simplement un désaccord sur un dessin ou une esquisse produite. On peut supputer à peu près toutes sortes de motifs. Ce qui est certains est que Mucha se protégeait très bien et défendit ses intérêts avec la conscience de quelqu'un qui était lucide sur la précarité du succès en matière artistique.
Des pièces historiques
Georges Favre-Jacot plaça dans ces montres une partie de ses stocks de mouvements antérieurs au Zenith. La subtilité fut de faire appliquer le nom de Zenith sur le cadran. L'engouement autour de ces pièces fut à l'image de l'enthousiasme suscité par l'Exposition Universelle de 1900. Un article dithyrambique publié au cours de l'exposition de Paris témoigne de l'intérêt suscité par ces montres. On peut d'ailleurs les qualifier d'historiques car l'association de l'art et de l'horlogerie ne s'était jamais fait à ce niveau de fusion et Zenith fut la seule maison à avoir décroché cet accord de la part de Mucha. Certains concurrents avaient du renoncer à cause de l'exclusivité signée avec Zenith. Les clients commandaient la montre de leur saison de naissance ou de mariage. Les commandes affluèrent de manière inégale selon les saisons rendant impossible de toutes les honorer en raison des quantités limitées contractualisées avec l'artiste. Zenith négocia donc une seconde édition avec les mêmes mouvements puis une troisième cette fois avec le nouveau mouvement.
La diffusion de ces montres fut confidentielle. Il n'existe qu'une seule publicité diffusée en 1900 pour "communiquer sur ces montres". Si Georges Favre-Jacot fut particulièrement satisfait de cette collection, ses démêlés avec son conseil d'administration l'ont probablement absorbé dans d'autres préoccupations. Il existe donc peu d'articles sur ces pièces lors de leur diffusion. Les pièces de la première série furent vendues sur le site de l'Exposition Universelle de Paris de sorte qu'elles furent emportées dans le monde entier sans aucune possibilité de les tracer. La plupart sont toutefois restées en Europe et on en retrouve essentiellement en France, Allemagne et dans les Pays-Bas. La seconde série connut des livraisons en Allemagne et en Suisse ainsi que dans le Benelux et la France. La dernière série connut une diffusion en France, en Italie et en Allemagne. Cette statistique n'a toutefois rien de scientifique mais est fondée sur un relevé des pièces vendues ces 30 dernières années.
Rare exemplaire de la troisième série
Il est très difficile de reconstituer la collection car ces montres portent nécessairement quelque chose de plus que les autres pièces. Elles symbolisent en effet des moments de la vie de ceux qui les ont possédées. Dès lors leur valeur affective se conjugue avec la logique de pièce de collection. Zenith n'a pas dans son histoire jusqu'à présent repris l'idée d'une référence à l'Art Nouveau au travers d'Alphons Mucha. C'est pourtant la seule maison qui en la matière détient une légitimité historique. D'autres maisons comme Jaeger LeCoultre ont exploité avec succès l'idée de séries fondées sur les saisons de Mucha. Aucun président successif de la marque n'a trouvé opportune depuis 5 décennies l'idée d'une collection faisant référence à ce passé pourtant historique de la marque qui peine à se trouver une icône alors qu'elle porte une des histoires les plus riches.
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Sujet: Histoire inédite d'une Zenith El Primero qui n'a jamais vu le jour 09/06/18, 04:54 pm
Histoire inédite d'une Zenith El Primero qui n'a jamais vu le jour
La génèse militaire
Le Ministère Français de la Défense lança début octobre 1995 un appel d'offres pour la fourniture de 1000 chronographes par an pendant 4 ans. Les délais de procédure sont très courts et les candidats doivent remettre leurs offres fin novembre 1995.
ZENITH est très intéressé par cet appel d'offres mais n'a pas de montre en catalogue répondant aux normes fixées par le cahier des charges du ministère. Il n'y a de boîtier disponible que celui de la Rainbow pour répondre aux prescriptions du cahier des charges. Si le cadran conforme à la demande ne pose pas de réel problème, en revanche l’adaptation du mouvement est confiée au bureau d’étude avec une consigne soulignée en rouge « Très urgent ». Par ailleurs la boite de la version classique de la Rainbow est un mixo de brillant et de brossé ce qui ne cadre pas avec une version militaire. Il faut donc dans l'urgence adapter l'aspect de la boite. L'idée viendra de Stephan Ciejka qui connait bien les besoins des armées et conseille Zenith de manière particulièrement efficace. Stephan Ciejka suggère également d'adapter les poussoirs qui sont vissés sur la version classique, ce qui est incompatible avec les besoins d'un pilote de chasse. Il imagine des poussoirs plats, non vissés et une couronne crantée, le tout facile à manipuler avec des gants. Il reste à revoir l'aspect général et cette fois c'est par microbillage que Zenith va obtenir un aspect satiné caractéristique du modèle. Parallèlement au travail réalisé sur l'aspect esthétique, le bureau d'étude de Zenith travaille sur le mouvement.
Le sujet est plus délicat car pour la première fois depuis sa création, il faut apporter au El Primero des modifications sur le mouvement. En l'occurrence, Le cahier des charges militaire prévoit un calibre de chrono Fly-back. La première impression quant à l'introduction de cette fonction est réservée car personne ne sait si la haute fréquence du mouvement va être compatible avec un retour en vol de l'aiguille de trotteuse du chrono. Pourtant, les ingénieurs du bureau d’étude de ZENITH ne feront « qu’une bouchée » de ce défi technique et réussissent à donner une fonctionnalité nouvelle dite « Fly-back » au calibre, en adaptant quelques pièces, le tout avec une fiabilité qui demeure équivalente au calibre de base.
Cette complication consiste à pouvoir réinitialiser le chrono, c'est-à-dire à le remettre au départ et à le relancer dans le même geste simplement en relâchant la pression sur le poussoir de remise à 0. La fonction évite la double manœuvre successive d’arrêt du chrono puis de pression sur le poussoir de départ pour le relancer. Le calibre 400 El Primero modifié prend la référence 405.
Pourquoi une version Fly-back ?
A l'origine, le Fly-back fut mis au point pour permettre aux pilotes de procéder rapidement à un nouveau chronométrage en n’appuyant que sur un seul poussoir. En effet, lors d’un vol à vue, un aviateur qui veut relier un point donné utilise son compas mais il peut aussi avoir recours à sa montre pour évaluer au regard de sa vitesse et de la distance restant à parcourir, de l’imminence de l’approche de ce point dans un laps de temps préalablement établi. A basse altitude, la vitesse est de l’ordre de 150 mètres par seconde et un écart de mesure du temps peut s’avérer extrêmement dangereux. La fonction fly-back réduit le risque d’erreur en accélérant et en simplifiant le processus de mesure. ZENITH exploita cette fonction dès les années 30 dans ses chronographes de bord livrés à l’aviation notamment militaire.
En quelques semaines, la manufacture Zenith est ainsi en mesure de répondre à l’appel d’offres de l’Armée Française et de livrer un carton de six pièces à l’appui de son offre. Ces échantillons doivent permettre aux instances chargées d’analyser la valeur technique des offres de contrôler la conformité des montres au cahier des charges et de procéder à quelques essais des pièces déposées. Tandis que chaque marque candidate attend avec impatience de savoir si les produits déposés répondent aux attentes de l’armée, une mauvaise nouvelle vient rompre les espoirs. Comme les autres candidats, l’équipe qui a travaillé au sein de la manufacture sur ce projet est déçue d’apprendre que faute de budget militaire, il est procédé au classement sans suite par l’armée, de la procédure de marché public engagée quelques semaines plus tôt. En effet, la France décide en 1995, année d’élections présidentielles, de supprimer la conscription et les crédits militaires amputés conduisent à un programme drastique de restrictions budgétaires auquel n’échappe pas le chronographe sur lequel l’armée dans le doute, ne s’était engagée sur aucune commande ferme.
Zenith dispose alors d'un chrono qui à la différence de ses concurrents est bâti pour un cahier des charges précis et n'est pas un produit du catalogue se rapprochant du cahier des charges militaires. Avec sa Rainbow Flyback, Zenith ne sait pas encore en 1995, que la manufacture vient de mettre au point l'un des derniers chronographes entièrement pensé et construit sur des bases imposées par un cahier des charges militaire. On est loin, très loin des montres à connotation militaire qu'on valide sous forme d'image en les plaçant au poignet d'un aviateur en uniforme. Zenith avait déjà proposé dans les années 1960 un chronographe militaire qui fut livré aux pilotes de l'armée de l'air italienne par le distributeur italien Cairelli. La Tipo CP 2, nom résultant du cahier des charges italien avait laissé dans le souvenir des pilotes l'image d'une montre de haute qualité.
Un chronographe iconique
Le produit reste dans l'esprit de la manufacture un produit qui mérite des développements et un perfectionnement ultime pour pouvoir être incorporé dans le catalogue. Zenith consacre donc l'année 1996 à rechercher des expertises auprès de commandants de bord et auprès de l'Aéroclub de France pour perfectionner son chronographe. Priorité est donnée à la lisibilité et à faire en sorte que l'oeil ne s'égare pas sur le cadran à la recherche d'information quand une fraction de seconde d'inattention peut rendre potentiellement dangereux le pilotage.
Pour cette raison, la trotteuse est rouge et le totalisateur des minutes est lui aussi rouge, un rouge "anticollision". Ces deux aiguilles essentielles sont les premières dont l'oeil repère les mesures. Des pilotes testent avant la mise en production la montre et donnent un avis favorable. Le compteur du totalisateur des minutes est entrecoupé de couleurs qui évitent de réfléchir par rapport à la position de la montre et évitent les erreurs de lecture. on sait de suite dans quelle tranche de minutage on se situe.
Enfin la zone des 20 premières minutes de la lunette est rouge pour contribuer à la lecture des temps. Tout est pensé sur ce modèle pour l'aviation. Les pilotes sont immédiatement sensibles aux détails dont les poussoirs de chronos et la couronne de remontoir munis d'une tête large pour en faciliter la manipulation avec des gants. La lunette crantée a une résistance "dosée" pour une manipulation aisée. La montre est une réussite. Présentée à Baselworld en mars 1997, elle commence à être livrée en novembre sur bracelet en requin avec une couture rouge.
La demande de la clientèle pousse Zenith à adapter un bracelet en acier et à proposer une version à cadran noir exclusivement sur acier. Le modèle en couleurs fut livré à 900 exemplaires sur cuir, 4850 sur acier et. 4100 en version noire sur acier.
Un rendez-vous manqué
En 1999 LVMH rachète Zenith. La Rainbow classique est perçue comme trop proche du design de boite de la Daytona et Zenith décide de cesser la fabrication de la collection. Celle-ci cesse en 2001 pour ce qui est des versions couleur et au tout début de 2002 pour les versions noires. La Flyback Rainbow est retirée du catalogue fin 2002.
Les amateurs de montres de pilotes ne comprennent pas immédiatement tout l'intérêt de cette montre et surtout, la manufacture elle-même n'a pas conscience d'avoir créé un modèle qui va rapidement devenir emblématique par sa rareté relative et sa courte carrière commerciale. En effet, en 2002 Zenith ajuste ses tarifs et la Rainbow flyback voit son prix catalogue augmenter de près de 40%. Pendant que les amateurs se focalisent sur les prix, les modèles en stock restés à l'ancien tarif chez les détaillants sont vendus plus facilement.
La Rainbow Flyback devient un produit recherché. Les amateurs de montres ne la perçoivent pas comme un chrono original et surtout une montre outil professionnelle. Si Zenith a communiqué sur le sujet, la manufacture n'a pas vraiment pris le temps d'installer son modèle dans sa collection. C'est paradoxalement au moment où la montre n'est plus en catalogue que son succès augmente un peu comme la De Luca a connu une meilleure carrière après sa commercialisation que pendant celle-ci.
Le modèle à cadran noir plein de charme et très fonctionnel séduit moins que la version couleur toujours recherchée... Zenith en retrouve parfois quelques exemplaires dans les retours de marchés et les livre au compte goutte à de rares privilégiés.
La Rainbow flyback reste un des modèles les plus aboutis car étudié dans le moindre détail de ses fonctionnalités pratiques. rien n'y est le fruit du hasard. Ce que personne ne sait, c'est que cette Rainbow allait devenir en 2001 la montre officielle du GIGN qui s'est entrainé avec pendant plusieurs mois. Ce n'est pas la version que nous connaissons qui allait être proposée mais une version avec un cadran spécial. Tout était prêt et l'histoire s'est écrite autrement…
Cette montre conçue pour le GIGN reprenait le modèle imaginé pour les pilotes de chasse et les gendarmes du GIGN la testèrent à l'entrainement. Par discrétion nous en tairons le lieu. Le test fut réalisé avec la version Flyback que nous connaissons pendant que les designers travaillaient sur la version spéciale du chrono El Primero. Au programme, sauts, manœuvres dans la boue, escalades, sports de combat etc … En outre, l'entrainement eut lieu dans une zone géographique où l'atmosphère humide n'est guère favorable aux montres. La pièce devait à la fois être étanche dans l'eau et pouvoir être visible en toutes circonstances sans être trop visible dans l'hypothèse de missions nécessitant une extrême discrétion.
Les tests secrets étaient connus de la Direction de Zenith mais l'information est restée confidentielle car en 1998, l'époque n'est pas encore à la mode des partenariats promotionnels. Le GIGN recherche une montre de service avant tout, une montre-outil increvable et susceptible de subir des chocs mais qui doit rester opérationnelle dans les pires conditions. Il n'existe de ce projet que très peu d'archives et encore sont-elles demeurées secrètes.
Le rachat de Zenith par LVMH a mis fin au projet, non pas parce qu'il existait une quelconque hostilité du groupe LVMH mais parce que les urgences de Zenith en 1999/2000 étaient ailleurs. Le projet fut d'autant plus facilement abandonné que Thierry Nataf, nouveau CEO de Zenith avait pour mission de faire de la marque une manufacture située dans le haut de gamme et que la Rainbow quel que fut son intérêt semblait datée et ne répondait pas aux critères qualitatifs que la manufacture voulait imposer. Le projet ne fut ainsi même pas examiné par la nouvelle direction et les équipes du GIGN se reportèrent sur d'autres maisons.
Le modèle qui servit de référence à la création des esquisses reproduites ici fut la Rainbow Flyback avec cette fois des poussoirs et couronnes modifiés et un projet de bracelet en Kevlar produit très innovant à l'époque. Il n'existe donc aucun prototype de la montre puisque le projet s'est arrêté au stade de l'esquisse. Personne ne rompit le silence sur ce projet jusqu'en 2015 où le livre sur les 150 ans de Zenith en reproduisit l'image.
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Sujet: La révolution des montres outils intelligentes -Partie 1- La Zenith Defy Boulon 21/06/18, 07:26 pm
Au début des années 1960, Zenith qui a racheté en 1959 la maison Martel Watch à Pont de Martel est en pleine reconsidération de ses collections. Jugées vieillottes et dépassées par la Direction de la manufacture, les montres en catalogue sont face à la concurrence de Longines ou Omega quelque peu en retard sur plusieurs points que les consommateurs se prennent à considérer comme essentiels.
D'abord, il n'existe pas de boite étanche au delà de 30 mètres alors qu'Omega notamment propose des boitiers résistant à l'eau à 50 ou 60 mètres. Ensuite, les modèles à remontage automatique de la concurrence ont depuis plus de 10 ans abandonné les systèmes de masse oscillante à butée alors que Zenith distribue encore son calibre 133.8 dérivé du 133 mis au point par Ephrem Jobin concepteur du 135, mais qui a quitté la manufacture depuis 1954. Certes, les ingénieurs de Zenith ont réussi à intégrer la date à ce mouvement avec sa version dite "71" mais malgré des qualités chronométriques éblouissantes très supérieures aux concurrents, ce calibre trop épais et bruyant est distancé par Omega notamment qui a remplacé les masses oscillantes à butée par des rotors qui remontent à double sens et donc deux fois plus vite et surtout plus mobiles que les systèmes à butée d'une fiabilité aléatoire.
Martel Watch a dans ses cartons d'excellents mouvements antérieurement fournis à Universal Genève. Il s'agit de calibres plats modernes avec un remontage par rotor à 180 degrés. Zenith a proposé en 1962, une première ébauche de boite Super étanche dénommée "S 58". Considérée à tort comme un marquage militaire, la mention S 58 ne fait référence qu'à la qualité dite "Super étanche" de la montre.
S 58 équipée d'un calibre 71 en 1962
S 58 équipée d'un calibre 2542 vers 1965
Le concept est bon mais la montre n'est pas au niveau de ce que proposent Blancpain, Omega ou Rolex qui possèdent des modèles de plongée qui permettent de descendre à plus de 200 mètres sous le niveau 0. Il faut donc travailler davantage le concept pour offrir une montre plus performante. Avec les calibres 2542 puis les variantes de celui-ci, Zenith détient un excellent mouvement. Si concevoir une boite originale étanche ne semble pas très compliqué, en revanche imposer un concept de boite innovant l'est davantage. La manufacture Zenith veut une montre outil polyvalente mais une montre qui présente des avancées technologiques sur la concurrence. Zenith travaillant de concert avec son fournisseur de boite fait naître dans un premier temps l'idée d'une montre susceptible de pouvoir encaisser des chocs violents sans dommages. Pour cela, il faut isoler le mouvement dans une sorte de cerclage en caoutchouc amortisseur des chocs et vibrations. Des tests sont réalisés pour s'assurer de l'efficacité de l'idée. Des mouvements sont malmenés en subissant des chocs latéraux et restent imperturbables. Des tests sont alors faits en emboitant les calibres avec leur cerclage antichoc. Le mouvement reste indestructible mais les boites n'en sortent pas indemnes. Elles subissent des déformations lors de chocs de 20 kilos et les verres cassent systématiquement.
Les "plats" subis par les boites arrondies donnent l'idée de boites à pans multiples et la volonté de se diriger vers un concept de montre outil parachève l'idée initiale en suggérant le démontage des fonds de boite et des lunettes par une clé à 14 pans identique à ce qu'on utiliserait pour un moteur de voiture ou un vélo. Le verre demeure un souci majeur car il n'existe aucun verre assez épais pour résister aux chocs que Zenith veut faire encaisser aux montres. Il faudra donc faire appel à une fabrication spéciale de verre minéral épais trempé inrayable et indestructible.
Cette montre est pour les équipes de Zenith, un véritable défi technologique et la marque a déjà déposé le nom de Defy (et de Defi sur des mouvements de poche) qu'elle va donc exploiter pour ce nouveau produit. La boite est conçue pour résister à l'eau, aux chocs, aux vibrations et protéger coûte que coûte, le mouvement en toutes circonstances. Le choix du calibre va se porter sur un 2562 PC produit dans l'unité ZENITH de Martel Watch qui préserve le joint d’étanchéité de couronne par rapport au mode manuel de remontage du mouvement. L’efficacité du remontage est améliorée par l’introduction de deux roulements à billes.
Afin de parer aux chocs induits par les pratiques sportives, le mouvement est entouré d’un cercle amortisseur avec brides et vis de fixation doté d’une élasticité qui absorbe les chocs sans les diffuser. Ce système de suspension élastique consiste à doter chaque mouvement d’un cercle serré lors de la fermeture de la boite entre la carrure et le fond qui assure une liaison élastique entre le mouvement et la boite.
La boite rendue étanche à 300 mètres dotée d’une couronne vissée sur le tube, plus épaisse qu’à l’accoutumée est particulièrement robuste.
Le verre est fixé par un écrou de blocage combiné à la lunette qui permet de changer le verre sans déboîter le mouvement et l’étanchéité est garantie par un joint spécifique de grande dimension. Ultime astuce, la lunette et le fond sont dévissables avec la même clé. Cette caractéristique fera prendre au modèle le surnom de « DEFY Boulon ». La publicité de l’époque la présente positionnée sur un gant de boxe.
Pour sa version spéciale « plongeur », ZENITH porte l’étanchéité à 600 mètres et ajoute une lunette tournante à crans par demies minutes avec un système de sécurité empêchant que celle-ci ne tourne accidentellement. La couronne est placée près de la date à 4 heures trente et ZENITH affirme que les aiguilles dotées comme le cadran de matière luminescente ne produisent aucun rayonnement dangereux. Le bracelet acier extensible permet le port de la montre au dessus de la combinaison de plongée. Présentée avec cadran noir et zone orange ou cadran argenté rencontre un franc succès.
ZENITH produira par ailleurs un modèle étanche à 1000 mètres très massif et très convoité des professionnels de l'époque.
Vendue sur cuir ou sur bracelet acier, la Defy Boulon fut un immense succès notamment en Italie mais aussi au Japon où elle apparait dans le catalogue de 1972 aux côtés du El Primero A 386 historique.
La Defy Boulon est sans aucun doute l'une des montres les plus "intelligentes" de sa génération, une sorte de défi au temps et aux forces, une montre chargée d'histoire qui fut l'une des pierres fondatrices de l'histoire de la manufacture Zenith. Oubliée un temps dans le foisonnement des modèles vintages, elle est revenue sur le devant de la scène grâce à celles qui en sont aujourd'hui les héritières. Zenith avec la Defy a bâti une légende et ses Defy des années 1970 sont aussi solides qu'au premier jour. Elles constituent une alternative des plus intéressantes à ceux qui recherchent des modèles à fort potentiel historique et des montres polyvalentes aussi à l'aise au poignet d'un pilote que d'un plongeur et au poignet d'un dandy dans un cocktail. On peut les customiser à souhait avec des bracelets en silicone, des natos ou des cuirs colorés … Les seules limites sont celles de l'imagination.
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Sujet: La montre Zenith du département hydrographique de la Royal Navy britannique 13/04/19, 06:58 pm
La montre Zenith du département hydrographique de la Royal Navy britannique
Dans la fourniture de montres aux armées, ZENITH s’est illustré par la fourniture à la Royal Navy britannique d’une magnifique montre de bord à seconde centrale. La plupart des mouvements de ces montres, tous des 19 lignes (41,3 mm) de type 19-34-3-T, bâtis sur une base proche du 193, dotés d’un pont et d’une roue de renvoi de seconde centrale, furent fabriqués à partir de 1938. ZENITH réalisait en effet ses calibres par séries et les stockait avant emboitage après parfois plusieurs mois ou années. Cela explique l'absence de chronologie dans la sortie en montre et la mise en service auprès du département de la défense anglais.
Des cadrans classés en trois catégories
Trois types de cadrans furent validés par le département de la défense britannique pour ses services hydrographiques. Certains comportent des variantes portant sur la zone d'inscription de la Broad Arrow a midi ou 6 heures et sur sa forme.
Sur cet exemplaire de type III , la Broad Arrow a été effacée lors de la démilitarisation de la montre.
Version de type I
Version de Type II
Version de Type III
On note que les cadrans de type I comportent de longs index. Ces cadrans correspondent en principe aux premières livraisons (ce qui ne signifie pas systématiquement premières mises en service).
Pourquoi des index plus longs que sur les autres versions lors des premières livraisons ?
Plusieurs maisons livraient ce type de montres et Zenith avait une certaine souplesse dans la fabrication des cadrans car la manufacture les fabriquait elle-même. Sans aucun doute, Zenith s'est conformé à une exigence militaire laquelle était consécutive à une recherche de réduction des erreurs de lecture. Mais alors pourquoi ces différentes versions ? Celui à index courts était destiné à rester dans une boite en bois vitrée et à être consulté sur une table (Desk watch). L'autre avec index long est destiné à bouger sans sa boite en bois et donc à être lu sur le terrain de l'action. Selon l'angle et la lumière, la parallaxe peut induire en erreur et moyennant un cadran un peu plus chargé et un peu moins aéré, il a été choisi de faire se superposer aiguilles des minutes et des secondes avec les index tracés sur le cadran. L'erreur de lecture serait alors réduite sensiblement.
Cette explication de source militaire est malgré tout sujette à critique car l'aiguille de trotteuse est si fine et si longue que l'erreur sur la demie seconde est assez fréquente. En effet, l'aiguille recouvre de la même manière les index de minutes et de demies minutes ce qui n'est pas si facile à lire en une fraction de seconde. Il est plus probable que constatant le risque de confusion sur le cadran de type I, les services hydrographiques anglais soient passés au cadran de type II avec chemin de fer plus clair. La lecture de la seconde se fait alors sur deux points de lecture dont l'un ne comporte que le marquage des secondes ou minutes et pas des demies secondes.
Malgré ces 2 essais de cadrans, la simplification a fini par l'emporter avec la version de type III, de loin la plus simple et la plus lisible avec finalement peu de risque d'erreur. Il est à noter que les services hydrographiques ont même fini par "raccourcir la trotteuse" de manière non systématique lors de services opérés sur les montres. Cette opération fut souvent à tort mise sur le compte de maladresses mais il n'en est rien.
Des mouvements chronomètres de très bonne qualité
Dotés de 16 rubis, les mouvements "chronomètres" bénéficiaient d’un balancier bimétallique à vis micrométriques de compensation et de la raquette à disque excentrique brevetée en 1903. Certains mouvements furent gravés de la Broad Arrow directement par Zenith avant livraison. Ce calibre n’a pas d’antichoc à la différence du 193 qui équipe l’armée allemande. L’armée anglaise avait déjà une expérience certaine de la qualité des mouvements ZENITH puisque c’est sur des bases de mouvements quasi identiques que la Royal Flying Corps fut dotée en montres en 1916.
Remarquables pour leur précision extrême et la qualité soignée de la finition des mouvements, les montres bénéficiaient de boites fabriquées par ZENITH en staybright, acier inoxydable de l’époque. Les fonds et lunettes vissées de ces modèles étaient dotés d’une cannelure périphérique en facilitant le vissage et le dévissage système qui garantissait une très bonne étanchéité. Le fond des montres était gravé de la mention « HS/|\3 », signe d’appartenance au service hydrographique de la Royal Navy. Le cadran émaillé à chiffres arabes et indication intermédiaire des minutes par un index, comportait à midi la marque ZENITH suivie du numéro individuel de la montre et juste en dessous, la Broad Arrow de l’armée britannique. Tous les cadrans étaient par ailleurs, estampés Swiss made à 6 heures.
A la fin de la guerre, ces montres ont rejoint les réserves du département Hydrographique de la Royal Navy avec les autres chronomètres stockés au château de Herstmonceaux dans le Sussex.
Après l'exil, le service pour l'OTAN
Il fallut attendre le début des années 50 pour que le Département Hydrographique fasse reprendre du service à ces montres dont les cadrans furent soigneusement remplacés par des cadrans décimaux brevetés par L.B. Ferguson, divisant en périphérie les secondes en 10 sections de 10 unités. La lecture de l’heure est alors considérée comme accessoire puisque les montres vont être destinées au chronométrage, ce qui justifie de privilégier la lecture de la trotteuse. Les nouveaux cadrans peints sont divisés en trois zones avec à l’extérieur les secondes. Un disque rouge plus petit définit les minutes notées cinq par cinq avec un index unitaire et un cercle noir concentrique intérieur permet la lecture des heures. La trotteuse et l’aiguille des heures sont de couleur noire tandis que celle des minutes est rouge à l’identique de la zone du cadran sur laquelle elle se lit.
Ces montres, ainsi équipées d’un cadran au mode de lecture spécifique, permettaient un calcul mathématique plus rapide des temps mesurés et de leur expression sous une forme décimale. Les nouveaux cadrans sont anonymes et ne comportent plus de marquage ZENITH. Les fonds des montres font l’objet d’un nouveau gravage avec la nouvelle référence de stockage de l’OTAN et quatre chiffres de référence individuelle de la montre reportés à l’intérieur du fond de la boite. Une nouvelle gravure de Broad Arrow en rappelle la propriété de l’armée Britannique. La mention initiale " HS/|\3 "est alors barrée de deux traits horizontaux afin de signifier le changement d’affectation.
Les montres étaient logées dans des boites en bois à couvercle monté sur charnière spécialement étudiés pour laisser apparaître le cadran par une zone évidée. Aujourd’hui, très prisées des collectionneurs, les versions à cadran émail ou à cadran décimal sont devenues des pièces que l’armée britannique a réformées.
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Sujet: La montre des Signal Corps américains. 04/12/19, 04:56 pm
La montre des Signal Corps américains.
La Première Guerre mondiale fut un accélérateur dans l'évolution de nombres d'industries. L'horlogerie profita d'un véritable élan consécutif aux besoins des militaires. Au milieu du conflit, le gouvernement américain décida que les Etats-Unis devaient aider les Européens à reconstruire leurs outils de transmissions et de communication qu'ils fussent téléphoniques ou radiophoniques. Les Signal Corps furent ainsi dépêchés en Europe au cours des derniers mois de la guerre pour s'engager auprès des forces alliées à maintenir et reconstruire des réseaux de télécommunication mis à mal par l'armée allemande.
Qui sont les Signal Corps
Les Signal corps sont un corps militaire américain chargé de la gestion des communications notamment inter-armées. Créé en 1860 par Albert J Myer, les Signal corps eurent un rôle fondamental pour aider l'Armée Française dès 1917 et établir et rétablir des transmissions. Travaillant dans des conditions difficiles, les Signal corps mirent au point des modes de diffusion des informations parfois complexes pour toujours garantir les interconnexions entre armées. Présents sur terre mais aussi en mer ou dans les airs, les Signal corps se sont appuyés sur la compétence de héros, véritables acrobates des airs. Lorsqu’ils firent construire en 1908 le premier avion militaire, ils firent ainsi appel à des pionniers de l'aviation militaire moderne, les frères Wright. Ceux-ci effectuèrent des vols d'essai du premier avion de l'armée, construit selon les spécifications des Signal Corps. L'aviation militaire américaine est d'ailleurs restée sous le contrôle des Signal Corps jusqu'en 1918 quand elle s'est transformée en Armée de l'air américaine. Les Signal corps sont omniprésents dans tous les développements technologiques modernes des armées et des communications.
Un besoin immédiat pour des actions ciblées
Outre des troupes au sol, les Signal corps américains sont dotés de pilotes qui font office de pionniers qui n'hésitent pas à mettre en danger leurs vies au nom de la liberté. Les pilotes sont héroïques et leur engagement marquera les mémoires des pays d'Europe qui les voient intervenir. De près de 300 000 hommes en mars 1918, les forces américaines approchent les 2 millions à la fin de la guerre, en novembre, au moment de la signature de l'armistice. Plus de 10 000 hommes arrivaient des Etats-Unis chaque jour en Europe, à compter du mois de juillet.
Leur rôle fut déterminant dans la victoire des forces alliées. Evidemment, cette arrivée massive rendit nécessaires un certain nombre d'équipements, dont des montres, à commencer pour les pilotes des avions et évidemment pour tous les officiers. Comme les manufactures américaines ne peuvent répondre à un tel afflux de demandes, c'est naturellement vers les manufactures suisses d'horlogerie que se tourna l'Armée américaine pour les équiper. Une seule manufacture n'aurait pu venir à bout des commandes des milliers de pièces voulues par L’état-major américain qui imposa une livraison rapide de montres précises, qu'elles fussent de poche ou bracelet. Elles étaient destinées aux soldats américains chargés des communications par radio, télégraphe ou téléphone et, en particulier, par des reporters propagandistes du corps expéditionnaire américain qui s’engagea à côté des Alliés dès 1917 et surtout 1918.
Les montres des Signal corps furent ainsi livrées par plusieurs fabricants suisses. Le nombre de fournisseurs s'explique par l'amplitude du volume des besoins. Omega, Zenith, Cyma, Heinrich Moser, Tavanes, Ulysse Nardin, Tissot, Rode sont alors les principales maisons sélectionnées. Les montres sont toutes conformes à un cahier des charges de l'armée américaines et si elles se ressemblent visuellement, elles diffèrent essentiellement par les calibres qui les animent.
Plusieurs fabricants américains et suisses sont ainsi sollicités concomitamment pour doter la "British Royal Flying Corps" et l’"US Signal Corps". Le besoin déjà énorme pour les forces américaines, soit plusieurs dizaines de milliers de pièces, est encore plus conséquent additionné des demandes britanniques. Les utilisations sur le terrain sont très diverses et concernent aussi bien les pilotes des avions de reconnaissance que les officiers et sous-officiers au sol voire les hommes du rang. On ne peut gérer les télécommunications sans comptabiliser le temps de la même manière et avec des instruments précis. Toutes les manufactures sollicitées n'ont pas en stock les pièces qu'il faut livrer en un temps record pour satisfaire la demande militaire et toutes les maisons n'ont pas un outil de production suffisant pour générer 20 ou 30 000 pièces en quelques semaines et, abandonner d'autant, leur production habituelle et leurs clients.
Dès lors, la solidarité entre manufactures va jouer à plein. Celles qui fabriquent des cadrans vont en céder à celles qui ne peuvent dans l'urgence que procéder à des assemblages achetés à l'extérieur. Les grandes maisons qui ont le potentiel de main d'œuvre pour fabriquer, assembler, produire vont intervenir pour autrui en sous-traitantes et toutes les maisons sollicitées pourront ainsi livrer les quotas de commandes qui leur ont été assignées. Certaines maisons comme Henry Moser, dont l'outil de production est conséquent, deviennent à la fois fournisseurs en titre de l'armée américaine et sous-traitantes des autres maisons. Zenith fabrique des cadrans pour les pièces que signe la manufacture et celles assemblées par Ulysse Nardin.
Certaines maisons peaufinent les réglages quand d'autres, faute de temps et de moyens, voient leurs noms apposés sur les cadrans sans même que les pièces ne transitent par leurs ateliers. On voit même des montres porteuses de deux marques qui se font concurrence par ailleurs sur les marchés du monde entier.
Le choix de manufactures déjà réputées aux Etats-Unis.
Les montres bracelet d'un diamètre d'au moins 33 mm et jusqu'à 36 mm devaient être équipées de mouvements d'au moins 12 lignes et d'au moins 15 rubis. Les Américains, au regard des volumes nécessaires, sollicitent une dizaine de maisons suisses. Ulysse Nardin n'avait pas encore développé son propre mouvement de montre bracelet et sous-traitait à la maison Moser la fourniture des composants pour ce type de pièces à l'exception des cadrans fabriqués chez Zenith. Certaines d'entre elles comportent une double signature sur le cadran, celle de Moser et d'Ulysse Nardin par exemple, mais c'est bien la manufacture Ulysse Nardin qui portait les commandes qui lui avait été faites. Les Américains avaient de la manufacture une image des plus positives. La maison Ulysse Nardin était, en effet, déjà bien connue des forces armées américaines. Elle avait fourni officiellement, dès 1905, à l'US Navy des chronomètres de bord pour ses navires de guerre. Le gouvernement américain avait même, sous la pression des manufactures américaines, mis en place un concours par l'intermédiaire de l'Observatoire Naval de Washington afin de sélectionner les meilleures garde temps pour ses navires. Ces Torpedo Boat Watches venaient en substitution des chronomètres de marine pour servir à bord une heure de référence et faciliter le calcul des longitudes.
Quand en 1917, l'armée américaine est engagée dans le conflit, la volonté des autorités américaines est de doter les pilotes d’avions militaires et les officiers de montres fiables pour coordonner les actions militaires avec précision et faciliter les interventions de ses officiers volants qui ont besoin de montres dont l’usage est multiple. Ainsi celles-ci servent-elles autant pour mesurer les temps de chauffe des moteurs avant le décollage que pour contrôler le temps de vol et ainsi estimer les réserves de carburant et donc éviter la panne sèche qui peut rapidement être fatale. En outre, les montres permettent de calculer la vitesse du déplacement des troupes en sol à partir de points de repères fixes simplement en chronométrant le temps écoulé entre le moment où lesdites troupes passent d'un point à l'autre.
Des pièces conformes à un strict cahier des charges
Le cahier des charges militaires impose des montres avec des aiguilles de type Mercedes et des cadrans à grands chiffres arabes revêtus de matière luminescente, lisible de nuit, et de petits chiffres rouges pour les heures après midi. Le chiffre "12" inscrit à midi est parfois cerclé de rouge et non de noir comme les autres chiffres pour une lecture intuitive plus rapide. Cela semble relever toutefois de l’initiative de fabricant de cadrans et de Zenith en particulier. La sécurité des pilotes était déjà une préoccupation majeure. On ne connaît à l'époque que le radium pour ses propriétés lumineuses et une efficacité optimale de restitution de luminescence sur une longue durée. Cela permet d'assurer au sol une discrétion absolue car il n'est nul besoin de lumière pour lire l'heure et en vol de nuit, sans cockpit éclairé, le pilote accède facilement à la lecture de sa montre sans perte de temps. On imagine aisément l'éclat du cadran neuf et de ce "12" lumineux et cerclé de rouge !
La couronne proéminente permet le remontage avec les gants. Elle est parfois en forme de boule mais peut aussi être conique. Le risque est grand pour les pilotes de tirer involontairement sur la couronne et de dérégler l’heure. Sur certains modèles, cette potentialité d’incident est écartée puisque le réglage de l'heure induit de presser avec l'ongle sur un mini poussoir protégé et placé sur la carrure à 4 heures. Les attaches soudées rendent aisé le passage d'un bracelet de toile ou de cuir pour cette manière de porter les montres d'un nouveau genre qui renvoie les garde-temps de la poche au poignet. Des montres de poche également dites à gousset, ces nouvelles versions de montres ont conservé l'émail des cadrans et le cache poussière ainsi que le couvercle de fond de boite sur charnières en métal blanc qui protège le calibre de la poussière et renforce l'étanchéité de la boîte.
Un vent de modernité
Ces montres semaient un vent de modernité au poignet des militaires et, d'ailleurs, plus d'un siècle après leur production, elles restent d'une saisissante beauté et d'un éclat qui met en avant les qualités de durabilité de l'émail quasiment inaltérable dans le temps. Le verre est en vrai verre et non en plastique mais, à l'époque, c'est ce qui se faisait et une grille métallique amovible peut être ajustée en protection pour en assurer la pérennité.
Les cadrans de ces montres, rendus luminescents par une peinture au radium, permettaient une lecture nocturne de l’heure facilitée également par les aiguilles Mercedes également luminescentes. Les chiffres après 12 heures apparaissent en rouge pour une lecture intuitive. Les militaires ne disent pas qu'il est une heure de l'après-midi mais qu'il est 13 heures ou une heure PM (Post Midday)
La conception des mouvements, leur construction et leur architecture sont très proches de celles des mouvements des montres de poche, dont ils sont la duplication sous diamètre réduit. D’une précision absolue, ces montres disposent d’un balancier Guillaume à vis, coupé et bimétallique, ainsi que d’un spiral Breguet. Près d’un siècle après leur fabrication, les montres des « Signal Corps » passent aisément l’épreuve de contrôle de réglage sur les vibro-comparateurs électroniques modernes.
La plupart de ces pièces sont reparties au poignet des militaires vers les Etats-Unis ou l'Australie car les militaires australiens portaient les mêmes modèles et il n'en reste en Europe que très peu. Sur les pièces reparties aux Etats-Unis, on estime à moins de 2% le nombre de celles qui circulent aujourd'hui et encore faudrait-il faire le tri entre celles accidentées et abimées et celles qui ont traversé le siècle sans dommages. Ces pièces désormais de collection rendent hommage à ceux qui les ont portées et ont contribué, au péril de leur vie dans des pays dont ils ignoraient l'existence la plupart du temps, à faire triompher la liberté sur l'oppression.
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Sujet: La montre Zenith d'observation des sous-marins de la Navy britannique 24/12/20, 05:10 pm
La montre Zenith d'observation des sous-marins de la Navy britannique
En 1938, l'armée anglaise se prépare à la guerre dont le monde entier imagine l'imminence. La Navy britannique, grande consommatrice de montres notamment avec les pièces pour les services hydrographiques, est très satisfaite des mouvements prima 17 rubis qui les équipent. Toutefois, la marine anglaise a besoin de pièces très particulières pour ses sous-marins. Il s'agit de chronomètres d'une précision absolue et d'une fiabilité sans faille. La Navy s'enquiert auprès de Zenith quant à la faisabilité d'une montre dans une boite très plate et un verre plat et un mouvement de très haute précision. La manufacture propose son fameux 22,5 lignes qui a battu des records de précision mais cela ne satisfait pas la marine anglaise qui tient absolument à une montre plate et d'un diamètre discret.
Ce qu'il faut à la marine anglaise est en fait un calibre de 19 lignes et de 21 rubis. Zenith dispose d'ébauches fabriquées le 22 janvier 1931 et stockées dans la manufacture pour des pièces prestigieuses en or. La quantité est très limitée mais la commande de l'armée porte sur un nombre de pièces réduit. Zenith fait savoir que la manufacture ne dispose pas des boites mais cela importe peu car le fabricant anglais Dennison fabrique des boites réglementaires pour cette catégorie de mouvement. L'armée souhaite en effet des boites spéciales pour des mouvements de 19 lignes à fond vissé plat et couronne anglaise (boule). Les boites pour ces montres sont un peu spéciales à cause de la hauteur du mouvement qui n'est pas commune.
Il reste à la manufacture des Billodes à terminer les mouvements, ce qu'elle réalise le 30 mars 1938 et le dorage qui lui, sera achevé le 6 mai 1938. Les montres apparaissent dans la catégorie des "commandes spéciales", c'est-à-dire de pièces en très petites quantités faites pour une armée et les livraisons sont faites par boîtes de 6. Zenith livrera une vingtaine de kits calibre/cadran/aiguilles. Les autres montres serviront ailleurs.
Dès la première boîte, chaque cadran produit, peint et assemblé par Zenith reçoit un numéro autonome par rapport au reste des montres faites par ailleurs pour l'armée anglaise que ce soit par Zenith ou une autre manufacture. De cette commande spéciale, tout le monde croyait qu'il ne restait aucune pièce tant leur nombre initial fut limité. Ce n'est pas le cas et de manière tout à fait exceptionnelle, l'une d'elles s'est égarée depuis Londres ... Le cadran porte la célèbre Broad Arrow et ce numéro symbolique de l'unicité des pièces. Loin des calibres 7 rubis ou même des 15 rubis des GSTP, ce mouvement est celui de la plus belle qualité jamais livrée à l'armée anglaise par son nombre de rubis et sa finition dorée, un calibre très rare dans une pièce militaire qui ne se justifie que par un besoin spécial lié à celui de la vie dans les sous-marins et le besoin d'avoir une montre ultimement précise afin de doubler les instruments de bord susceptibles de donner l'heure.
Trouver l'une de ces montres était une chance extraordinaire mais le hasard a mis 6 ans après la première, un second exemplaire de cette micro-série sur mon chemin. La numéro 6 trouvée en 2011 est dorénavant accompagnée de sa petite soeur, la numéro 4. Le numéro du mouvement est quasi consécutif à 2 près et découverte en 2017.
Une recherche plus approfondie démontre que la Marine anglaise accordait une extrême importance à la précision de ces montres qui lorsque les moyens radio étaient coupés pour rendre moins détectables les navires par l'ennemi, ces montres restaient à bord le moyen privilégié de conserver une heure de référence fiable. L'armée anglaise faisait donc subir à ces pièces des tests qui débouchaient sur un tri où n'étaient sélectionnées que les montres les plus précises. Les tests ont conduit à choisir ces Zenith parmi les premières puis quelques IWC et Elgin à seconde centrale. La marine anglaise préféra en effet ensuite des pièces à seconde centrale semble-t-il plus lisibles pour les armées.
Ces 6 Zenith sont donc des pièces d'une exceptionnelle rareté avec des calibres "spéciaux" dont les hauteurs de pont sont différentes des autres mouvements de la manufacture ce qui aujourd'hui rend leur maintenance plus complexe quand il faut remplacer un axe. Deux pièces, cela correspond à un tiers de la production et il sera sans nul doute difficile d'aller plus loin. Au total, une vingtaine de kits Calibre/cadran/aiguilles avaient été livrés mais seuls 6 furent retenus in fine. Ces montres étaient emboitées avec des boites Dennison. Le fond est vissé pour garantir une étanchéité optimale. L'ajustage de la boite et du fond dénotent un souci de recherche d'étanchéité. Le filetage qui permet de fixer le fond est long et préserve bien le mouvement des agents extérieurs. Chose étonnante, le choix du métal blanc pour fabriquer la boite alors que ce matériau était volontiers écarté au profit du Staybright (sorte d'inox) ou de l'argent dont l'oxydation en surface n'avait pas d'incidence sur l'étanchéité. La réponse est assez logique, Dennison disposait d'un outil industriel capable de garantir l'étanchéité des boites sans joint de fond et celle-ci est si bien garantie que le militaire peut essuyer sa montre sans dégât sur la surface du métal. En outre, le métal blanc retenu est d'une qualité spéciale qui le rend quasi inaltérable.
Il y avait évidemment bien plus de 6 sous-marins. Les autres ont été équipés avec des IWC et des Elgin à seconde centrale et quelques autres modèles. Les Zenith ont les numéros 1 à 6 sans doute parce que dans cette catégorie spéciale, elles furent les 6 premières. Il reste la question de savoir pourquoi Zenith n'a pas livré d'autres pièces. Sans doute une question de prix. Ces calibres étaient assez chers, plus chers que les concurrents, lesquels ont fourni des montres d'une précision équivalente.
Pourquoi une petite seconde ?
En général, les montres d'observation ont souvent une seconde centrale et pourtant ces 6 Zenith conservaient leur petite seconde. Les montres à trotteuse centrale étaient en général destinées aux services hydrographiques de la Navy. Celles-ci avaient initialement tout au moins une autre destination sans doute davantage orientée vers la conservation de l'heure à bord en un point différent de celui du chronomètre de Marine qui équipait encore les sous-marins anglais en 1938. Il est sans doute probable que ces montres fussent destinées à la coordination d'actions militaires. Une montre à chaque commandement pour des envois de torpilles simultanés ou coordonnés avec les navires en surface.
Des ponts plus hauts ?
L'élément frappant est que ces 6 calibres avaient une caractéristique rare, à savoir la hauteur des ponts, plus hauts que sur les modèles courants. Cette architecture a sans doute un sens "horloger" mais je n'ai pas trouvé lequel et personne n'a pu me renseigner. Mis à part une épaisseur des roues mais ce n'est pas le cas, il fut impossible de déterminer pourquoi on a voulu ces mouvements plus hauts que leur équivalent classique. En outre, la référence inscrite sur le mouvement est celle d'un calibre de hauteur "normale". Ce surdimensionnement est donc une caractéristique isolée.
Pourquoi deux montres sont-elles ressorties sur les 6 ?
Les services de la Navy ont réformé et vendu beaucoup de matériel réformé ces dernières années. Ces 2 montres "horlogèrement intéressantes" ne présentaient pas l'intérêt des versions à seconde centrale qui ont été pour la plupart recyclées pour l'OTAN. L'intérêt horloger a échappé aux militaires et les montres se sont donc retrouvées dans les ventes "publiques" d'équipements réformés. Cela amène la question du sort des 4 autres. On peut tout imaginer : Destruction, vol, perte, dispersion par d'autres moyens et achat par des collectionneurs, etc … La question risque de rester longtemps en suspens. Ce qui est certain est que la Royal Navy a testé en parallèle de ces Zenith des montres Elgin numérotées de manière à peine supérieure. En attendant, 2 Zenith sur 6, ce n'est déjà pas si mal !
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