Marque indépendante ayant fêté ses 15 ans l’an dernier, Urwerk a réussi à passer la crise et continue de proposer des
montres à la fois
modernes et
techniques, tout en étant simples à utiliser.
Un nom ancestral pour une marque à la pointe de la modernitéLe nom URWERK est composé de deux éléments : la ville d’
UR située en Mésopotamie (Irak aujourd’hui) et le terme allemand
WERK pour travail (amis germanophones, soyez indulgents pour ma traduction
). Créée en 1997, la marque Urwerk est la conséquence d’une rencontre entre l’horloger
Félix Baumgartner et le designer
Martin Frei deux ans plus tôt. Le premier modèle, le UR-101, est alors présenté au salon horloger de Bâle. La collection 103 lancée en 2003 a fortement évolué depuis le temps et reste toujours disponible.
En plus de l’immense
montre de poche UR-1001 présentée par Driss et le mouvement EMC dont je vous parlerai un peu plus tard, Urwerk propose actuellement quatre modèles majeurs :
- 103 : ce modèle tire ses origines de la 101 en basculant dans une représentation 3D du temps avec ses disques rotatifs, disques devenant de plus en plus présents au fur et à mesure de l’évolution de ce modèle.
- 110 : la 110 devient plus aérienne en troquant les disques de la 103 pour de véritables petites torpilles rotatives définissant à tour de rôle l’heure et la minute.
- 202 : la 202 reprend le concept des pointes rotatives, en étant cette fois-ci télescopiques (leur longueur est ajustée en fonction de leur position sur la courbe des minutes).
- 210 : ce dernier modèle continue d’utiliser des satellites rotatifs, les minutes étant pour la première fois rétrogrades.
UR-110 “USS Enterprise” PTHUn des trois modules à quatre facettes, l’indicateur Jour/Nuit en dessous Après une UR-103 montrant l’heure par quatre disques rotatifs, ce modèle propose la lecture du temps grâce à trois modules. Chaque module composé de quatre facettes tourne sur lui même. Les trois modules sont entraînés par un rouage central leur faisant réaliser un tour complet toutes les trois heures. Comparé aux disques de la collection 103, les modules sont complétés d’une pointe qui permettra d’afficher plus finement les minutes sur l’indicateur à droite de la montre.
La beauté de ce système est que la lecture des minutes se fait de manière continue : chaque fois qu’une heure est terminée, un autre module prend le relais pour commencer une nouvelle heure. Il n’y a pas de système de remise à zéro.
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Behold the U(SS)RWERK Entreprise … hem, the UR-9.01 calibre powering UR-110 models
Outre cet affichage particulier de l’heure, la montre possède les fonctions suivantes, regroupées dans un “Control Board” situé sur la face avant de la montre :
- un indicateur de service à 8H (pour changer l’huile au bout de 3 ans),
- une petite seconde en 2 dimensions à 9H (juste à côté de l’axe central),
- un indicateur Jour/Nuit à 10H.
Les satellites et le “control board”
Le boitier a une forme atypique car il doit mettre l’accent sur cette révolution des modules tournants sans pour autant mettre l’affichage des minute au second plan. Le verre courbé permet une grande ouverture et lisibilité du temps, tout en pouvant admirer l’intérieur de la montre. Seul souci : les reflets. Cher habitué du topic Macro, cette montre sera un test pour vérifier ta maîtrise du reflet. J’ai râté mon examen à Bâle, étais-je trop ébloui par les beautés que j’avais en main ?
Cette montre - comme toutes les autres de la gamme Urwerk - a un confort de portage exceptionnel, le bracelet y est pour beaucoup à mon avis. La couronne sera toujours présente en haut du boitier, certainement pour des questions ergonomiques et ésthétiques. (deux notions sensiblement liées).
Contrairement à la majorité des montres, le côté le plus intéressant d’une Urwerk est devant. L’arrière est beaucoup plus discret : on y voit les deux turbines couplées au rotor unidirectionnel s’occupant du remontage automatique de la montre, et c’est tout. Là où le control board est situé sur le dos de la 103, cet ensemble d’éléments a su trouver sa place sur la face avant de la 110.
La nouveauté présentée cette année au salon de Bâle est la version PTH : le boitier est en titane Grade 5 et la lunette en platine avec un traitement noir mat (PVD, DLC, autre ?), les indications des modules et des minutes sont en rouge. Ce n’est pas la couleur qui ressort la plus dans un boitier sombre, mais elle constraste parfaitement avec le modèle 110 PT présenté au SIHH cette même année : lunette platine micro-sablée et indications vert clair. Le côté éclairé ou ténébreux du temps, à vous de choisir !
Urwerk UR-110 PTH UR-210 “Faucon maltais” ALTINPassons à la dernière née de la famille Urwerk : la 210. Sortie en 2012, cette montre pousse le concept des satellites encore un peu plus loin. Il y a toujours trois modules ayant quatre facettes chacun. Par rapport à une 110 où les minutes étaient verticales à 3H, ce modèle revient à un affichage horizontal à 6H comme sur la 103. Rien de nouveau sous le soleil ? Eh bien si : il n’y a plus qu’une aiguille pour les trois satellites. Le satellite actif est alors entouré d’une sur-aiguille permettant de mieux différencier le satellite donnant l’heure des deux autres en attente d’indiquer le temps. La seconde différence est que la minute devient rétrograde. A chaque changement d’heure, la sur-aiguille saute pour revenir au début et entourer un nouveau satellite. Et ainsi de suite ...
La sur-aiguille rétrograde entourant le satellite Outre cette interprétation différente de la philosophie Urwerk, cette montre est la première à proposer une fonction inédite. Comme bon nombre de montres, il est possible de connaître la réserve de marche. Cette information est ici complétée par un indicateur d’efficience de remontage : il permet d’en indiquer sa qualité sur les deux dernières heures. Vous saurez alors si vous êtes un excité du poignet (indicateur au vert) ou un fervent adepte de la sieste (indicateur au rouge). Rassurez-vous, vous avez 39H avant d’arriver au bout de la réserve de marche, vous ne devriez pas être à sec.
Indicateur de réserve de marche à 1H, indicateur d’efficience à 11H Comme sur la UR-110, un rotor unidirectionnel couplé à deux turbines permet de remonter la montre avec les mouvements du poignet. La grande différence est que le remontage automatique peut être mis sur trois positions :
Stop (le remontage devient alors manuel),
Reduced (la friction de l’air va freiner le remontage),
Full (le remontage est libre de toute résistance). La modification du remontage est à lier au témoin d’efficacité qui permet de savoir si le remontage actuel est suffisant pour une bonne réserve de marche.
Ce côté “tableau de bord” déjà apparu sur le control board des 103 et 110 est une autre particularité distinctive la marque : on en vient à pouvoir contrôler le fonctionnement de sa montre tout en s’assurant de l’influence positive du changement !
Réglage du remontage sur trois positions La base du mouvement est un Girard Perregaux GP 3100 pour les modèles à remontage automatiques, i.e. les UR-110 et UR-210. S’appuyer sur une base éprouvée pour apporter sa plus-value, cela permet ainsi à Urwerk de se concentrer sur ce qui démarque sa marque des autres. L’utilisation d’un mouvement externe comme base de travail est intéressante dans le sens où le calibre final apporte tellement qu’un débat “100% en interne ou non ?” n’aurait pas forcément de sens.
Afin de mieux illustrer le fait que cette question n’est pas aussi fondamentale qu’on le pense, voire déplacée, je ferai un parallèle avec un autre univers mécanique : l’automobile. Le fabricant italien de supercars Pagani réalise des bijoux de performance et de finition (le travail à la main est la norme) … et pourtant les moteurs viennent d’AMG ! Ils ressortent des ateliers largement améliorés, … et ca marche. Si vous vous cramponnez à une voiture “manufacture”, allez donc voir les voisins Ferrari et Lamborghini. Mais y trouverez-vous ce que qui vous faisait vibrer chez Pagani … ou Urwerk ? La marque de M. Baumgartner et Frei n’est pas la seule dans ce cas, ce choix me paraît pourtant sensé. Mettons de côté ce purisme jusqu’au boutiste, il y a tellement de belles choses à voir.
Urwerk UR-210 ALTIN EMC : au delà de la mécaniqueLe mouvement 100% maison, ce n’est pas le cas de cette marque en somme … jusqu’à récemment ! Un mois après le Baselworld, Urwerk a officiellement présenté son premier mouvement : l’EMC pour Electronic Mechanical Control (Contrôle Mécanique et Electronique). Outre le fait de proposer un mouvement le plus performant possible, il sera possible de s’assurer de sa précision. La partie électronique permettra d’ajuster le rythme du balancier afin de se conformer le plus possible à l’oscillation électronique de référence. Pour mieux comprendre, voici un kit de démonstration :
Crédit image : Urwerk
Comme disait récemment mon cher co-teamer Bâlois après avoir reçu un paquet étrange de France, ce sont de grands malades, de grands malades j’ai bien dit ! Le mouvement est en cours de réalisation, la montre accueillant ce mouvement EMC n’est pas encore connue … J’ai vraiment hâte de découvrir le résultat final. Vous trouverez plus d’informations dans le communiqué de presse ou l’analyse faite par le magazine Révolution (anglais).
Vers l’univers et au-delàS’il y a un élément qui définit parfaitement les montres Urwerk, ce sont bien les satellites. L’intérprétation est différente selon les modèles, le concept de lecture reste le même : un seul élément pour donner à la fois l’heure et les minutes.
Etant un ingénieur et amateur de mécanique, j’accroche beaucoup avec cette notion de “control board” que l’on retrouve sur certains modèles de la gamme. Les informations fournies sont secondaires dans le sens où elles ne donnent pas l’heure, mais elles sont utiles pour savoir par exemple si les mouvements de notre poignet sont suffisants pour bien remonter la montre. Ce sont des éléments non indispensables, ce sont des détails, mais des détails qui montrent qu’Urwerk est capable d’aller au delà de la simple montre. Nous nous approchons de plus en plus d’un engin mécanique, voire spatial., et bientôt hybride avec le mouvement EMC.
Le complément par DrissDes malades, c’est peu dire : il paraît que Star Wars rempile. Le vaisseau mère qui va à la vitesse de la lumière a tout intérêt à avoir une montre précise, car à quelques secondes prêt, on risque de se retrouver dans la mauvaise galaxie ! C’est un peu ainsi que je classe cette marque horlogère. Elle n’est pas tout à fait pour notre ère. Une sorte d’OHNI (Objet Horloger Non Identifié).Il faut quand même que l’on se le dise : mettre de l’électronique pour compenser les erreurs mécaniques et celle des lois physiques … il faut être un peu fou ! La frontière de la mécanique et de l’électronique sera brouillée. Et qu’une nouvelle source de débat sur Fam va en naître. Et comme celui de la classification HH n’est pas encore resolu... Et bien mes n’veux, on n’est pas sorti de l'auberge!Il me semble que le système sera équipé d’un capteur optique qui mesurera le retard ou l’avance du balancier. Il aura une valeur de référence et devra compenser ceci au fur et à mesure. Actuellement, ils n’ont pas encore dévoilé la méthode de compensation, mais j’ai eu la chance de voir à l’EPFL des moteurs pas à pas à réluctance variable d’un diamètre extérieur de 1,2mm !! Initialement destinés pour la médecine, j’arrive bien à imaginer un tel moteur s’intégrer dans une montre.Pour la source électrique : un condensateur que le client le recharge manuellement ! N’est-ce pas la solution pour les obsessionnels de la précision ? Je suis curieux de connaître votre avis là-dessus !Cette marque a le mérite de nous offrir des idées complètement folles, ce qui nous permet de nous ennuyer moins vite de l’horlogerie, pour autant que l’on ait encore l’envie de regarder d’autres horizons !
NDR : Ce compte rendu fait partie d'une série d'articles réalisés suite à notre séjour au Baselworld 2013, vous trouverez l'article central ici.